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ÉTUDE DE CAS – Les employés, les employeurs et la maladie

La gestion de la maladie est certainement devenue une spécialité qui demande de tenir ses connaissances à jour, compte tenu de l’évolution rapide des règles qui la régissent. Et, surtout, des nombreuses situations qui se présentent.

29 mars 2006
Monique Desrosiers

Il est maintenant établi que la notion de « handicap » prévue dans la Charte des droits et libertés de la personne s’étend à toute incapacité physique ou psychologique. Tant l’employeur que le syndicat et l’employé concerné ont un rôle à jouer dans l’application de l’obligation d’accommodement qui est imposée dans un tel cas.

Qu’il s’agisse d’une mesure disciplinaire imposée à un serveur dans un bar pour avoir consommé de l’alcool au travail ou d’un employé qui en est à sa deuxième de période d’absence en plus de 36 mois, la question à se poser avant d’intervenir est la suivante : s’agit-il d’un handicap? La réponse dans les deux cas est oui; le premier était alcoolique et deuxième avait subi une lésion professionnelle.

Voici quelques cas qui illustrent bien les principes applicables.

 

La notion de « handicap » L’obligation d’accommodement La contrainte excessive

La notion de « handicap »

L’alcoolisme
Le plaignant travaillait à titre de serveur de bar dans un hôtel. Il a été congédié pour avoir consommé de l’alcool alors qu’il était au travail, ne pas avoir enregistré ni payé ces consommations, s’être approprié sans droit des revenus appartenant à l’hôtel, ne pas avoir poinçonné certaines factures payées comptant par des clients, avoir servi des consommations sans facture et avoir versé en trop de l’alcool dans les verres de clients sans le porter à leur facture. Le plaignant admet qu’il a consommé de l’alcool au travail et qu’il n’a pas payé ses consommations. Le syndicat allègue toutefois que le plaignant souffrait d’alcoolisme et qu’il en a informé l’employeur lors de la rencontre précédant le congédiement.

DÉCISION – Le seul reproche pouvant être valablement invoqué au soutien du congédiement est le fait que le plaignant a consommé de l’alcool alors qu’il était au travail. Cependant, le plaignant souffrait d’alcoolisme. Or, la jurisprudence reconnaît que l’alcoolisme constitue un handicap et l’employeur, par conséquent, avait une obligation d’accommodement à l’égard du plaignant. Il aurait dû tenir compte de nombreux facteurs atténuants tels que les trente-six années de loyaux services de ce dernier, son âge (soixante ans), ses aveux lors de la rencontre disciplinaire, son dossier disciplinaire vierge, sa demande d’aide et son engagement à suivre une cure à ses frais. Compte tenu de ces circonstances, le congédiement constituait une mesure trop sévère. Le plaignant a tout de même commis une faute grave, et l’alcoolisme ne pouvait l’exonérer complètement. Afin de sanctionner de façon exemplaire de tels gestes, une suspension de quatorze mois est substituée au congédiement.

Société en commandite 9016-7586 Québec inc. et Syndicat des travailleuses et travailleurs du Marriott Château Champlain (CSN), (Joaquim De Sousa), SOQUIJ AZ-50355548

Le jeu pathologique
Le plaignant était préposé aux équipements récréatifs à la Ville de Québec et travaillait seul dans un centre sportif. Il s’occupait notamment d’encaisser les paiements et de produire les reçus. Il faisait la liste des encaissements et effectuait les dépôts. Le 18 octobre 2004, il a été suspendu aux fins d’une enquête. Cinq jours plus tard, un psychologue de la Ville l’a accompagné à l’urgence, où il rencontré un psychiatre, et, du 29 octobre au 1er décembre, il a fait une cure fermée dans un centre de traitement du jeu pathologique. Il a été congédié le 12 janvier 2005 pour avoir falsifié des documents et s’être approprié 19 593 $.

