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Sanitation Pashkui : faire rayonner le travail des autochtones sur la Côte-Nord

 « Et le gagnant est… Sanitation Pashkui! » C’est au moment d’entendre ces mots lors de la soirée des Mercuriades 2022 qu’Éric Fontaine, directeur général de l’entreprise, a réalisé qu’il allait devoir prononcer un discours.
2 mai 2024
Julien Lamoureux

« Éric, tu vas dire quoi? » se souvient d’avoir pensé l’homme de 40 ans une fois la surprise passée. « Parle avec ton cœur », lui a répondu sa voix intérieure. En recevant le Mercure Engagement dans la collectivité pour une petite ou moyenne entreprise, il s’est d’abord adressé à l’assistance en langue innue avant de poursuivre en français.

Il a remercié sa famille, présente dans la salle du Palais des congrès de Montréal. Toute la troupe était descendue de Maliotenam, à côté de Sept-Îles, à l’occasion de ce gala organisé par la Fédération des chambres de commerce du Québec. « Mes enfants sont venus, ils étaient les plus jeunes dans la salle! » se remémore-t-il avec émotion plus d’un an après les événements.

Son discours s’est par la suite tourné vers son personnel. Éric Fontaine sait que ses employés et employées sont au cœur du prix reçu par l’entreprise fondée par sa mère.

« Ce n’est pas grâce à moi, c’est grâce aux travailleurs et travailleures » que Sanitation Pashkui est devenue la première entreprise dirigée par des Innus à gagner un Mercure.

En forte croissance

La société d’entretien ménager a été fondée par Philomène, sa mère, il y a une quinzaine d’années. Jusqu’à 2018, Sanitation Pashkui comptait une douzaine de personnes employées, toutes membres de la communauté autochtone d’Uashat mak Mani-utenam, dont le territoire englobe Maliotenam. Cette année-là, un important contrat avec Minerai de fer Québec pour le nettoyage de sites près de Fermont a toutefois propulsé les affaires de l’entreprise.

« En 2023, on est une quarantaine de personnes employées », affirme Éric Fontaine. Pour arriver à trouver les personnes nécessaires, il a commencé à embaucher des allochtones, mais il continue de vouloir donner le plus possible la priorité à des gens de sa communauté.

« Normalement, sur les sites miniers, il n’y a pas beaucoup d’Innus, parce que pour travailler là, tu dois être diplômé. Malheureusement, on est moins scolarisés. Mais on a notre place », dit-il. Il est donc important pour lui de permettre à des gens de sa communauté d’avoir des emplois de qualité dans le secteur minier. Cela permet par ailleurs de diversifier la main-d’œuvre qui s’y trouve et de favoriser les échanges culturels.

Les sacrifices nécessaires

Puisque ces sites miniers sont éloignés, les emplois fonctionnent selon le principe du fly-in fly-out : 14 jours dans le Nord, 14 jours à la maison. Éric Fontaine explique qu’avec les heures supplémentaires, qui font partie du quotidien, le salaire qu’on peut en tirer est très intéressant. Il reconnaît cependant les sacrifices que le fly-in fly-out implique. Passer deux semaines sur quatre loin de sa famille n’a rien d’anodin; il l’a fait lui-même pendant cinq ans. 

« C’est un sacrifice que les travailleurs font pour leur famille », laisse-t-il tomber. Dans sa voix, le respect qu’il voue à son personnel est manifeste.

Le logo de Sanitation Pashkui est une outarde. « Parce que les outardes se déplacent en harde, elles sont toujours unies », explique le directeur général avant d’ajouter, sourire en coin : « Et les outardes sont toujours propres. »

Investir dans l’avenir de Maliotenam

Si Sanitation Pashkui a reçu un prix pour son engagement communautaire, ce n’est pas seulement pour le respect de sa main-d’œuvre et pour son engagement à fournir du travail à des membres des Premières Nations.

Éric Fontaine a aussi décidé de faire don de profits de la PME à une multitude d’initiatives destinées aux jeunes d’Uashat mak Mani-utenam. Le logo de Sanitation Pashkui se trouve par exemple sur le chandail d’équipes de hockey mineur. L’entreprise a contribué à des compétitions sportives regroupant diverses communautés autochtones de la province. Elle a aussi acheté et fait tirer 30 vélos « pour féliciter les jeunes à la fin de l’année scolaire ».

L’entrepreneur a la conviction que cet investissement dans sa communauté va lui revenir d’une manière ou d’une autre.

Une histoire de famille

Pashkui était le surnom de Jean-Baptiste Fontaine, le grand-père d’Éric et le père de Philomène. « Il a toujours été concierge, explique le directeur général. C’est pour ça qu’on a pris ce nom : parce qu’on en est fiers. » Sanitation Pashkui a poussé l’hommage plus loin : l’entreprise a créé un produit maison pour le nettoyage « à odeur de sapinage » et l’a appelé JBF-51, soit les initiales de Jean-Baptiste suivies de l’âge de son décès.

Jean-Baptiste a légué à sa fille son amour du ménage, et celle-ci léguera un jour l’entreprise à son propre fils. « On essaie de garder ça dans la famille. Moi, si Pashkui marche encore dans 10 ou 15 ans, ce seront mes garçons et ma fille qui vont poursuivre ses activités, s’ils le souhaitent », assure Éric Fontaine.

Devenir une inspiration

Celui qui a été chauffeur d’autobus avant que sa mère l’invite à travailler avec elle veut maintenant faire rayonner le travail de son équipe à plus grande échelle et, par le fait même, mettre en lumière l’apport des Innus d’Uashat mak Mani-utenam dans la région.

Il s’est joint à la Chambre de commerce de Sept-Îles avec cet objectif en tête. « Uashat [l’autre communauté autochtone des environs] et Maliotenam travaillent en équipe, et on se rapproche tranquillement [de Sept-Îles]. On prend notre place, et ils nous font de plus en plus confiance. »

En fait foi, selon Éric Fontaine, le fait que des entreprises autochtones sont de plus en plus souvent considérées dans les appels d’offres, comme celui qui leur a permis de décrocher le contrat auprès de Minerai de fer Québec. « Ils nous donnent notre chance. »

Tout ceci a des retombées positives sur le personnel de l’entreprise. Qui sait, la prochaine personne innue à recevoir un Mercure aura peut-être été inspirée par Éric et Philomène Fontaine?


Julien Lamoureux 37e AVENUE

Source : Revue RH, volume 27, numéro 2 ─ AVRIL MAI JUIN 2024