ressources / revue-rh / volume-27-no-1

L’inclusion des personnes en situation de handicap au travail, à quoi font-ils face? Le concours du syndicat pour un accommodement réussi

Le cadre légal est bel et bien présent afin d’inclure les personnes en situation de handicap. Or, les RH ainsi que le syndicat doivent s’investir pour avoir des retombées significatives dans ce processus d’inclusion.
20 février 2024
Sophie Mongeon | Marie-Noëlle Leblond

Étant conseillère d’orientation dans le réseau scolaire public, j’ai eu à accompagner plusieurs élèves en situation de handicap dans leur parcours scolaire et professionnel. Du jour au lendemain, c’est moi qui ai eu besoin d’accompagnement puisque j’ai subi un grave accident de la route non responsable en 2022. Ce dernier m’a laissée avec des limitations fonctionnelles qui vont s’amoindrir avec les soins requis. Néanmoins, j’ai vite constaté que le regard des gens est différent puisque je marche désormais avec une canne.

J’ai compris que j’aurais à sensibiliser les ressources humaines et mon syndicat sur mes capacités au travail parce qu’il est facile de faire des biais inconscients « de halo, d’attribution, de confirmation » (Université de Sherbrooke, 2023). De plus, les conventions collectives demeurent parfois très vagues quant aux obligations des employeurs face aux accommodements. Bien que la Charte des droits et libertés de la personne ait préséance sur la convention collective, la personne en situation de handicap se retrouve tout de même dans une fâcheuse position si celle-ci a des difficultés à réintégrer son travail (Ministère du Travail, 2023).

Ainsi, pour favoriser une réinsertion harmonieuse, il est plus que souhaitable que le syndicat soit au fait et trouve des stratégies en collaboration avec les ressources humaines, la personne accidentée ainsi que son ergothérapeute. Sinon, on risque de tomber dans le « capacitisme ». (Lemay, 2023). Dans un article du livre intitulé État du Québec 2024, on y mentionne que : « Faute d’un encadrement plus contraignant, les actions mises en place pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap reposent toujours et encore sur la bonne volonté d’individus bienveillants. » (Lemay, 2023)

On évoque souvent une politique d’inclusion à l’embauche. Néanmoins, j’estime qu’une politique au maintien à l’emploi à la suite d’un nouveau handicap ou de limitations fonctionnelles est tout aussi nécessaire. Malheureusement, plusieurs subissent encore de la discrimination puisque nombre de milieux de travail n’ont pas nécessairement des professionnelles et professionnels RH se basant sur un code de conduite envers les membres de leur personnel. Le code de déontologie des CRHA mentionne qu’il faut éviter d’avoir recours à des pratiques discriminatoires. Il faut aussi tenir compte de la protection de la santé mentale des personnes que la ou le membre a sous son autorité ou sa supervision (CRHA, 2023). Ayant côtoyé plusieurs victimes d’accidents de la route durant ma réadaptation, je peux affirmer hors de tout doute que c’est tout un choc de vivre avec de nouvelles limitations. Il est donc primordial que le service RH soit empathique et de bonne foi lors de la tentative de retour en emploi parce qu’il se doit de préserver la santé psychologique de ses employées et employés. Les personnes aux prises avec un nouveau handicap sont sans contredit à risque si l’accueil n’est pas au rendez-vous, et ce, même si l’accommodement est impossible.

S’il y a une impasse ou en absence de syndicat, la personne peut se tourner vers la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Lorsqu’un syndicat est présent, c’est à ce dernier qu’elle doit s’en remettre. Si elle considère qu’elle n’est pas bien représentée par son syndicat face à une discrimination, elle peut porter plainte contre celui-ci. Il est aussi possible d’avoir recours aux services d’un avocat ou d’une avocate.