DÉCISION – La preuve médicale établit un lien de causalité entre le diagnostic de jeu pathologique et les vols. Elle établit aussi que, lorsqu’il a volé, le plaignant n’avait pas perdu contact avec la réalité. Il était en mesure de comprendre la gravité de ses gestes et leur caractère répréhensible. Le jeu pathologique est reconnu comme une maladie psychiatrique. Le salarié qui ne souffre d’aucun handicap doit satisfaire à toutes les obligations qui découlent de son contrat de travail, qu’il s’agisse d’obligations liées à la prestation de travail – l’assiduité, la qualité du travail – ou d’obligations liées au comportement – la loyauté, la civilité ou l’honnêteté. Le salarié souffrant d’un handicap peut être empêché, en raison de ce handicap, de remplir toutes ces obligations. L’obligation d’accommodement à l’égard d’un salarié souffrant d’un handicap suppose d’évaluer les possibilités d’assouplir les obligations qui découlent du contrat de travail afin de lui permettre de conserver son emploi malgré l’incapacité qui résulte de ce handicap, à savoir qu’il manque à l’une ou l’autre de ses obligations. L’étendue de l’obligation d’accommodement de l’employeur – et les mesures d’accommodement qui pourront être envisagées – varie selon la nature du handicap et la nature des manquements aux obligations découlant du contrat de travail. En l’espèce, la maladie dont souffre le plaignant est le jeu pathologique et le manquement aux obligations découlant de son contrat de travail concerne son obligation d’honnêteté. Il s’agit d’une maladie sur laquelle le salarié peut exercer un certain contrôle. D’autre part, le manquement du plaignant à son obligation d’honnêteté constitue un manquement volontaire. Une telle situation doit être traitée différemment de celle d’un salarié qui, involontairement, est incapable d’effectuer certaines tâches de son emploi. Il est difficile d’imaginer comment un employeur peut envisager une mesure d’accommodement à l’égard d’un salarié qui manque à son obligation d’honnêteté.

Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec (FISA) et Québec (Ville de), (Serge Messier), SOQUIJ AZ-50334929

La lésion professionnelle
Le plaignant, un chauffeur de camion, est entré au service de l’employeur en 1995. Il a subi un accident du travail le 13 février 2003. Des diagnostics d’épicondylite droite et de claquage du rhomboïde droit ont été posés. La lésion a été consolidée le 23 juin suivant, avec une atteinte permanente. Le 3 novembre, après deux tentatives infructueuses de retour au travail les 31 juillet et 29 octobre, le plaignant a transmis à l’employeur un certificat médical de son médecin traitant et lui a fait une demande d’accommodement afin que ne lui soient confiés que des voyages avec une semi-remorque à rideau exclusivement munie de tendeurs à cliquet en raison de ses limitations fonctionnelles. L’employeur a rejeté verbalement cette demande. Le 12 décembre, il a transmis une lettre au plaignant lui intimant de rapporter son uniforme et ses clés. Le 23 décembre, le plaignant a déposé un grief contestant le refus de l’employeur de le réintégrer dans son poste et de l’accommoder.

