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La santé au travail : l’affaire de tous - Des signes avant-coureurs...

Claudine Desrosiers*, CRIA, est conseillère en ressources humaines dans une entreprise de métallurgie. Pierre vient dans son bureau pour discuter du nouveau programme d’assurances collectives, mais la conversation bifurque rapidement : Pierre déclare qu’il se sent très épuisé et dépassé par la cadence de son poste de travail. Récemment, il s’est absenté à plusieurs reprises. Il ajoute que sa rupture amoureuse et ses problèmes financiers lui donnent des idées noires. Pierre a confiance en Claudine, c’est pourquoi il se confie à elle; mais il ne veut pas qu’elle parle de sa situation ou qu’elle intervienne. Que doit faire Claudine avec cette information?
* nom fictif

2 octobre 2013
Fanie Dubuc, CRIA, et Catherine Chevrette, CRIA

L’ÉCLAIRAGE DÉONTOLOGIQUE - Une situation qui appelle à l’action


Par Me Fanie Dubuc, CRIA, coordonnatrice, affaires juridiques et réglementaires, Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Claudine fait face à une situation délicate : un employé lui confie des informations sensibles qui concernent autant son bien-être personnel que les intérêts de l’organisation en termes de santé au travail et de performance. Doit-elle ne rien dire et ne rien faire comme le demande Pierre? L’inaction n’est pas la solution.

Claudine doit naviguer entre deux obligations clairement stipulées par son Code de déontologie : d’abord, préserver le droit au secret professionnel de Pierre en ne divulguant pas les renseignements qu’il lui a confiés et, en contrepartie, protéger la santé mentale et physique de l’employé en intervenant pour régler la situation. Ainsi, en tant que CRIA, Claudine doit s’assurer que Pierre exécute son travail dans un environnement sain pour sa santé physique et mentale. Si Pierre attire son attention sur une problématique reliée à sa charge de travail, Claudine se doit d’analyser la situation et d’évaluer les solutions possibles pour diminuer la détresse psychologique de l’employé.

Pierre est venu consulter Claudine à titre de CRIA et lui a confié des informations au sujet de sa situation personnelle et professionnelle. Pour que le secret professionnel s’applique, il doit s’agir d’une rencontre de nature professionnelle, rémunérée ou non, durant laquelle des renseignements à caractère confidentiel sont échangés (vie privée, état de santé, situation familiale, etc.). Claudine est donc tenue de ne pas divulguer le contenu de son échange avec Pierre en ce qui concerne sa vie privée, mais elle doit lui faire comprendre qu’elle ne peut demeurer inactive devant une situation qui a le potentiel de s’envenimer et d’avoir des conséquences négatives autant pour lui que pour le reste de l’équipe de travail.

Ainsi, Pierre indique qu’il ressent une grande fatigue et qu’il a l’impression de ne plus fournir à la tâche. Ces éléments peuvent être analysés comme étant des signes que l’employé court le risque de développer un épuisement professionnel.

En tant que conseillère en ressources humaines, Claudine doit veiller à la santé des travailleurs de l’organisation et intervenir lorsqu’elle est informée d’une situation comme celle de Pierre. Elle doit exercer pleinement son rôle-conseil et proposer à Pierre des pistes d’action adaptées à la situation (services offerts tels que PAE, type d’organisation du travail de l’entreprise, qualité de la relation entre Pierre et son superviseur, etc.).

Tout au long de son intervention, Claudine doit chercher à établir une relation de confiance avec Pierre, en respectant ses limites à l’intérieur d’un plan d’action qu’elle devra mettre en place en fonction du contexte de l’entreprise.

À retenir
  • Le membre doit tenir compte de la protection de la santé mentale et physique des employés (article 6 du Code de déontologie).
  • Le membre doit respecter le droit de son client au secret professionnel (article 51 du Code).
  • Le membre doit établir une relation de confiance avec son client (article 33 du Code).
  • Le membre doit exercer son rôle-conseil.

Pour aller plus loin… Des lectures en lien avec cette chronique, les extraits pertinents du Code de déontologie et divers compléments d’information se trouvent dans le portail de l’Ordre [www.portailrh.org/dpo].

L’ÉCLAIRAGE DU PROFESSIONNEL - Intervenir sans tarder!
Par Catherine Chevrette, CRIA, présidente, Les ressources humaines Delta inc.

En matière de santé mentale, plus on tarde à agir, plus il faut du temps pour guérir.

À titre de CRIA, Claudine doit tenir un rôle d’encadrement auprès de Pierre. La situation touche la vie personnelle de celui-ci, mais aussi sa vie professionnelle. Claudine doit aborder la situation en agissant avec respect, délicatesse et ouverture d’esprit, tout en demeurant rationnelle et en gardant en tête son rôle professionnel. Elle doit cependant intervenir rapidement, car un sérieux signal d’alarme est donné. La démarche appropriée comporte deux volets.

Le premier concerne la situation personnelle de Pierre. Il ne revient pas à Claudine d’intervenir directement sur ce plan. Elle doit donc chercher à bien comprendre la nature de la situation et l’impact de celle-ci sur le travail de Pierre. Elle doit l’écouter avec empathie et échanger avec lui avec respect.

Claudine doit offrir son soutien à Pierre pour l’aider à retrouver la santé et une bonne performance au travail. Il s’agit essentiellement de l’orienter vers les ressources d’aide appropriées, tels un PAE ou un médecin. Elle peut aussi lui proposer un congé et faire une demande de prestation pour invalidité. Il est important que Pierre s’engage à faire des démarches selon un échéancier précis et à faire un suivi auprès de Claudine.

Le second volet porte sur la situation professionnelle de Pierre. Celui-ci avoue se sentir dépassé par son travail. Claudine doit chercher à bien saisir le problème et ses causes. Elle doit l’écouter, lui demander de décrire les faits. La pleine compréhension des difficultés et la mise en place de solutions impliquera certainement le supérieur de Pierre. Une relation devra s’établir entre la responsable des ressources humaines, l’employé et son gestionnaire. Un dialogue à trois génère en effet des solutions constructives, efficaces et un engagement plus solidaire de tous les intervenants.

L’intervention de Claudine, sur les plans tant personnel que professionnel, consistera à écouter, sensibiliser, conseiller, guider, orienter et faire un suivi, dans un climat de respect, de confidentialité, de confiance et de modération.

Précisons qu’il ne relève pas de la responsabilité du conseiller en ressources humaines de jouer au médecin ou au psychologue. Toutefois, il doit être prêt à intervenir et à obtenir rapidement l’aide appropriée. Ceci commence par l’écoute et le dialogue. Ainsi, le conseiller sera bien avisé de demander ouvertement à l’employé s’il pense au suicide. Si la réponse est oui, le conseiller ne doit pas se charger seul de la situation et plutôt trouver une aide professionnelle (PAE, système de santé, 911). Surtout, l’employé en détresse ne doit jamais être laissé à lui-même.

Source : Effectif, volume 16, numéro 4, septembre/octobre 2013.


Fanie Dubuc, CRIA, et Catherine Chevrette, CRIA