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Exiger un certificat médical? Pas toujours. Pas pour n’importe qui. Et pas pour n’importe quoi.

Le droit de tout employeur d’obtenir des renseignements médicaux ou d’exiger que les salariés lui remettent un certificat médical est limité par le droit de ces derniers à l’inviolabilité et à l’intégrité de leur personne ainsi qu’au respect de leur vie privée. Les droits dont bénéficient les salariés ne sont cependant pas absolus. Outre la possibilité d’y renoncer, de tels droits doivent être analysés à la lumière du droit de l’employeur d’exiger que ses salariés offrent une prestation de travail régulière. Les intérêts légitimes de l’employeur peuvent, dans certaines circonstances, avoir préséance sur la protection des droits du salarié. Nous vous proposons donc un bref résumé des circonstances qui permettent à un employeur d’exiger la présentation d’un certificat médical pour justifier une absence pour cause de maladie.

19 décembre 2005
Rhéaume Perreault, CRIA

Question de circonstances
Il est difficile d’établir avec précision le moment où un employeur est en droit d’exiger la présentation d’un certificat médical. En effet, la réponse dépend du contexte factuel ainsi que du libellé de chaque convention collective ou entente dont la validité devra être évaluée en fonction des droits et libertés de la personne et des principes élaborés par la jurisprudence. Un examen de celle-ci nous permet d’ailleurs de mieux circonscrire les droits et obligations de l’employeur.

Dans l’affaire Montréal (Ville de) et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301[1], les salariés contestent une réprimande écrite par laquelle l'employeur leur reproche de s'être absentés sans autorisation. Ils réclament le paiement de cette journée à même leur crédit de journées de maladie. Ils contestent également la directive de l'employeur les obligeant à justifier par un certificat médical toute absence excédant 40 heures à leur banque de journées de maladie au cours d'une même année.

L’arbitre est d’avis que l'exigence d'une attestation médicale était totalement injustifiée, déraisonnable et abusive, compte tenu du bon dossier d'assiduité des quatre salariés. Par son universalité d'application et son absence de discernement, ce point du règlement ou de la directive patronale est sans justification et doit être écarté. Pour pouvoir recourir à une telle mesure de contrôle de l'absentéisme, l'employeur doit d'abord démontrer, à tout le moins, une apparence d'abus du système de la part du salarié visé, ce qui n'a pas été fait en l’espèce. En conséquence, les griefs ont été accueillis.

Dans l’affaire Imprimeries Transcontinental inc. (division Transmag) et Teamsters Québec, section locale 1999 (F.T.Q.-C.T.C.)[2], le salarié travaille de 19 h à 7 h. Un soir, il a quitté le travail à 22 h 15 après avoir avisé son contremaître qu'il ne se sentait pas bien. Sa banque de congés de maladie étant alors épuisée, il devait fournir un certificat médical, selon une règle non écrite en vigueur dans l'entreprise. Comme il ne l’a pas fait, on lui a imposé une suspension d'une journée en s'appuyant sur une politique récemment affichée, qui établit que « la première offense pour absence prolongée non autorisée, absence non justifiée pour maladie [ou] absence non autorisée » entraîne l'imposition d'une suspension d'une journée.

L’arbitre Richard Marcheterre a accueilli le grief. Il reconnaît que l'employeur a le droit d'élaborer des règlements ou des politiques, mais il doit le faire sans contrevenir à la convention collective, à la loi et aux principes jurisprudentiels applicables. En l'espèce, la politique prévoyant une sanction automatique contrevient à la convention collective puisqu'elle écarte tout examen de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Évidemment, l'employeur est toujours en droit de réclamer un certificat médical pour justifier une absence pour cause de maladie. Cependant, s'il le fait, il doit respecter les règles pertinentes, notamment avoir une raison de douter de la sincérité du salarié lorsqu'il déclare être malade au point de ne pouvoir travailler. Or, l'employeur n'a jamais mis en doute le fait que le salarié éprouvait des malaises lorsqu'il a quitté le travail.

Enfin, dans l’affaire Olymel[3], l'employeur a remis au salarié un avis lui reprochant de s'absenter trop souvent. Il a aussi demandé une attestation médicale indiquant le motif de la consultation ou une autre pièce appropriée pour justifier tout congé ultérieur. Le salarié travaille pour l'employeur depuis six ans et il n'a jamais eu de rapports ou de mesures de sensibilisation quant à ses absences. Celui-ci a logé un grief contestant la lettre de sensibilisation et la demande d'attestation médicale à la suite d'une absence.

L’arbitre souligne que l'employeur ne peut exiger la justification d'une absence de courte durée, telle une journée pour cause de maladie, dans tous les cas et sans distinction ni justification particulière. Si le salarié a un taux d'absences élevé et qu'un nombre disproportionné d'absences tombe la veille ou le lendemain d'un jour férié ou d'un congé, alors il est juste et raisonnable d'exiger une explication. En l'espèce, l'avis remis au salarié s'appuie sur un seul mois durant lequel il s'est absenté cinq jours pour maladie, dont quatre accolés à une fin de semaine. Ces absences coïncident cependant avec celles de sa conjointe, qui a invoqué les mêmes raisons. Bien qu'un mois soit une période un peu courte pour évaluer le dossier d'assiduité d'un salarié, l'employeur avait raison d'avoir des doutes sur le fait qu'il ait effectivement été malade compte tenu des circonstances. Toutefois, l'exigence de connaître la nature de la maladie ou le motif de la consultation va à l'encontre du respect de la vie privée. Il s'agit, en l'espèce, d'absences occasionnelles que l'on peut qualifier « d'absentéisme innocent, mais excessif », pour lesquelles on ne peut justifier une violation de la vie privée. La production d'un certificat médical est suffisante dans les circonstances. En conséquence, le grief a été partiellement accueilli; l’arbitre excluant l'exigence de motiver les absences futures par un certificat médical ou une autre pièce appropriée.

En somme, l’employeur peut exiger un rapport médical lorsqu’il :

  • est confronté avec des informations incomplètes ou imprécises;
  • peut établir que le salarié n’était pas malade en raison d’activités incompatibles avec son état, d’informations obtenues ou en regard d’une preuve médicale contredisant clairement l’état revendiqué;
  • a des motifs raisonnables et sérieux de croire qu’il y a abus ou lorsque les absences antérieures combinées du salarié excèdent un seuil raisonnable.

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive mais résume en quelques lignes les circonstances où l’employeur peut exiger un rapport médical.


1 Montréal (Ville de) et Syndicat Canadien de la Fonction Publique, Section Locale 301, 94T-45 (T.A.).
2 Imprimeries Transcontinental inc. (division Transmag) et Teamsters Québec, section locale 1999 (F.T.Q.-C.T.C.), D.T.E. 2002T-681 (T.A.).
3 Syndicat des employés(ées) de l’Usine de Transformation de volaille de Ste-Rosalie (C.S.N.) et Olymel Flamingo, Usine de Sainte-Rosalie, 2000T-764 (T.A.).

Rhéaume Perreault, CRIA