DÉCISION – La Charte des droits et libertés de la personne, qui a une valeur quasi constitutionnelle, s’applique à toutes les activités du secteur privé relevant de la compétence de la province ainsi qu’à toutes les activités gouvernementales de nature administrative et exécutive. C’est cette Charte qui s’applique dans toutes les activités reliées aux relations du travail relevant de la compétence du Québec. Avec la protection accordée par la Charte, le salarié atteint d’un « handicap » a le droit de conserver son emploi en bénéficiant d’accommodements raisonnables s’il peut satisfaire aux principales exigences de son poste, dans la mesure où ces accommodements n’entraînent aucune contrainte excessive pour l’employeur. En conséquence, les droits protégés par la Charte doivent recevoir une interprétation large et libérale et les exceptions et moyens de défense qui y sont prévus, une interprétation restrictive. La Cour suprême du Canada a introduit une nouvelle méthode en trois étapes obligeant les employeurs à adopter des normes de travail qui, en soi et de façon intrinsèque, doivent composer avec les caractéristiques individuelles de chaque salarié, notamment la capacité réduite d’une personne atteinte d’un handicap. Le premier critère, celui de la pertinence, est destiné à vérifier si l’objectif de cette norme est légitime. L’objectif généralement recherché par l’employeur qui établit une norme de la nature d’une exigence professionnelle normale vise la capacité du salarié à travailler pour l’entreprise, soit de manière efficace et productive, soit de manière sécuritaire pour lui-même et ses compagnons de travail, ou les deux. Le second critère est celui de la conviction honnête de l’employeur que la norme adoptée est pertinente sans qu’il ait eu l’intention de faire preuve de discrimination. En pratique, c’est le troisième critère – celui de la nécessité – qui est le plus important et le plus utilisé : l’employeur doit démontrer que la norme de travail pertinente et adoptée de bonne foi est vraiment nécessaire à la réalisation de l’objectif recherché. L’exigence professionnelle normale doit constituer un seuil minimal incontournable pour atteindre cet objectif. En vertu de cette nouvelle méthode, la norme de travail doit être pertinente et nécessaire au point d’exclure toute exception, ce qui oblige à prévoir tous les accommodements possibles n’entraînant pas de contrainte excessive. Ainsi, l’obligation d’accommodement raisonnable sans contrainte excessive nécessite un exercice d’équilibrage et de jugement afin de trouver un compromis, un arrangement ou une adaptation entre les droits légitimes de l’employeur et ceux du salarié, le tout en harmonie avec les droits collectifs des autres salariés. Les critères d’évaluation de la contrainte excessive se divisent en quatre catégories : les coûts, les risques, l’entrave à l’exploitation de l’entreprise et le préjudice causé aux autres salariés. D’autre part, l’obligation d’accommoder un salarié atteint d’un handicap au sens de la charte est d’abord une responsabilité de l’employeur, mais elle implique également, de différentes façons, la responsabilité du salarié en cause, celle du syndicat et celle des autres salariés. L’intensité varie toutefois selon la position de chacun.

En l’espèce, en guise d’accommodement, le plaignant a demandé à effectuer la livraison de marchandises à l’aide d’un seul type de véhicule. L’employeur a rejeté sa demande, expliquant qu’il ne disposait pas de l’équipement nécessaire. S’est-il acquitté de son obligation d’accommodement sans contrainte excessive? La preuve révèle que, en décembre 2003, les limitations fonctionnelles du plaignant établies par son médecin étaient permanentes depuis qu’il s’était blessé le 29 octobre précédent. Ces limitations sont les suivantes : éviter de soulever des charges de plus de trente kilogrammes, surtout pour les mouvements au-dessus de la tête, et éviter les mouvements brusques du cou et les flexions-extensions à répétition du cou. Ces limitations fonctionnelles constituent donc un « handicap » au sens de la Charte et il n’est pas contesté que le plaignant a été exclu du travail à cause de celles-ci. Par conséquent, l’employeur a une obligation d’accommodement sans contrainte excessive. Or, il n’a pas assumé son obligation, et ce, pour plusieurs raisons. Il n’a fait aucun examen sérieux et diligent en vue d’évaluer à fond la question et de trouver des solutions raisonnables. Il n’a pas davantage démontré que les coûts, les risques pour la sécurité, l’entrave à l’exploitation et les préjudices causés au syndicat et autres salariés pouvaient entraîner une contrainte excessive pour lui. Le seul coût relié à la demande du plaignant découle de l’obligation de munir de tendeurs à cliquet l’une des cinq semi-remorques à rideau disponibles. Or, l’employeur possède tous les tendeurs et toutes les semi-remorques nécessaires; le travail ne consiste qu’à transférer des tendeurs d’une semi-remorque à une autre, ce qui ne représente manifestement pas des coûts importants. D’autre part, il n’existe pas un risque immédiat, significatif et substantiel pour sa santé et sa sécurité permettant de conclure à l’existence d’une contrainte excessive. En effet, il faut relier les douleurs ressenties par le plaignant lors de ses deux tentatives de retour au travail à sa longue inactivité de l’époque. Cette conclusion est confirmée, d’une part, par le rapport ergonomique indiquant que la conduite d’un tracteur n’est pas incompatible avec ses limitations fonctionnelles et, d’autre part, par la preuve révélant qu’après avoir déposé son grief, le plaignant a effectivement conduit un camion pendant plus d’une année sans jamais ressentir de douleurs similaires. Quant à l’entrave à l’exploitation de l’entreprise, elle est presque inexistante. En effet, la preuve révèle que 75 % du travail d’un chauffeur affecté à de longs parcours consiste à conduire un tracteur couplé à une semi-remorque. Le reste du travail consiste à préparer la semi-remorque en vue de son chargement et de son déchargement. Le handicap du plaignant ne concerne qu’une tâche très accessoire de sa fonction principale. Par ailleurs, faire droit à l’accommodement demandé par le plaignant n’entraîne aucun préjudice aux autres salariés ni aucune modification à la convention. Pour ces motifs, il y a donc lieu de réintégrer le plaignant dans sa fonction en procédant aux ajustements requis pour l’accommoder dans l’exécution sûre et efficace de son travail. Par conséquent, la défense fondée sur l’exigence professionnelle justifiée invoquée par l’employeur est rejetée.

