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Diversité, inclusion et l’accès à un travail de qualité

Cet article souligne l’importance de penser l’inclusion sous l’angle de l’accès à un travail de qualité et souhaite aborder quelques réflexions quant aux pistes d’action en matière de pratiques de GRH.
23 février 2024
Sara Pérez-Lauzon, Ph. D, CRHA

En matière de diversité et d’inclusion, nos réflexions se concentrent, à juste titre, sur notre capacité collective à favoriser l’accès à un emploi aux personnes en marge du marché du travail. Les parcours de ces personnes, souvent issues de la diversité, combinés à certaines de nos pratiques organisationnelles –y compris des pratiques de gestion des ressources humaines (GRH) – les mènent à occuper des emplois peu qualifiés ou de moindre qualité (Lowe, 2021). Dans l’ensemble, nos pratiques peuvent conduire à limiter la capacité de ces personnes à aspirer un travail de qualité et à la mobilité sociale. En toute humilité, cet article souligne l’importance de penser l’inclusion sous l’angle de l’accès à un travail de qualité et souhaite aborder quelques réflexions quant aux pistes d’action en matière de pratiques de GRH.

Un travail de qualité

Bien qu’il n’y ait pas de consensus quant à la définition de ce qui constitue un travail de qualité, le modèle récent proposé par des collègues du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (Murray et coll., 2023) renvoie aux trois grands aspects suivants :

  • L’allocation des risques, soit la nature et l'étendue des risques auxquels les travailleuses et travailleurs sont confrontés (ex. risques économiques, sociaux);
  • Le degré de subordination et d’autonomie, visible notamment par le biais de l’intensité de la charge de travail, de la protection contre l’arbitraire ou encore le respect et la dignité des personnes dans leur milieu de travail et
  • L’expressivité, dont la possibilité de construire une carrière tout au long de la vie, notamment par le biais de l’accès au développement des compétences.

Ces aspects, qui peuvent être utilisés pour procéder à des évaluations de la réalité du travail dans nos organisations, mettent en évidence l’incidence que peuvent avoir les pratiques de GRH sur l’expérience d’un travail de qualité. Dans cette veine, comme le souligne la professeure du MIT Nicola Lowe dans son dernier ouvrage (2021), les pratiques de GRH peuvent contribuer à limiter ou à favoriser l’accès à un travail de qualité, notamment aux personnes issues de la diversité. Autrement dit, nos choix et nos façons de concevoir les problèmes de même que les solutions liées à la GRH sont susceptibles de maintenir des personnes à la marge du marché du travail tandis que d’autres peuvent conduire à des emplois de meilleure qualité et à plus de mobilité sociale.

Diversité, inclusion et inégalités sur le marché du travail 

Lorsqu’on s'interroge quant aux facteurs qui contribuent aux inégalités sur le marché du travail, souvent associés aux enjeux de diversité et d’inclusion, des inadéquations quant à l’offre de compétences est l’une des voies explicatives fréquemment utilisées. Par conséquent, cette voie explicative a tendance à déterminer des solutions sur les plans de nos systèmes de formation et d’éducation. Cela étant, plusieurs soulignent les limites d’avoir recours uniquement à cette voie (Capelli, 2015).

Ainsi, de façon complémentaire, repenser cette question sous l’angle de la demande en compétences représente un choix porteur de solutions en matière d’inclusion. Comme le démontre le travail de Lowe dans le contexte américain, une des clés en matière d’inclusion et d’accès à un travail de qualité consiste à repenser les compétences requises et déployées dans le cadre d’un emploi et, par extension, ce qui est considéré comme de la compétence. Autrement dit, il s’agit pour les gestionnaires et les spécialistes RH de réimaginer leurs besoins en matière de compétences ainsi que la valeur de l’expérience. Ceci contribue à élargir le bassin des personnes envisagées lors de l’embauche et des promotions en plus de mener, à long terme, à plus de mobilité sociale.

Ainsi, il faut donc s’assurer que notre profil de compétences est réaliste. Ce dernier doit ainsi refléter les requis réels du poste à pourvoir. Il doit aussi tenir compte de tout le potentiel d’acquisition de connaissances particulières à la réalité de l’organisation qui découle des pratiques d’accueil et d’intégration. Une révision plus fréquente des profils de compétences ainsi que la formalisation d’un programme d’accueil et d’intégration représentent des pistes d’actions concrètes. En matière de valorisation de l’expérience, cela renvoie à se demander comment concrètement les compétences recherchées ont pu être développées par la personne lors de ses expériences passées.

Cette façon de « réimaginer » les besoins et l’expérience représente un premier pas vers des pratiques plus inclusives qui s’inscrivent dans les pratiques de dotation – liées à l’embauche ainsi qu’aux promotions.

L’organisation comme acteur central de l’inclusion et de l’accès à un travail de qualité

Favoriser l’inclusion de personnes en marge du marché du travail et permettre à ce qu’elles aspirent à un travail de qualité passe également par un repositionnement des visées des pratiques de GRH. En ce sens, ces dernières devraient viser à favoriser concrètement l’apprentissage, le développement des compétences et la gestion de la carrière. De façon un peu plus globale, il s’agit donc de recadrer et de revaloriser les responsabilités des organisations comme acteur central de l’inclusion et de la mobilité sociale (Lowe, 2021).

Pour ce faire, plusieurs moyens peuvent être mis en œuvre tel que le déploiement de pratiques formelles de développement des compétences inclusives auxquelles tous les membres du personnel peuvent et doivent avoir accès. À titre d’exemple, se fixer pour objectif que chaque personne - peu importe le poste occupé - puisse bénéficier d’activités de développement et de soutien en matière de carrière représente une voie vers l’inclusion. Ici, le rôle des spécialistes RH est clé.

Pour clore, il faut souligner que favoriser l’accès à un travail de qualité demeure une responsabilité collective (Baker et Kelan, 2017). Au Québec, tout un tissu d’organisations dites intermédiaires, tels que les comités sectoriels de la main-d’œuvre, développent des outils et diffusent des pratiques qui peuvent favoriser l’insertion en emploi des personnes en marge. Ainsi, les solutions en matière de pratiques de GRH résident dans la collaboration et l’action collective entre diverses parties prenantes.

3 grands aspects d’un travail de qualité

  • L’allocation des risques
  • Le degré de subordination et d’autonomie
  • L’expressivité

Références bibliographiques

  • Baker, T et E. Kelan (2017). Integrating Talent and Diversity Management. Dans Collings, D., Mellahi, K et W. Cascio (éds), The Oxford Handbook of Talent Management, Oxford University Press, pp. 3-22.
  • Cappelli, P. H. (2015). Skill gaps, skill shortages, and skill mismatches: Evidence and arguments for the United States. ILR Review68(2), 251-290.
  • Lowe, N. (2021). Putting Skill to Work: How to Create Good Jobs in Uncertain Times, MIT Press, 200 p.
  • Murray, G., Gesualdi-Fecteau, D., Lévesque, C., et N. Roby (2023). What makes work better or worse? An analytical framework. Transfer: European Review of Labour and Research29(3), 305-322.

Author
Sara Pérez-Lauzon, Ph. D, CRHA professeure adjointe, affiliée au Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail Département de gestion des ressources humaines, HEC Montréal

Source : Revue RH, volume 27, numéro 1 ─ JANVIER FÉVRIER MARS 2024