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Licenciement et embauche simultanés : comment protéger sa marque employeur?

Pour les gens du milieu, il n’y a rien d’exceptionnel à effectuer des licenciements alors qu’on est également en période de recrutement. C’est la réalité des gestionnaires des ressources humaines. Cela dit, ce phénomène soulève beaucoup de questions au sein de la communauté et suscite parfois l’indignation.

22 septembre 2009
Mario Trudel, CRIA

Certes, une telle situation peut sembler contradictoire, notamment aux yeux des personnes qui ont perdu leur emploi et qui voient ensuite leur ex-employeur chercher à pourvoir des postes…

Elle peut se produire dans divers contextes organisationnels : lors d’un changement d’orientations stratégiques, d’objectifs ou de valeurs; en cas d’un besoin en personnel à la qualification spécifique et plus pointue; lorsque la performance ou la rentabilité de certaines régions, divisions ou secteurs d’activité d’une même organisation sont très différentes; et, bien sûr, en cas de besoins saisonniers ou ponctuels au cours de l’année.

Dans le cas de changements organisationnels importants, il arrive souvent que le profil des employés ne réponde plus aux besoins de l’organisation. L’entreprise se trouve donc dans la nécessité de laisser aller certains employés pour les remplacer par des personnes qui présentent un profil différent.

Il arrive également que certaines grandes sociétés possédant plusieurs divisions recherchent des employés dans une région, alors qu’elles doivent en licencier dans une autre. Même quand il y a possibilité de mutation, il n’est pas toujours facile pour un employé de s’expatrier avec sa famille dans un autre pays, une autre province ou même une autre ville.

Enfin, certaines organisations connaissent un accroissement important de leurs activités, de façon ponctuelle ou saisonnière, mais elles ne peuvent pas nécessairement maintenir le même rythme pendant une année entière.

En résumé, les entreprises doivent s’adapter aux changements constants du monde du travail et prendre les décisions qui s’imposent pour progresser et assurer leur survie. Cette contradiction fait partie de la réalité.

Dans un passé pas si lointain, de grandes sociétés faisaient les manchettes en annonçant des licenciements massifs alors qu’au même moment, elles recrutaient discrètement pour combler certains besoins dans d’autres secteurs de leur organisation par l’entremise d’annonces anonymes. Dans le même ordre d’idées, une entreprise qui doit procéder à une réduction importante de son personnel technique, en raison de l’automatisation de plusieurs fonctions, pourrait avoir un urgent besoin d’accroître ses effectifs dans un autre secteur, celui des ventes par exemple.

Morale : ce n’est donc pas parce qu’une entreprise effectue des licenciements ou des mises à pied qu’elle n’est pas en train de recruter dans d’autres sphères d’activité!

Image de marque et communication
Que faire maintenant pour conserver l’image de marque d’une organisation dans un tel contexte? Rappelons d’abord que Sullivan (Journal of Management, 2004) définit l’image de marque comme une stratégie ciblée et à long terme, mise de l’avant pour gérer la reconnaissance et les perceptions que les employés, les employés potentiels et les actionnaires ont d’une organisation. Une image de marque prend donc sa source au sein de l’organisation pour ensuite s’étendre à l’extérieur. Par extension, l’image et la réputation dont jouit une organisation sont probablement les outils les plus puissants dont elle dispose pour engager ses employés de manière affective.

Il est donc primordial dans ce contexte de se montrer proactif, particulièrement en ce qui a trait aux communications. En effet, la communication est la base de tout et elle sera essentielle au cours de toutes les étapes du changement vécu au sein de l’organisation afin de bien gérer les perceptions tant à l’interne qu’à l’externe.

Dans un premier temps, il serait sage d’informer les employés périodiquement sur le contexte organisationnel de l’entreprise. Le fait de les tenir au courant des objectifs, des succès, des percées – mais aussi des insuccès – leur donnera une meilleure connaissance de l’organisation, augmentera leur sentiment d’appartenance et leur cohésion et pourrait même leur permettre d’anticiper dans une certaine mesure les changements à venir.

D’autre part, si le contexte organisationnel oblige à effectuer des coupures de personnel, il serait bon d’inclure une formation sur les meilleures pratiques en matière de licenciement dans la planification. Procéder à des licenciements est une tâche délicate, qui n’est jamais facile. Une réduction d’effectifs mal gérée peut donner une impression négative de l’organisation aux employés passés et présents, tout comme aux employés potentiels. En fait, tout cela peut se traduire en dommages sérieux à l’image de marque, à plus ou moins long terme, avoir des répercussions fâcheuses et coûteuses pour l’organisation et un impact direct sur sa capacité à attirer et à conserver des employés compétents. Plus on fera preuve d’attention et de respect au moment d’annoncer la nouvelle, plus on augmentera ses chances de conserver une bonne image de marque aux yeux des employés en place et sur le marché de l’emploi.