Danaca Transport Montréal ltée et Syndicat national du transport routier (CSN), (Serge Tardif), SOQUIJ AZ-50305869 (Requête en fixation de l’indemnité accueillie, SOQUIJ AZ-50358984)

L’obligation d’accommodement

Cette obligation impose à l’employeur d’être proactif et innovateur; il doit accomplir des gestes concrets d’accommodement, ou alors démontrer que ses tentatives sont vaines et que toute autre solution – laquelle doit être précisée – lui imposerait un fardeau excessif.
La plaignante, commis aux ventes, souffre d’un trouble de la personnalité mixte avec des traits de caractère borderline. À partir de 1994, elle s’est absentée du travail durant de longues périodes et à de nombreuses reprises. Au terme de plusieurs tentatives de retour au travail, l’employeur lui a imposé un congédiement administratif le 19 juillet 2001. L’arbitre saisi de son grief a estimé que cette mesure avait été imposée à la plaignante à cause de son incapacité actuelle et future de fournir une prestation de travail régulière et raisonnable. Il a conclu qu’il n’y avait pas d’accommodement possible de la part de l’employeur. À son avis, ce dernier avait agi de façon correcte, patiente et tolérante avec la plaignante. Par conséquent, il a rejeté le grief. Saisie d’une requête en révision judiciaire, la Cour supérieure a conclu que l’arbitre n’avait pas commis d’erreur et qu’il n’y avait pas lieu d’intervenir.

