ressources / revue-rh / volume-20-no-3

Pas d’attente sans entente - Confidentialité et loyauté : le dilemme du CRHA et du CRIA

Pour l’individu qui est CRHA et joue un rôle au sein du service de ressources humaines, il est parfois difficile de trancher entre l’amitié et le devoir. Il est primordial pour le CRHA d’agir en tout temps pour le bien de son client. Mais lequel? 

1 septembre 2017
Andréanne LeBel

Anouk Popescu*, CRIA est conseillère en acquisition de talents chez un grossiste en alimentation. Un matin, sa collègue et amie Cristiana Beaudoin*, chef du développement des affaires, entre dans son bureau et, fébrile, lui annonce avoir été embauchée par une entreprise concurrente. Elle ajoute qu’elle prendra ses nouvelles fonctions dans un mois et demi et que, considérant les relations conflictuelles qu’elle vit avec son supérieur, elle remettra sa démission à la toute dernière minute. En sortant, Cristiana lui fait comprendre qu’elle compte sur elle pour garder cet échange confidentiel. Anouk est mal à l’aise et se demande comment agir.

La fonction qu’elle occupe place inévitablement Anouk devant un dilemme. D’un côté, elle doit préserver la confidentialité des informations qui lui sont confiées avec l’intention explicite qu’elles le demeurent (art. 6 (6) du Code de déontologie), et de l’autre, elle a un devoir de loyauté envers l’entreprise (art. 19, al. 2 du Code de déontologie). La situation est d’autant plus délicate que des liens d’amitié existent entre les deux femmes, ce qui pourrait influencer le jugement d’Anouk.

Anouk devra d’abord se questionner sur l’identité de son client. À cet égard et de façon générale, le CRHA ou CRIA en entreprise n’a qu’un seul client : l’entreprise qui l’emploie. Elle doit analyser la situation sous cet angle et agir dans le seul et unique intérêt de son client. Cela signifie qu’elle doit ignorer tout autre intérêt, y compris le sien, dans un esprit d’objectivité et d’indépendance (art. 10, 14 et 19 du Code de déontologie). Anouk doit donc subordonner l’intérêt de son amie à celui de son client. En effet, en gardant secrète la démission à venir de Cristiana, elle agit au bénéfice de cette dernière. L’annonce précipitée de ce départ aura assurément des impacts, vu la fonction touchée. Aussi, vaut-il mieux entamer le processus de recrutement le plus tôt possible. Taire cette information nuirait à son client, puisque pourvoir un poste de ce niveau demandera probablement un certain temps.

Il est évident que Cristiana est motivée par ses émotions. Anouk peut tenter de tempérer la situation et l’amener à prendre une décision plus objective qui sera bénéfique pour les deux parties. En détournant son attention des relations difficiles qu’elle a avec son supérieur, elle pourra l’aider à rationaliser sa réflexion.

Elle doit également clarifier son rôle auprès de Cristiana et l’aviser qu’elle ne peut pas conserver la confidentialité de cette information en raison du devoir de loyauté qui la lie à l’entreprise (art. 10 et 19, al. 2 du Code de déontologie). Si Cristiana maintient sa position, Anouk pourra tout de même faciliter la transition. Elle devra alors mettre son propre supérieur au courant de la situation pour préparer la suite des choses.

Afin d’éviter de se trouver de nouveau dans cette situation, il serait sage qu’Anouk rappelle son rôle et précise ses obligations auprès des employés. Elle doit également s’assurer qu’ils se sentent à l’aise de discuter avec elle des problèmes qu’ils vivent au travail, tout en étant conscients de ses devoirs envers l’employeur et des limites de leur relation. Elle devrait d’ailleurs laisser transparaître cet aspect dans ses relations tant professionnelles que personnelles avec les employés. Ainsi, l’employé qui lui confie des informations susceptibles d’être dommageables pour l’entreprise le fera en sachant qu’elle ne peut pas lui garantir la confidentialité.

En clarifiant son rôle et en établissant des balises claires, Anouk évitera des situations inconfortables pour les employés et pour elle-même.

*Noms fictifs


Andréanne LeBel

Source : Revue RH, volume 20, numéro 3, septembre/octobre 2017