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Philippe de Villers, CRHA, président du CA de l’Ordre des CRHA, s’exprime sur l'EDI

Dans le cadre de notre dossier sur l’équité, la diversité et l’inclusion, Philippe de Villers, CRHA, président du CA de l’Ordre des CRHA, s’exprime sur cet enjeu important. 
23 février 2024
Philippe De Villers, CRHA

Les questions entourant l'EDI sont de plus en plus présentes dans le quotidien des organisations. Pourtant, les groupes sous-représentés subissent encore de la discrimination à l'embauche, avec par exemple des taux plus élevés de surqualification pour les personnes appartenant à des minorités visibles. Comment les organisations peuvent-elles contribuer à freiner davantage cette disproportion?

D’entrée de jeu, ce qui est fascinant, c’est que les organisations qui pratiquent la discrimination à l’embauche sont aussi celles qui regrettent d’être en pénurie de main-d’œuvre. J’ai toujours trouvé ça paradoxal. Pour moi, ça passe par la tolérance zéro. Si on espère que les choses changent, il faut prendre le problème à bras le corps.

Il faut s’assurer de sanctionner les comportements et s’en charger de façon très claire, tout en étant dans une dynamique de bienveillance. En effet, il y a des personnes qui sont surtout aux prises avec des biais inconscients. Parfois, elles ont simplement besoin davantage de formation et d’accompagnement.

Pour les organisations qui font face à cela, il faut s’assurer d’accompagner systématiquement celles et ceux qui ont des comportements inappropriés, idéalement pour les faire changer.

Par contre, si l’on voit qu’il s’agit plutôt de biais conscients, à ce moment-là il faut être intraitables. Ces comportements sont inacceptables dans les organisations.

Il n’est pas facile pour une organisation d’aborder frontalement la question du racisme.

Le problème est que c’est assez difficile d’avoir ce type de conversations, sans provoquer de réaction défensive.

L’important est de regarder les données. Qu’est-ce que les chiffres illustrent en réalité? Ils disent qu’une personne racisée a deux fois plus de chances d’être victime d’un congédiement.

La question qu’il faut se poser est : « Est-ce qu’il y a un enjeu de discrimination dans mon organisation? ». Si c’est le cas, il faut analyser la situation afin de savoir si cet enjeu de discrimination est conscient ou inconscient. Par exemple, comment se fait-il qu’il y ait moins de représentativité dans les plus hauts échelons d’une organisation?

Regardons les données et après attaquons-nous au problème.

Plus précisément, quel est le rôle des gestionnaires par rapport à celui des professionnelles et professionnels RH en ce qui a trait à la gestion de l’EDI? Sur quels leviers peuvent-ils compter pour lutter contre la discrimination?

Je pense que les gestionnaires ont un double devoir. Il y a d’abord le devoir d’introspection sur les actions posées au quotidien. Puis, il y a le rôle de vigie auprès de leurs équipes afin de s’assurer que ces comportements soient sanctionnés s’ils existent.

Pour ce qui est de nos gens en RH, pour moi une personne professionnelle et compétente en RH est gardienne de la culture dans l’organisation à plusieurs égards. Il est question notamment de s’assurer d’instaurer le bon climat dans l’organisation pour qu’il y ait des échanges francs.

On parle d’avoir une politique en place sur ce sujet, mais aussi de former des gens adéquatement; quitte à littéralement faire de l’éducation dans les entreprises. On a des stéréotypes à briser, des tabous à casser.

Donc les gens des RH ont un rôle clé à jouer, mais ce n’est pas facile, car les attentes des organisations envers ces spécialistes sont très élevées en ce moment.

Quelles sont les tendances que l'on entrevoit et qui permettront aux organisations d'aller au-delà de la diversité pour se diriger vers une réelle inclusion des groupes sous-représentés?

Dans un monde idéal, on n’en parlerait pas. On ne ferait rien, parce qu’on serait dans un milieu réellement inclusif au quotidien. C’est mon vœu le plus cher.

Quand j’étais en début de carrière, on embauchait souvent sur le « fit », soit l’adéquation de la personne avec l’organisation. En fait, ça voulait dire qu’elle faisait partie du groupe. Mais je pense qu’il faut enlever ce type de conversation. Et justement, si une personne ne « fit » pas tout à fait, peut-être qu’elle va amener quelque chose de différent. Elle a une perspective qui est autre.

Idéalement, on serait capable de regarder au-delà de la différence et accepter l’autre tel qu’il est pour vrai.


Author
Philippe De Villers, CRHA Ancien président du CA de l’Ordre des CRHA

Source : Revue RH, volume 27, numéro 1 ─ JANVIER FÉVRIER MARS 2024