ressources / revue-rh / volume-27-no-1

Au-delà des quotas : l’inclusion comme finalité à atteindre

Pourquoi les entreprises voient-elle la diversité comme la finalité à atteindre, au lieu de l’inclusion? Découvrez les pièges de cette vision répandue ainsi que des solutions concrètes pour orienter les entreprises vers une véritable inclusion.
23 février 2024
Florence Martin | Chloé Freslon

En tant que cabinet-conseil en EDI, nous constatons régulièrement que la diversité est souvent perçue comme une finalité à atteindre par beaucoup d'entreprises. Or, cette diversité est souvent interprétée comme une simple représentation numérique des différences visibles parmi les talents. Et pourtant, même s’il y a présence de diversité, elle ne garantit pas nécessairement un environnement inclusif : l’inclusion va bien au-delà des statistiques et des quotas. 

La réticence envers l'inclusion

Nombreuses sont les entreprises qui hésitent à se tourner vers l'inclusion en premier lieu et la difficulté à mesurer l'inclusion constitue sans doute l'un des principaux obstacles, car l'inclusion n'est pas visible, alors que la diversité l'est parfois. Selon la Recherche-action sur l'EDI et les inégalités en emploi (2023), les raisons qui poussent les entreprises répondantes, à la rédaction d’un plan d’action EDI sont d’abord instrumentales. Il s’agit d’élargir le bassin de candidatures, en contexte de pénurie de la main-d’œuvre, et d’attirer un personnel diversifié qui puisse répondre aux besoins d’une clientèle elle-même diversifiée. Contrairement à la diversité, dont les paramètres peuvent être plus facilement quantifiés, l'inclusion est souvent perçue comme un concept abstrait et difficile à évaluer.

Un autre frein relatif à l’inclusion est la perception que celle-ci est subjective et donc trop changeante pour être gérée efficacement. On considère souvent le sentiment d’inclusion comme quelque chose de personnel, relevant davantage de l'expérience individuelle que de données tangibles. Cette perception réduit son importance en entreprise, la rendant moins pertinente dans un contexte professionnel qui cherche un risque zéro.

Cependant, il est possible de développer des indicateurs clés de performance propres à l'inclusion, tels que la satisfaction du personnel, le sentiment d'appartenance ou la diversité des perspectives au sein des équipes. En établissant des indicateurs concrets, les entreprises peuvent mieux évaluer leur progression vers des environnements plus inclusifs, ce qui, finalement, peut constituer une base de données beaucoup plus riche et révélatrice des progrès de l’organisation que les indicateurs clés quantitatifs relatifs au portrait de la diversité.

Pourquoi viser l’inclusion avant la diversité

Alors que viser l'inclusion pour toutes et tous consiste à créer un environnement où chaque personne se sent non seulement représentée, mais également valorisée, écoutée et respectée, ne viser qu’une augmentation de la diversité expose les entreprises à deux risques majeurs : la diversité de façade et la déshumanisation des personnes. 

La diversité de façade, également connue sous le nom de tokénisme, un dérivé de l'anglais « token », survient lorsque les organisations cherchent à atteindre des quotas numériques sur le plan de la représentation sans s'engager activement à intégrer les personnes de manière significative au sein de l’entreprise. Cela se traduit souvent par l'inclusion d'une personne ou d'un groupe particulier pour donner une apparence de diversité sans réelle volonté de valoriser leurs contributions.

Cela peut notamment engendrer du ressentiment, une dégradation de la motivation et de l’engagement, voire une démission chez les personnes issues de la diversité. Au bout du compte, cela détourne l'objectif initial de la diversité en creusant des fossés au sein de l'organisation plutôt qu'en favorisant une véritable inclusion.

Une focalisation exclusive sur la diversité peut également engendrer la déshumanisation des personnes. Lorsque les différences sont simplement perçues comme des cases à cocher plutôt que des aspects valorisés par l'entreprise, cela peut conduire à un traitement impersonnel et dénué de considération pour la personne derrière les caractéristiques diverses.

