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Fréquence et incidences des modes hybrides de travail : résultats préliminaires d’une étude longitudinale

Ce texte résume les résultats préliminaires d'une étude visant à évaluer la fréquence, les incidences et les conditions de succès des divers modes hybrides de travail. 
23 février 2024
Ali Béjaoui | Sylvie St-Onge

Introduction

Afin d’évaluer la fréquence, les incidences et les conditions de succès des divers modes hybrides de travail, une équipe de recherche de CIRANO a entrepris en 2022 une étude longitudinale visant à distribuer trois questionnaires auprès des employées et employés de plusieurs organisations, à des intervalles de six à neuf mois. La figure 1 présente les variables du projet de recherche qui ont été mesurées à l’aide d’échelles reconnues scientifiquement. Ce texte résume les résultats clés obtenus aux deux premiers questionnaires (2022, 2023); le troisième questionnaire sera distribué à l’hiver 2024.[1]

FIGURE 1 : CADRE CONCEPTUEL DU PROJET DE RECHERCHE GLOBAL

Profil des personnes répondantes

Le projet a été mené auprès de onze organisations, principalement des universités et deux grandes entreprises du secteur privé, ainsi que des membres de l’Ordre des CRHA | CRIA. Les résultats de la première collecte de données menée à l’été 2022 auprès de 10 392 personnes répondantes ont été publiés[2] ainsi que ceux de la deuxième collecte menée au printemps 2023 auprès de 4 550 personnes répondantes[3]. Un troisième questionnaire sera distribué à l’hiver 2024.

Les personnes répondantes sont majoritairement des femmes (60 %), les deux tiers se situent dans la tranche de 35 à 54 ans, et elles sont détentrices d’un diplôme de 1er ou de 2e cycle dans une proportion de 70 %. Près de 50 % occupent un emploi de professionnel, 40 %, un emploi de bureau ou de technicien alors que 10 % sont des cadres de différents échelons hiérarchiques. Enfin, la quasi-totalité travaille à temps plein (près de 95 %) et la grande majorité est syndiquée (près de 75 %).

Fréquence des modes hybrides de travail

Comme illustré par les figures ci-dessous, ce sont plus de 90 % des personnes répondantes qui font du travail à distance au moins une journée par semaine. Parmi ces dernières, autour de 50 % le font trois ou quatre jours par semaine, un peu moins de 20 % le font deux jours par semaine et 10 %, une journée par semaine.

Fréquence des modes hybrides de travail

Les incidences de l’ampleur du travail à distance sur les attitudes

Notons d’abord que les résultats obtenus pour les personnes répondantes membres de l’Ordre des CRHA | CRIA (comme sous-échantillon) ne se distinguent pas de ceux obtenus pour l’échantillon global. Pour les membres de l’Ordre, comme pour les autres personnes répondantes, nous observons que l’intensité du travail à distance semble liée aux attitudes suivantes, et ce, de manière encore plus forte lors de la deuxième collecte de données :

  • Une productivité plus élevée

    La quasi-totalité des personnes répondantes estime que, par rapport à leur travail sur les lieux de l’organisation, elles accomplissent autant ou plus de travail par heure en travaillant à distance (95 %). Elles estiment également, dans une aussi grande proportion (92 %), accomplir autant ou plus d’heures de travail par jour en travaillant à distance. La perception d’une productivité accrue est relativement plus élevée au sein des personnes répondantes qui travaillent principalement à distance (« trois ou quatre jours » ou 100 % à distance).

  • Un engagement plus élevé

    Tant l’engagement moral que l’engagement affectif augmentent significativement quand on passe de « deux jours » à « trois ou quatre jours » de travail à distance. La même tendance est observée sur le plan de l’engagement envers le travail, avec une accentuation en passant de « trois ou quatre jours » à 100 % à distance.

  • Une performance plus élevée

    En moyenne, les personnes répondantes sont d’accord sur leur performance tant sur le plan de l’atteinte des résultats que sur le plan de l’amélioration continue. De plus, les deux mesures de performance augmentent significativement en passant de « deux jours » à « trois ou quatre jours » à distance.

