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Pour vaincre la cyberdépendance…

Sébastien* travaille depuis sept ans pour Financé+ à titre de comptable. Jeanne, sa supérieure, a remarqué que, depuis quelque temps, il arrive très tôt le matin, reste très tard le soir et saute la période de dîner. Une rumeur court à l’effet que Sébastien consacre une grande partie de son temps à clavarder et à envoyer des courriels à ses amis. Comme il a pris du retard dans son travail, Jeanne lui demande s’il a besoin d’aide. Sébastien lui répond qu’il a de la difficulté à dormir; c’est pourquoi, selon lui, il est moins concentré et plus lent que d’habitude. Toutefois, devant son comportement et son rendement défaillant, Jeanne est convaincue que Sébastien a un problème de cyberdépendance. Elle vient vous consulter, à titre de conseiller en ressources humaines. Que lui suggérez-vous de faire?

*NOM FICTIF

13 juin 2008
Suzanne Leduc, CRHA, et Denise Dubreuil, CRHA

Avant tout, responsabiliser l’employé
Par Suzanne Leduc, CRHA, directrice, services à la clientèle, Jacques Lamarre & associés

Même si Jeanne semble convaincue que Sébastien éprouve un problème de cyberdépendance, peu d’éléments lui permettent de soutenir une telle affirmation. Il est donc important, dans un premier temps, de distinguer les faits observables, voire mesurables, des rumeurs et des ouï-dire.

Il s’agit d’aider Jeanne à identifier les comportements, attitudes et résultats dans l’exécution des tâches qui ont significativement changé depuis les dernières semaines.

C’est à partir de ces éléments que commencera son intervention auprès de Sébastien. Elle doit le convoquer dans un lieu approprié, en prenant soin de disposer de suffisamment de temps pour discuter avec lui des éléments préalablement identifiés. Elle doit lui préciser que le but de la rencontre est de faire le point sur sa prestation de travail et de trouver ensemble des mécanismes pour maintenir les aspects satisfaisants et améliorer ceux qui ne le sont pas.

Pour Jeanne, l’important n’est pas de trouver ce qui a causé la baisse de rendement, car les mêmes manifestations (retards, heures supplémentaires, échéanciers non respectés, etc.) peuvent avoir plusieurs causes, mais plutôt d’amener Sébastien à comprendre ce qui est attendu de lui.

Après avoir clarifié les attentes et identifié les moyens concrets pour remédier à sa baisse de rendement, Jeanne pourrait informer Sébastien des rumeurs qui circulent à son sujet, à savoir que des collègues ont remarqué qu’il passait beaucoup de temps à clavarder et à envoyer des courriels à ses amis, sur son temps de travail, en utilisant le matériel de l’entreprise.

Jeanne a un double rôle : sensibiliser Sébastien à la problématique de la cyberdépendance et lui offrir de l’aide, comme à toute autre personne qui pourrait avoir un problème de dépendance, et lui rappeler l’importance de respecter la politique concernant l’utilisation d’Internet. Si une telle politique n’existe pas, ce serait une bonne occasion pour l’entreprise d’en élaborer une.

Si Sébastien éprouve un réel problème de cyberdépendance, il se peut qu’il se ferme et qu’il ne veuille pas du tout parler de ses difficultés à Jeanne. Celle-ci peut tout de même l’informer que des ressources telles que le programme d’aide aux employés ou encore des ressources publiques ou communautaires peuvent l’aider. Enfin, Jeanne conviendra d’une prochaine rencontre pour effectuer ce qu’on oublie trop souvent de faire, le suivi.

Somme toute, nous suggérons à Jeanne de responsabiliser Sébastien en lui signalant ce qui ne va pas, de lui faire part de ce que ses collègues ont remarqué, de lui mentionner ses attentes et de lui proposer de l’aide si l’utilisation d’Internet devenait problématique pour lui.


Une rencontre soigneusement préparée
Par Denise Dubreuil, CRHA, M.I.S, SAP, travailleur autonome

Quelle qu’en soit la raison, il est clair que Sébastien a un problème dans son travail. Jeanne doit le rencontrer afin de lui parler de son rendement inadéquat. Il s’agit donc de l’aider à se préparer à cette entrevue, qui devra avoir lieu dans un endroit discret et confidentiel au sein de l’entreprise ou en dehors du milieu de travail si nécessaire.

Cette rencontre doit viser d’abord à conscientiser Sébastien : Jeanne devra lui mentionner qu’elle a constaté un problème et lui faire part de son inquiétude relativement aux conséquences sur son rendement. Elle devra aussi lui parler de l’impact de son comportement sur ses relations avec elle et avec ses collègues.

Pour ce faire, elle doit d’abord préparer un dossier où elle notera les écarts de rendement de Sébastien (échéances non respectées, rapports incomplets, erreurs de jugement, etc.), la date et le jour de la semaine où l’écart s’est produit (dans certains cas, le lundi ou le vendredi peuvent être significatifs) ainsi que ses remarques (par exemple le fait qu’un autre employé a dû finir le travail). Cet exercice vise trois buts : a) lui éviter des discussions inutiles; b) lui apporter la conviction que sa perception est juste; c) lui permettre d’être claire et précise.

Il faudra aussi préparer Jeanne aux réactions possibles que pourrait avoir Sébastien, tels les pleurs, l’agressivité, le déni ou encore les faux-fuyants (difficulté à dormir notamment). Cependant, en aucun cas, elle ne devra agir en confidente ou en aide psychologique. Elle ne devra pas aborder la possible dépendance de Sébastien à Internet, mais plutôt citer les faits concrets qu’elle aura mis sur papier. Elle pourra toutefois l’inviter à contacter le programme d’aide aux employés ou tout autre aide professionnelle s’il éprouve un problème personnel, telle la cyberdépendance.

C’est aussi le temps pour Jeanne de souligner les qualités et les forces qu’elle reconnaît chez Sébastien. Cet employé, qui est comptable chez Financé+ depuis sept ans, est une valeur sûre pour l’entreprise et le but premier de cette démarche est de lui permettre de prendre conscience de son problème et de retrouver un comportement satisfaisant.

Jeanne terminera cette première entrevue en expliquant clairement les améliorations réalistes auxquelles elle s’attend et en assurant Sébastien qu’elle sera à sa disposition s’il veut discuter de problèmes reliés à son travail. Il restera à fixer une date pour le prochain rendez-vous qui permettra de faire le point sur l’évolution de la situation.

Source : Effectif, volume 11, numéro 3, juin/juillet/août 2008.


Suzanne Leduc, CRHA, et Denise Dubreuil, CRHA