ressources / revue-rh / archives

Mise en œuvre de la norme Entreprise en santé – Élite dans le Réseau de la santé

En 2011, après plus de deux années d’implantation, le Centre jeunesse de Québec – Institut Universitaire (CJQ-IU), établissement de plus de 1200 employés, se voyait décerner la certification Entreprise en santé – Élite, émise par le Bureau de normalisation du Québec.

4 juillet 2013
Magali Chevallier

Par la mise en action de ses valeurs, le CJQ-IU avait réussi à intégrer la notion de santé dans le processus de gestion et à créer des conditions favorables à la responsabilisation des employés à l’égard de leur santé et à l’acquisition de saines habitudes de vie.  

Le CJQ-IU répond ainsi au souhait du ministère de la Santé et des Services sociaux voulant que plus de 50 % des établissements du réseau s’inscrivent dans une démarche reconnue telle qu’Entreprise en santé.

L’impact de l’implantation d’un programme de santé et mieux-être ne peut plus être mis en doute. Différentes études démontrent le rendement d’un tel investissement.

  • Selon le Groupe de promotion pour la prévention en santé (GP2S), un employé actif physiquement est 12 % plus productif qu’un employé sédentaire.
  • Le Journal of American Medical Association (2003) affirme pour sa part que : « Les coûts reliés au présentéisme sont bien plus élevés que ceux reliés à l’absentéisme. Un exemple éloquent : 81 % des coûts de dépression sont reliés au présentéisme » (Groupe Entreprises en santé).
  • Une enquête réalisée par Médiacorp inc. pour le compte de Médisys en 2009 révèle que, au Canada, « 77 % des 100 meilleurs employeurs possèdent un programme structuré de promotion et de prévention en santé en milieu de travail. Il s’agit là d’un facteur de succès important pour la croissance de l’organisation » (Groupe Entreprises en santé).

Outre les avantages pécuniaires, il faut aussi savoir que la génération Y demande, ou plutôt exige des conditions et un environnement de travail plus sain et plus propice à l’équilibre travail/vie personnelle. Ce constat amène les organisations à opérer un tournant majeur dans leurs pratiques de gestion.

Le constat initial
En 2009, le CJQ-IU anticipait le départ à la retraite de bon nombre de ses travailleurs d’expérience en plus d’observer un très faible taux de rétention, principalement chez les employés ayant moins de deux ans d’ancienneté. À cela s’ajoutaient d’autres indicateurs préoccupants : hausse de l’utilisation du programme d’aide aux employés pour des motifs professionnels, 50 % d’augmentation des réclamations à la CSST pour des problèmes de santé mentale, augmentation significative des absences de nature psychologique malgré un taux d’assurance-salaire acceptable. La démarche a été vue comme une réponse à ces signaux d’alarme et aussi comme un moyen d’attirer du personnel, de plus en plus rare. Le CJQ-IU voulait également améliorer le climat organisationnel, la qualité de vie et la satisfaction au travail et obtenir l’assurance d’un environnement de travail sein et sécuritaire qui allait au-delà du simple respect des lois en vigueur (LSST, C-21, etc.)

Des conditions gagnantes
Avant d’implanter une telle démarche, il est nécessaire de s’assurer que le terrain est propice à l’ancrage de mesures et de pratiques organisationnelles favorables à la santé et au mieux-être. En 2009, le CJQ-IU était prêt à ce virage santé. Les préoccupations relatives à la santé et à la sécurité du travail étaient déjà prises en compte et la situation financière de l’établissement était propice à l’investissement dans certains aménagements. Également, la libération à mi-temps d’une conseillère en ressources humaines attitrée à ce dossier a permis au projet de prendre son envol.

La pierre d’assise : la planification stratégique
Entreprise en santé – Élite, ce n’est pas un projet. C’est une démarche en continu, une philosophie de gestion. C’est une transformation à provoquer dans la culture organisationnelle. Les notions de la norme Entreprise en santé – Élite doivent devenir les paramètres à la base de toute décision. Il faut donc que la vision de la direction générale soit claire et qu’elle se traduise dans la planification stratégique.

La norme exige également un engagement réel de la haute direction envers la santé, la sécurité et le bien-être du personnel. À l’heure de l’internet et de la communication virtuelle, l’obligation d’afficher l’engagement sur les murs des vingt sites du CJQ-IU a semblé à première vue désuète. Mais dans les faits, quand on voit quotidiennement un tel engagement sur les murs, on ne peut en faire fi.

L’engagement de la direction s’est également traduit par d’autres mesures : politique relative à la santé et au bien-être, formation annuelle de l’ensemble des cadres sur différents sujets touchant la santé, la sécurité et le bien-être, modification des questionnaires d’appréciation des cadres avec l’ajout d’un volet Entreprise en santé – Élite, etc.

Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin…
La norme Élite exige que l’organisation fasse participer activement ses travailleurs. Dans un environnement syndiqué, la participation des instances syndicales s’est imposée comme une étape incontournable. Leur participation au Comité de santé et mieux-être donne une plus grande crédibilité à la démarche. Il aurait été satisfaisant de pouvoir écrire que cette approche a réglé tous les conflits de relations du travail, mais la réalité est différente : certaines négociations locales sont encore empreintes de défis et de mésententes, il y a encore des griefs et des contestations concernant des réclamations devant la CSST. Toutefois, la maturité des acteurs a permis de travailler ensemble sur un sujet qui faisait l’unanimité : la santé, la sécurité et le bien-être des employés.