Conséquemment, il est donc approprié et même recommandé de fournir une formation adéquate au gestionnaire qui fera l’annonce du licenciement afin que la rencontre se déroule dans le respect et la dignité pour l’employé licencié. Le message transmis devrait être clair, concis et contenir des informations sur le contexte du licenciement ainsi que sur les prochaines étapes. La façon dont l’employé devra quitter les lieux aura également un impact certain non seulement sur l’individu concerné, mais aussi sur ses collègues. Dans la mesure du possible, il faut permettre aux employés de choisir la manière dont ils vont récupérer leurs effets personnels, communiquer avec leurs collègues et quitter le bureau après leur licenciement. Par ce geste pourtant simple, ils auront l’impression de partir en conservant leur dignité, sans être acculés à d’affreuses concessions. Bref, la gestion des licenciements est un élément clé qui affecte la perception non seulement des employés qui partent, mais également de ceux qui restent et de ceux que l’entreprise cherche à attirer.

Une fois les annonces faites, il sera tout aussi important d’aviser les employés qui restent de ce qui s’est passé, à la fois pour les informer, les rassurer et les mobiliser. Il est également recommandé de multiplier les rencontres individuelles et de groupe et d’utiliser de façon optimale toute rencontre ou tout comité hebdomadaire ou mensuel afin de garder les employés informés et de leur permettre de « ventiler » et de s’exprimer. En informant les employés, avec le plus de transparence possible, des changements actuels et à venir, l’organisation contribuera à maintenir le moral des troupes.

La présence et la visibilité des dirigeants sont également très importantes. Or , lorsque des changements majeurs sont planifiés, il n’est pas rare de constater chez les dirigeants une forte augmentation des rencontres à huis clos. Les équipes de travail sont souvent dissipées et ont besoin de plus de structure et d’encadrement. C’est le rôle du gestionnaire de leur fournir cette direction. Le fait de se montrer plus disponible, accessible et de garder sa porte ouverte lancera un message positif et rassurant au sein de l’organisation.

Cependant, gérer en période de changements organisationnels n’est pas chose simple. Il faut reconnaître que les gestionnaires, en plus de leur rôle d’ambassadeurs de l’organisation, sont aussi et avant tout des individus avec leurs propres émotions, craintes et incertitudes à gérer. Il serait faux de penser que seuls les jeunes gestionnaires sont sujets à ce genre de pression. Même les gestionnaires les plus expérimentés auront le sommeil perturbé et pourraient ressentir des sentiments d’anxiété et de culpabilité avant et après les licenciements.

C’est d’ailleurs pourquoi certaines organisations offrent à leurs gestionnaires une formation spécialisée qui leur procurera un coffre à outils, garni notamment de stratégies progressistes en matière de gestion du changement, de communications et de gestion du stress.

D’autre part, plus les changements organisationnels effectués sont considérables, plus il devient important de prévoir également une communication à l’extérieur de l’organisation. On ne fait pas uniquement allusion ici aux multinationales et à une publicité visant le grand public, mais plutôt au besoin d’informer ses clients, fournisseurs, créanciers et actionnaires, en fonction de l’importance des changements apportés. L’information à communiquer peut aller de la philosophie d’entreprise jusqu’à l’identification de nouveaux interlocuteurs, en passant par l’explication des nouvelles façons de faire. Les informer de façon proactive par un message cohérent avec celui qui est transmis à l’interne se traduira par une meilleure compréhension de leur part et éliminera en grande partie les jugements hâtifs et les rumeurs dévastatrices.

Une autre option à considérer pour préserver l’image de marque de l’organisation : accroître sa visibilité et son implication sociale. Les nobles causes ne manquent pas; que ce soit par l’entremise d’activités communautaires, de dons ou de commandites, l’implication de l’entreprise dans la société a un impact positif sur l’image qu’elle projette et sur l’opinion publique.

Mario Trudel, CRIA, conseiller principal et directeur régional, et Isabelle Michaud, c.o., conseillère, Le Groupe KWA – Québec

Source : Effectif, volume 12, numéro 4, septembre/octobre 2009.


Mario Trudel, CRIA