DÉCISION – La norme d’assiduité et de prestation régulière et normale de travail établie par l’employeur satisfait aux deux premières étapes du test de la méthode unifiée établie dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU (C.S. Can., 1999-09-09), SOQUIJ AZ-50067256, J.E. 99-1807, D.T.E. 99T-868, [1999] 3 R.C.S. 3 (Meiorin). En effet, il est évident que cette norme remplit un objectif rationnellement lié à l’exécution du travail et que l’employeur était de bonne foi lorsqu’il l’a adoptée. D’autre part, pour que la norme d’assiduité soit considérée comme une exigence professionnelle justifiée, l’employeur avait le fardeau de démontrer qu’elle est raisonnablement nécessaire afin d’atteindre l’objectif visé. À cette fin, il devait établir qu’il lui était impossible de composer avec les capacités de la plaignante sans en subir une contrainte excessive. La notion d’accommodement fait référence à l’obligation de l’employeur de ne pas appliquer aveuglément ou arbitrairement la norme qu’il a adoptée de bonne foi et dont l’objet général est justifié. En l’espèce, on ne peut lui reprocher d’avoir appliqué arbitrairement sa norme. Il a fait preuve de beaucoup de patience et d’une tolérance remarquable envers la plaignante. Il a tenté à quelques reprises de l’affecter à des tâches différentes, dans le but évident qu’elle s’adapte à sa situation. Cependant, il n’a pas prouvé qu’avant de la congédier, il avait envisagé toutes les mesures d’accommodement raisonnablement possibles. L’arbitre et la Cour supérieure ont fait une analyse incomplète des expertises présentées en preuve pour ne retenir que les éléments défavorables à la plaignante. Or, les experts s’entendent pour dire que celle-ci ne présente aucune pathologie psychiatrique justifiant une incapacité totale de travailler. Bien que leurs pronostics soient réservés quant à sa capacité future de fournir une prestation soutenue de travail, ces pronostics sont largement tributaires du fait qu’un conflit de travail perdure et que les parties n’ont pas tenté de le régler. Les experts sont d’avis que le règlement de ce conflit améliorerait grandement les chances de la plaignante de pouvoir fournir une prestation régulière de travail. Ils ont proposé que cette dernière puisse bénéficier d’un retour progressif au travail ou d’un horaire particulier à temps partiel. Le fait que l’employeur n’ait pas pour le moment d’employé à temps partiel n’a aucune pertinence. L’obligation d’accommodement lui impose d’être proactif et innovateur, c’est-à-dire qu’il doit faire des gestes concrets d’accommodement ou alors démontrer que ses tentatives sont vaines et que toute autre solution, qui doit être précisée, lui imposerait un fardeau excessif. Il ne s’agit pas d’affirmer qu’il n’y a pas d’autres solutions : encore faut-il en faire la démonstration. Le congédiement est annulé et le dossier est retourné à l’arbitre afin qu’il se prononce uniquement sur la question de la réparation, le cas échéant, si les parties ne s’entendent pas.

Syndicat des employées et employés de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ) c. Hydro-Québec, SOQUIJ AZ-50354899

Le salarié handicapé et le syndicat doivent collaborer à la recherche ainsi qu’à la réalisation de mesures d’accommodement.
Le plaignant, un opérateur, s’est absenté à compter du 21 août 2001 en raison d’une dépression majeure occasionnée par le jeu et l’endettement et entraînant des symptômes de panique, d’anxiété très grave et d’hallucinations auditives. Le 21 août 2003, il a déposé un grief contestant le refus de l’employeur de l’affecter à l’entretien de façon à faciliter son retour au travail de façon progressive. Le syndicat soutient que le salarié avait un handicap (maladie bipolaire) et que l’employeur n’a pas respecté son obligation d’accommodement. De son côté, l’employeur prétend que, pour espérer un accommodement, le travailleur doit pouvoir remplir certaines tâches, alors que le plaignant était inapte à tout travail. Le 20 novembre suivant, l’employeur a avisé le plaignant qu’en raison de son refus de collaborer, et en l’absence d’expertise médicale attestant sa capacité de travailler, il mettait fin à son emploi en décembre sans prolonger davantage le délai de 24 mois d’absence pour invalidité prévu à la convention.

DÉCISION – Au moment où il a déposé son grief, le plaignant n’avait pas perdu son emploi. Dans les circonstances, l’employeur pouvait toujours agir dans le sens d’un accommodement. Le problème réside dans le fait que le plaignant a refusé de se soumettre à l’expertise légitimement proposée par l’employeur, qui a réitéré sa proposition et a facilité cette expertise. Or, selon la doctrine et la jurisprudence, le syndicat et le salarié doivent collaborer à la réalisation des mesures d’accommodement. Enfin, le Tribunal ne peut acquiescer à la requête syndicale visant à annuler la clause de perte d’emploi prévue à la convention en vertu des dispositions de la charte et de la jurisprudence. Selon l’arrêt Parry Sound (District), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324 (C.S. Can., 2003-09-18), 2003 CSC 42, SOQUIJ AZ-50192747, J.E. 2003-1790, D.T.E. 2003T-923, [2003] 2 R.C.S. 157, le pouvoir d’intervention de l’arbitre permet d’assurer l’exercice des droits du plaignant, mais non obligatoirement de modifier la convention.