Maître Sophie Mongeon est d’ailleurs une avocate chevronnée en droit du travail. Voici ce qu’elle a à nous dire sur le sujet :

Étant avocate depuis plus de 25 ans, j’accompagne les travailleuses et travailleurs, les victimes d’accident, ainsi que les gens en invalidité auprès de leurs assurances. Je constate que l’accommodement des personnes aux prises avec des séquelles ou des handicaps est souvent considéré comme un fardeau pour les employeurs. Récemment, en raison de la pénurie de main-d’œuvre, on observe une amélioration. Il n’en demeure pas moins que ces personnes sont souvent discriminées pour un emploi ou un retour en emploi.

Malgré le fait qu’il est contraire à la Charte québécoise de poser des questions sur les limitations physiques ou psychologiques, ces questions seront quand même sur le questionnaire préembauche et seront justifiées par l’emploi recherché. Il y a une certaine amélioration avec la modification de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (Ministère du Travail, 2023)qui oblige un employeur à accommoder une victime présentant des séquelles sous la menace de recevoir des pénalités administratives importantes. Néanmoins, ce n’est pas le cas pour des personnes aux prises avec un handicap à la suite d’un accident de la route puisque cela n’a aucune incidence sur les finances de l’employeur. De plus, plusieurs employeurs sont fermés au retour progressif au travail puisqu’ils estiment le tout trop complexe à gérer.

En dépit du fait qu’une plainte soit recevable auprès de la Commission des droits de la personne pour un accommodement, les employeurs vont souvent invoquer une contrainte excessive. Donc, au palier provincial, la CNESST division des normes du travail, prévoit qu’un emploi est protégé durant 26 semaines. Le délai est plus généreux pour les accidentés du travail puisqu’ils sont protégés par la CNESST, division santé et sécurité. Dans les milieux syndiqués, les représentants syndicaux doivent être sensibilisés au retour progressif au travail et ainsi leur donner une formation sur les nouvelles tendances d’accommodement dans les lieux de travail. Après tout, c’est le syndicat qui est le porte-parole de ses membres et s’il n’est pas au courant des obligations légales, comment peut-il assurer un retour harmonieux au travail et mettre tout en place pour collaborer avec l’employeur d’agir en ce sens? Ainsi, le cadre légal doit être certainement amélioré pour tenir compte des autres personnes aux prises avec des handicaps notamment celles qui ont subi un accident de la route et celles qui reviennent d’un arrêt de travail bénéficiant d’assurance salaire ou même celles qui ont eu accès à des prestations d’assurance-emploi maladie. Malgré que je constate une amélioration, il reste un bon bout de chemin à faire!

 

Par exemple, une modification aux conventions collectives pour baliser la réintégration et le maintien des gens en situation de handicap. De plus, il est à noter qu’il existe des ressources pour aider ces mêmes personnes. Notamment l’accompagnement à l’embauche, un soutien financier (contrat d’intégration au travail, crédit d’impôt pour stage en milieu de travail, subventions salariales), ainsi que des programmes qui favorisent le maintien en emploi (formation de la main-d’œuvre et aménagement et réduction du temps de travail).

Le handicap ne peut pas être un handicap - Stephen Hawking

Bibliographie

  • CRHA, O. (2023, 12 18). Code de déontologie. Récupéré sur https://ordrecrha.org/fr-CA/ordre/membres/code-de-deontologie-redirect/deontologie-et-normes/code-de-deontologie
  • Lemay, S. (2023). État du Québec, Quel avenir pour la démocratie? (L. d. Devoir, Éd.) Pourquoi le Québec n'arrive-t-il pas à mettre en place une société égalitaire pour les personnes en situation de handicap?, p. 191.
  • Ministère du Travail, d. l. (2023, 12 18). Légis Québec. Récupéré sur https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/C-12
  • Ministère du Travail, d. l. (2023, 12 18). Légis Québec. Récupéré sur https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/a-3.001/19991022#se:1
  • Université de Sherbrooke. (2023). Équité, diversité et inclusion : la trousse EDI. Récupéré sur Université de Sherbrooke : https://www.usherbrooke.ca/edi/fileadmin/sites/edi/Feuillet_final.pdf

Author
Sophie Mongeon avocate

Author
Marie-Noëlle Leblond conseillère d’orientation

Source : Revue RH, volume 27, numéro 1 ─ JANVIER FÉVRIER MARS 2024