Le risque de déshumanisation émerge lorsque l'on ne reconnaît pas la diversité dans toute sa complexité humaine. Une personne est bien plus que la somme de ses caractéristiques externes; ignorer cette réalité peut entraîner une culture d'entreprise où le personnel se sent réduit à des clichés ou à des stéréotypes liés à leur diversité. Enfin, ce n’est pas parce qu’il y a beaucoup de diversité à l’interne qu’il y a automatiquement de l’inclusion : l’une ne dépend pas de l’autre.

Qu’est-il possible de faire pour tendre vers une inclusion accrue?

Il est à noter que malgré le rôle crucial des ressources humaines (RH) dans la démarche EDI, il est essentiel de veiller à ce que l'EDI ne leur soit pas exclusivement attribué; cela pourrait entraîner un manque de prise de responsabilité des autres services, ainsi qu'un risque de surcharge pour les RH. Tout de même, pour que les entreprises progressent vers l'inclusion plutôt que se limiter à la diversité, plusieurs mesures peuvent être prises.

Formation et sensibilisation

Investir dans des programmes de formation et de sensibilisation portant sur des notions telles que les biais inconscients, les microagressions et le harcèlement est crucial. Les RH étant souvent les gardiennes de la formation continue, lors du choix de contenus, il faut faire attention à ne pas seulement indiquer ce qu'il ne faut pas dire, mais également à offrir des solutions concrètes sur les attitudes encouragées, ainsi que la façon de les atteindre.

Développement d’indicatifs clés de performance qualitatifs et/ou relatifs à l’inclusion

Plutôt que se concentrer uniquement sur les statistiques de diversité, il est possible pour les entreprises de développer des indices clés propres à l'inclusion. Ceux-ci pourraient prendre la forme d'un sondage avec des questions comme : Diriez-vous que l’entreprise est inclusive? Percevez-vous que vous avez des chances égales d'obtenir une promotion? Vous sentez-vous à l’aise de verbaliser une opinion contraire au groupe? Les RH peuvent également participer au développement d'indicateurs clés qualitatifs en les déclinant pour les processus de recrutement, de promotion, voire de départs.

Leadership inclusif

Un leadership inclusif est essentiel pour créer un environnement où chaque voix est entendue. Les gestionnaires doivent montrer l'exemple en favorisant la diversité des opinions et en veillant à ce que chaque personne et toutes les équipes se sentent valorisées. Les RH peuvent alors jouer un rôle actif en révisant les politiques de promotion et en soutenant des initiatives visant à encourager la diversité au sein des postes de direction.

En privilégiant l'inclusion, les entreprises s'assurent que la diversité devient une force motrice positive plutôt qu'une simple façade, créant ainsi des équipes plus innovantes et résilientes. Elles se doivent de dépasser les chiffres pour créer une culture qui valorise et respecte réellement chaque personne. En adoptant des pratiques inclusives, en mesurant de manière appropriée et en investissant dans la sensibilisation, les entreprises progresseront vers l'inclusion, évitant ainsi les pièges de la diversité de façade et de la déshumanisation. Viser l'inclusion plutôt que seulement la diversité est donc la clé pour créer des environnements de travail durables et épanouissants.

Solutions pour plus d'inclusion

  • Formation et sensibilisation
  • Développement d’indicatifs clés de performance qualitatifs et/ou relatifs à l’inclusion
  • Leadership inclusif

Références

  • Beaudry, C., Deschênes, A.-A. et Sanni Yaya, M. (2023). Recherche-action sur l’équité, la diversité, l’inclusion (EDI) et les inégalités en emploi : le déploiement d’un plan d’action EDI en milieu de travail.

Author
Florence Martin Coordonnatrice EDI URelles

Author
Chloé Freslon PDG URelles

Source : Revue RH, volume 27, numéro 1 ─ JANVIER FÉVRIER MARS 2024