Intragaz, s.e.c. et Syndicat des travailleuses et travailleurs Intragaz (CSN), (Pierre Deschesnes), SOQUIJ AZ-50311659

L’obligation d’accommodement à l’endroit d’un salarié handicapé ne va pas jusqu’à la création d’un nouveau poste en tous points adapté à sa condition physique, ce qui constituerait une contrainte excessive pour l’employeur.
Le plaignant, qui occupait un poste de technicien de maintenance, souffre depuis 1982 de problèmes lombaires pour lesquels diverses limitations fonctionnelles ont été reconnues. À compter de 1995, les médecins l’ayant examiné ont fait état de restrictions permanentes. Depuis 1999, il est en arrêt de travail en raison de cette condition. En août 2001, l’employeur a conclu à l’impossibilité de le réintégrer dans ses fonctions habituelles. Il a avisé par écrit le plaignant qu’on allait procéder à l’évaluation de sa capacité d’occuper d’autres emplois dans l’entreprise. Le plaignant a tenté de convaincre l’employeur de l’amélioration de sa situation depuis qu’il prenait une nouvelle médication, mais ce dernier a refusé de supporter le coût de l’expertise médicale additionnelle demandée.

DÉCISION – Il y a lieu de distinguer le fardeau de la preuve primaire, soit celui de persuasion, du fardeau de la preuve secondaire, à savoir l’obligation de produire les éléments de la preuve. En l’espèce, l’employeur doit d’abord exposer les motifs fondant sa décision. Par la suite, comme celle-ci est de nature administrative, il devra convaincre le Tribunal qu’elle n’est ni déraisonnable, ni abusive, ni discriminatoire. D’autre part, on ne saurait tenir rigueur à l’employeur déjà engagé dans un litige de refuser de supporter les coûts d’une preuve éventuelle dont seul le syndicat a besoin, d’autant moins qu’en l’espèce, c’est la preuve médicale sur les limitations fonctionnelles du plaignant qui est en cause. Quant au fond, en janvier 2000, le supérieur du plaignant a évalué la capacité de ce dernier de fournir une prestation de travail acceptable à la lumière des limitations fonctionnelles imposées. Il a conclu à son incapacité. Au moment de la prise de la décision contestée, tous les médecins ayant examiné le plaignant avaient conclu unanimement qu’il présentait des limitations fonctionnelles permanentes l’empêchant d’exercer de façon normale les tâches reliées à son emploi. Par conséquent, la décision de ne pas le réintégrer à son poste n’est pas abusive, déraisonnable ou discriminatoire. Les allégations du plaignant selon lesquelles il va mieux depuis qu’il prend une nouvelle médication ne peuvent être retenues faute de preuve médicale les corroborant. Enfin, le plaignant étant atteint d’un handicap, il avait le droit d’être accommodé sans contrainte excessive. Toutefois, cet accommodement ne va pas jusqu’à la création d’un nouveau poste en tous points adapté à sa condition physique. Obliger un employeur à créer un nouveau poste non essentiel à l’entreprise dans l’unique but de permettre au plaignant de reprendre le travail constituerait une contrainte excessive. Par contre, la recherche de la possibilité d’une autre réaffectation au sein de l’entreprise constituait un accommodement raisonnable.

Société Radio-Canada et Syndicat des techniciennes et techniciens et artisanes et artisans du réseau français de Radio-Canada (STARF), (Sylvain Prescott), SOQUIJ AZ-50320370

L’employeur ayant transmis une offre raisonnable d’accommodement durant l’audition du grief, le syndicat ne peut invoquer le non-respect des dispositions de la convention collective pour s’y opposer.
Le plaignant souffre d’un handicap, soit d’une dépression majeure récurrente à caractère saisonnier, qui l’amène à s’absenter de son travail d’enrouleur chez Goodyear Canada inc. pendant de longues périodes. Au mois d’août 2004, l’employeur a décidé de le congédier en raison de son absentéisme excessif. Le syndicat conteste cette mesure et soutient que l’employeur a une obligation d’accommodement à l’égard du plaignant, auquel il ne reste qu’un an et demi de travail avant la retraite. L’employeur soutient qu’il est difficile d’accommoder le plaignant dans une usine de fabrication de pneus. Il rappelle que les taux d’absences de ce dernier se situent respectivement à 15,6 %, 21,2 % et 35,4 % pour les années 2002, 2003 et 2004. À la suite de la première journée d’audience, l’employeur propose un accommodement au plaignant en lui offrant d’occuper un poste de concierge.