  • Un plus grand soutien au travail

    Les perceptions des personnes répondantes à l’égard des trois sources de soutien au travail (de la part des collègues, de la ou du gestionnaire immédiat et de l’employeur) augmentent de manière statistiquement significative en passant de « deux jours » à « trois ou quatre jours » à distance.

  • Une satisfaction plus élevée

    La satisfaction au travail augmente significativement en passant de « deux jours » à « trois ou quatre jours » à distance. De plus, les personnes répondantes confirment leur satisfaction ou leur grande satisfaction, particulièrement avec leur aménagement de travail, et cette dernière augmente avec l’intensité du travail à distance.

  • Des perceptions de justice plus élevées

    Dans l’ensemble, les perceptions de justice sont plus élevées chez les personnes répondantes qui travaillent principalement à distance et elles augmentent significativement lorsque l’on passe de « deux jours » à « trois ou quatre jours » à distance.

  • Des perceptions de bien-être plus élevées

    Les perceptions de bien-être sont plus élevées aux yeux des personnes répondantes qui travaillent principalement à distance et elles augmentent significativement en passant de « deux jours » à « trois ou quatre jours » à distance.

  • Un sentiment d’épuisement plus faible

    Les perceptions d’épuisement sont moins élevées aux yeux des personnes répondantes qui travaillent principalement à distance et elles diminuent significativement en passant de « deux jours » à « trois ou quatre jours » à distance.

  • Un équilibre entre les sphères de vie plus élevé

    Les perceptions d’équilibre entre les sphères de vie augmentent significativement en passant de « deux jours » à « trois ou quatre jours » à distance et en particulier en passant de « trois ou quatre jours » à « 100 % » à distance.

  • Une satisfaction des besoins fondamentaux plus élevée

    Dans l’ensemble, les personnes répondantes expriment que leurs trois besoins fondamentaux (autonomie, affiliation et développement des compétences) sont satisfaits, en particulier le besoin d’autonomie. Leur satisfaction augmente significativement en passant de « deux jours » à « trois ou quatre jours » à distance.

  • Une intention de quitter moins élevée

    Quant à l’intention de quitter leur employeur, elle baisse significativement en passant de « deux jours » à « trois ou quatre jours » à distance.

Conclusion

Les résultats montrent que toutes les attitudes positives mesurées (productivité, engagement, performance, soutien reçu, satisfaction au travail et envers l’aménagement de travail, bien-être, perception de justice, satisfaction des besoins, équilibre entre les sphères de vie) tendent à être plus élevées chez les personnes qui travaillent principalement à distance. De plus, toutes les attitudes négatives mesurées (épuisement, départ volontaire) tendent à être moins élevées parmi les personnes qui travaillent principalement à distance. Par ailleurs, en passant de « deux jours » à « trois ou quatre jours » de travail à distance, les résultats positifs mesurés s’améliorent significativement alors que les résultats négatifs mesurés diminuent significativement. L’estimation des incidences d’un changement de modes hybrides de travail sur les perceptions, après avoir contrôlé pour les caractéristiques individuelles et les caractéristiques des emplois, fait l’objet de travaux en cours.


Author
Ali Béjaoui Professeur agrégé, Université du Québec en Outaouais, chercheur et Fellow au CIRANO

Author
Sylvie St-Onge Professeure titulaire, HEC Montréal, chercheuse et Fellow au CIRANO

Source : Revue RH, volume 27, numéro 1 ─ JANVIER FÉVRIER MARS 2024

  1. Les auteurs remercient la Fondation CRHA d’avoir appuyé financièrement ce projet de recherche.
  2. Béjaoui, A., St-Onge, S., Peignier, I., & Ballesteros Leiva, F. (2023a). Les diverses facettes du travail hybride : Premiers résultats d’une enquête longitudinale sur la performance et la satisfaction au travail (2023PE-01, CIRANO). https://doi.org/10.54932/XPRJ5142
  3. Béjaoui, A., St-Onge, S., Peignier, I., & Ballesteros Leiva, F. (2023b). Les facettes du travail en mode hybride : Résultats d’un deuxième questionnaire distribué auprès d’employés dans le cadre d’un projet longitudinal de recherche (2023s-24, Cahiers scientifiques, CIRANO.) https://doi.org/10.54932/QYMJ5601