Soyons SMART!
Le plan de mise en œuvre de la norme, qui est révisé annuellement, a été élaboré entièrement par les membres du comité de santé et mieux-être, puis approuvé par le comité de direction. Quelques conditions devaient être respectées lors de l’élaboration du plan : budget annuel, respect des priorités établies en fonction des résultats de la collecte de données effectuée préalablement et interventions dans les quatre sphères. Le plan devait également impliquer tout le personnel et avoir des objectifs spécifiques, mesurables, atteignables, réalisables, temporels (SMART).

Une multitude d’actions ont été entreprises dans le cadre de cette démarche. Au niveau des pratiques de gestion, le CJQ-IU a misé davantage sur le soutien professionnel de ses jeunes travailleurs. Soucieux d’augmenter le taux de rétention de ces nouveaux employés, et à l’écoute de leurs préoccupations révélées par de la collecte de données, le Centre a implanté un programme de mentorat du personnel clinique. Cette intervention, majeure, qui a créé l’équivalent de sept postes était en concordance avec un défi de la planification stratégique.

Beaucoup de fonds ont été consacrés à la sécurité statique du personnel, notamment l’achat de boutons d’urgence et de mobilier fixe pour redonner confiance aux éducateurs travaillant avec une clientèle de grande souffrance et présentant des risques d’agressivité. Les mesures de conciliation travail/vie personnelle ont permis aux employés d’accéder à des mesures allant bien au-delà de ce que la convention collective offre, tels des congés compensatoires ou un horaire 9/14 (l’employé effectue le nombre d’heures prévu en neuf jours plutôt qu’en dix). L’accent a aussi été mis sur l’encouragement à l’activité physique : salles et cours de conditionnement physique, remboursement partiel de certaines activités sportives, etc.

Et le rendement de l’investissement?
Comme organisme parapublic, le CJQ-IU a un devoir de gouvernance qui l’oblige à assumer adéquatement les dépenses publiques. Dans ce contexte, le rendement de l’investissement doit être consciencieusement calculé. Mais dans une démarche de santé et bien-être, il faut être patient, car l’impact des mesures se produit à moyen ou à long termes. Au CJQ-IU, des résultats rapides ont été constatés au niveau des indicateurs relatifs à la CSST, principalement le taux de fréquence des accidents. Étant donné que beaucoup d’interventions ont été axées sur la sécurité des employés, il a été possible d’établir une corrélation positive.

Un défi consiste à mesurer l’impact des interventions avec des indicateurs sérieux, valides, non confrontés à des facteurs extrinsèques influençant les résultats. D’où l’importance de se comparer. Par exemple, le CJQ-IU visait une diminution du taux d’assurance-salaire. Trois ans plus tard, on constate seulement une stabilisation de la situation. Cependant, ce qui aurait pu être une déception s’est finalement révélé encourageant en comparant les données avec celles d’établissements comparables, qui voyaient leur taux en progression importante.

Des acteurs importants à mobiliser
La mobilisation de l’ensemble du personnel d’encadrement est essentielle à la réussite de cette démarche. Outre les formations qu’ils doivent suivre, ces cadres voient s’étendre leur responsabilité à l’égard de la santé et du mieux-être de leurs employés. Plus encore, ils sont évalués sur ces responsabilités. Mais il serait risqué d’oublier une variable importante : ils font partie du personnel de l’organisation et des interventions visant leur santé et leur bien-être doivent être mises en place. À l’heure où les difficultés de recrutement des cadres se font de plus en plus sentir, se servir de la démarche Entreprise en santé – Élite pour les attirer et les fidéliser est une stratégie à ne pas négliger.

Être certifié Entreprise en santé – Élite est évidemment une reconnaissance externe des efforts consentis au regard de la santé et du mieux-être du personnel. Mais, au-delà de la certification, c’est d’abord et avant tout le reflet d’une philosophie de gestion des ressources humaines qui amène l’organisation à agir avec prévoyance et en coresponsabilité avec le personnel pour s’assurer de pouvoir compter sur une main-d’œuvre en bonne santé physique et psychologique, qui offrira des services de très grande qualité à une clientèle très souffrante.

La norme Entreprise en santé
Fournissant un cadre bien structuré pour la mise en œuvre d’un environnement global et le maintien de pratiques de gestion favorables à la santé des personnes en milieu de travail, la démarche Entreprise en santé reconnaît les efforts des organisations, par l’entremise d’une certification liée à la norme BNQ 9700-800, Prévention, promotion et pratiques organisationnelles favorables à la santé en milieu de travail. Le programme de certification amène les entreprises à agir dans les quatre sphères d’activité reconnues pour avoir un impact significatif sur la santé du personnel: les habitudes de vie du personnel, l’équilibre travail/vie personnelle, l’environnement de travail et les pratiques de gestion.

La norme Entreprise en santé offre deux niveaux d’engagement.

  1. Entreprise en santé – L’entreprise démontre clairement son engagement envers la santé et le mieux-être de son personnel d’une façon structurée et planifiée, en fonction des problèmes de santé et des besoins du personnel qui ont été révélés par une collecte de données, ainsi qu’en fonction des priorités de l’entreprise.
     
  2. Entreprise en santé – Élite – Les interventions et les sphères d’activité touchées sont plus nombreuses que dans le niveau précédent. La santé et le mieux-être sont de plus en plus intégrés dans la culture de l’entreprise et dans ses processus de gestion.

Magali Chevallier, CRHA, chef du service de santé et sécurité du travail, Centre jeunesse de Québec – Institut universitaire

Source : Effectif, volume 16, numéro 3, juin/juillet/août 2013.


Magali Chevallier Directrice de l'intégration des savoirs et des processus opérationnals Revevu Québec