ressources / revue-rh / archives

Le rire, bon pour la santé, le moral et les affaires!

S’esclaffer au travail, est-ce bien sérieux? Les spécialistes du rire l’affirment sans plaisanter : le rire n’est pas un sujet frivole.

6 avril 2011
Myriam Jézéquel

Il joue même un rôle « drôlement » sérieux en milieu de travail pour qui sait exploiter son sens de l’humour et manier à bon escient l’art de la rigolade. Ainsi, le rire s’est hissé au rang d’outil de management, d’arme de séduction (et de persuasion), de tremplin à la créativité et à la productivité, voire de remède contre certains maux (stress, anxiété, fatigue, etc.). Sans blague, le savoir-rire serait-il devenu une compétence professionnelle?

Rions-nous assez?
« En 1939, on estime que les gens riaient en moyenne 19 minutes par jour, contre 6 minutes en 1982 et à peine 4 minutes en 1990 », affirme Guy Samson dans Le rire, la meilleure thérapie. Si le rire est la capacité la mieux répandue, elle n’est pas la plus exploitée. Certains n’hésitent pas à constituer le rire en indicateur de bien-être. Dans une entreprise malade de sa gestion ou en pleine crise, les employés n’ont plus le cœur à rire, d’un rire franc et authentique. Car il existe plusieurs sortes de rires : farceur, victorieux, amer, nerveux, ironique, etc. Un bon rire devrait être tout à la fois décompressif, expulsif et explosif.

Pratiquer l’humour au travail, c’est très tendance. Mais, les résistances au rire existent aussi. « Pas de quoi rire! Pas le temps de rire! Tu plaisantes, j’espère? » Comment faire rire un employé qui craint le ridicule? Comment convaincre son superviseur qu’afficher un sourire ne détruira pas son image de personne sérieuse? Car si le rire est associé au plaisir, le travail signifie étymologiquement « torture »… Alors, à moins de les faire rire sous la torture, certains rayent toute séance de rire de leur ordre du jour surchargé. Et pourtant, quelle sensation délicieuse qu’une envie irrésistible de rire qui monte et finit par exploser!

Une bouffée de rire contre les maux du corps… et de l’entreprise!
Un rire franc et sonore détend le corps et l’esprit, assure Yvon Saint-Arnaud dans La guérison par le plaisir. Ainsi, rire serait excellent pour la santé au même titre que la relaxation, le yoga ou la méditation. Parmi les nombreuses vertus thérapeutiques du rire, les médecins citent la réduction du stress, un remède supplémentaire contre l’insomnie, l’anxiété, les problèmes cardiaques et la tension artérielle. Sous l’effet des éclats de rire, le corps se relâche, détend les muscles, libère les tensions, favorise la circulation sanguine. Un accès de rire, c’est comme une bouffée d’oxygène. Le corps inspire quatre fois plus d’air, de quoi gonfler sa confiance en soi et dégonfler une déprime lancinante. Savoir rire aux éclats augmenterait la qualité et peut-être la durée de vie. Et rare sont les contre-indications…

Mais est-ce bien raisonnable de se laisser aller à des fous rires au travail? Ceux qui se préoccupent de bien-être au travail soutiennent qu’on gagne à intégrer l’humour et le rire au milieu de travail. Au-delà de ses bienfaits sur la santé, le rire comporte aussi des bénéfices pour l’entreprise. À condition de respecter certaines limites, il apporte une énergie positive dans l’équipe et cultive la bonne humeur. Tout comme le sourire participe aux codes de politesse, le rire est une forme de communication (très communicative). Il permet de faire tomber la pression et contribue à améliorer les relations professionnelles et interpersonnelles. En cas de coup dur ou de crise, il permet de réconcilier, voire de souder une équipe. Enfin, le rire, sciemment utilisé, stimulerait la créativité et débriderait l’imagination. Les idées jaillissent mieux si chacun est autorisé à porter un regard décalé sur une situation!

Rire et faire rire…
Le professionnel qui possède le sens de l’humour serait recherché pour sa capacité à détendre l’atmosphère, à inspirer confiance à ses collaborateurs, à dédramatiser et à prendre du recul par rapport à une situation problématique. Qualité professionnelle et véritable arme de management, la capacité à rire et à faire rire rendrait une figure d’autorité plus humaine et favoriserait l’adhésion des employés. Comme disait Charlie Chaplin : « Le rire est le chemin le plus direct entre deux personnes ».

Seulement voilà, quand le sens de l’humour n’est pas inné, comment faire rire? Suffit-il de reprendre contact avec son « clown intérieur »? Existe-t-il des méthodes éprouvées pour rendre une histoire cocasse? Cela s’apprend-t-il? Pour élargir sa palette de bons mots ou d’attitudes comiques, on peut s’inspirer des pros du rire et en tirer quelques leçons sur l’art de faire rire…

Des professionnels du rire, tels les humoristes, vont jusqu’à offrir leurs services pour aider à façonner un discours, à le ponctuer de pointes d’humour bien choisies, afin de conquérir la sympathie du public et de lui offrir une expérience unique et inoubliable. Les Américains sont d’ailleurs réputés pour commencer leurs discours par une opening joke, afin de briser la glace. Enfin, sachons qu’il est rare que tout le monde rie aux mêmes blagues. Le rire, c’est aussi une affaire de personnalité et de culture partagée.

Rigolothérapie, hilarothérapie, clubs de rire…
Il existe toute une panoplie d’ateliers et de clubs du+ rire qui s’inspirent de la technique du « rire sans raison » du médecin indien Madan Kataria. Un véritable courant comique s’est même répandu dans les quelque cinq mille clubs de rire au Québec et dans le monde. Des ateliers d’apprentissage ou de rééducation du rire sont particulièrement recommandés à ceux qui n’ont plus le cœur à rire, mais aussi aux employés qui subissent beaucoup de stress et qui sont en contact avec la clientèle. Les ateliers du rire sont axés sur des exercices et une authentique pratique du rire.

Peut-on rire de tout, de tous et en toutes circonstances?
En matière de rire et d’humour, il y a souvent une ligne à ne pas franchir. Les meilleures blagues tiennent souvent au sens de l’à-propos du blagueur. Il sent d’instinct si sa plaisanterie est pertinente et appropriée. Il trouve le ton juste et le bon moment. À l’inverse, une blague inopportune ou inappropriée comporte des risques de dérapage. Dans une situation très tendue où deux personnes sont à couteaux tirés, mieux vaut songer à faire retomber la pression avant de pratiquer la dérision ou l’exagération.

Rire d’un collègue qui rit de lui-même est à ses risques et périls. Car rire de soi et faire rire de soi sont deux choses distinctes. De façon générale, vouloir amuser la galerie en plaisantant sur les compétences d’un collègue, son physique, ses croyances, ses origines, ses préférences, sa vie privée pourrait se retourner contre le railleur. Il est plus facile de pardonner un trait d’esprit raté qu’une mauvaise blague sur une personne… Enfin, il n’est pas sûr qu’un employeur apprécie à sa juste valeur les pitreries de son employé si sa fonction ne s’y prête pas!

Myriam Jézéquel, journaliste indépendante.

Sources

Source : Effectif, volume 14, numéro 2, avril/mai 2011.


Myriam Jézéquel