DÉCISION – Le plaignant travaille chez l’employeur depuis près de trente ans. Les médecins consultés sont unanimes à déclarer qu’il souffre d’une dépression récurrente à caractère saisonnier et que les risques de rechute sont élevés. Le caractère saisonnier d’une dépression signifie que, pendant une période de temps plus ou moins fixe, par exemple la période automne-hiver, une personne est incapable de travailler. Il ne fait pas de doute que l’état du plaignant constitue un handicap au sens de Charte des droits et libertés de la personne. La Cour suprême du Canada a reconnu l’obligation d’accommodement à l’égard d’un salarié atteint d’un handicap. Les parties et l’arbitre doivent interpréter et appliquer la convention collective de façon à tenir compte de cette obligation. En l’espèce, la proposition de l’employeur, soit l’attribution d’un poste de concierge, satisfait à son obligation d’accommodement et elle est manifestement dans l’intérêt du plaignant. Le Tribunal ne peut accepter la position syndicale selon laquelle l’accommodement proposé est inapplicable puisque contraire aux règles d’affichage de la convention collective. L’accommodement demande la participation active du plaignant et du syndicat, et ce dernier ne pourra invoquer le non-respect des dispositions de la convention collective afin de s’opposer à la mesure d’accommodement. Sur le plan financier, l’employeur devra compenser le plaignant en lui versant la somme de 10 000 $ au moment de sa retraite, en mai 2006, ainsi que lui rembourser le coût de certains médicaments jusqu’à concurrence de 1 500 $. Si le plaignant doit s’absenter de nouveau pour des motifs similaires, il ne pourra demander un retour au travail et il bénéficiera de prestations d’assurance-salaire jusqu’à sa retraite. Cette mesure d’accommodement ne doit en aucune circonstance servir de précédent.

Syndicat des communications, de l’énergie et du papier, section locale 143 (SCEP) et Goodyear Canada inc. (Alain Genest), SOQUIJ AZ-50322205

L’employeur a satisfait à son obligation d’accommodement en jouant un rôle proactif dans la recherche de solutions en vue de réintégrer le plaignant, qui a subi une lésion professionnelle.
Le plaignant était mécanicien permanent au service de la Ville depuis le 2 juillet 1998 lorsque, le 7 mai 2002, il a subi un accident du travail. Alors qu’il remplaçait les pneus d’un tracteur, l’un de ceux-ci, pesant environ 500 livres, est tombé sur lui. Un diagnostic d’entorse lombaire a été posé. En février 2004, on a conclu que son poste habituel ne respectait pas ses limitations fonctionnelles et, le 9 juillet suivant, il a été congédié parce qu’il ne pouvait plus accomplir ses fonctions de mécanicien et que l’employeur n’avait aucun autre poste à lui offrir.

DÉCISION – En raison de ses limitations fonctionnelles, il est manifeste que le plaignant ne pouvait plus occuper la fonction de mécanicien. D’ailleurs, lors de la dernière journée d’audience, la partie syndicale a admis cet état de choses. De mai 2002 à juillet 2004, le plaignant a bénéficié de la protection d’emploi que lui confère la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il reste donc à déterminer si l’employeur a respecté son obligation d’accommodement. À cet égard, la Cour suprême nous enseigne que le salarié affligé d’un handicap n’a pas à satisfaire aux exigences normales reliées à la fonction qu’il occupait. Il a le droit


Monique Desrosiers