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Comment développer la compétence interculturelle des gestionnaires?

Sylviane Rochon, CRHA, fait partie de l’équipe de recrutement de BeauT, un fabricant de cosmétiques. Elle a été mandatée pour pourvoir des postes de représentant. Mais voilà qu’elle réalise, à la suite d’une série d’entrevues, que ses gestionnaires clients refusent systématiquement tous les candidats qui ne sont pas Québécois de souche. Ils affirment notamment que le profil des candidats rejetés est trop intraverti, qu’il leur sera difficile d’établir une complicité avec les clients et même avec leurs collègues, etc. Consciente qu’elle ne peut pas faire de discrimination systémique, Sylviane se demande comment faire pour établir un climat de travail ouvert à la diversité et pour développer la sensibilité interculturelle des gestionnaires afin qu’ils en arrivent à accepter les caractéristiques diverses des candidats proposés. Que lui conseillez-vous de faire?

9 juillet 2009
Rosaire Houde, CRHA

Tenir compte du degré de sensibilité interculturelle…

Par Lucie Houde, CRHA, M.A., PDG, Archétypes-Inter

Afin d’accroître la sensibilité interculturelle d’un gestionnaire, il est important de miser sur un programme qui tient compte du stade de développement où il se trouve sur ce plan.

Les défis de Sylviane sont de taille. En effet, au-delà de la discrimination systémique, pour développer la sensibilité interculturelle d’une personne qui se trouve au stade du déni (où elle occulte les différences, exclut les personnes d’autres cultures) ou à celui de la défense (où elle se sent menacée par les autres), on doit inévitablement faire appel à son système de valeurs. Afin de devenir efficace dans un contexte de diversité, le gestionnaire doit avoir franchi ces deux premiers stades de la sensibilité interculturelle. Ces phases sont d’autant plus névralgiques qu’elles peuvent entraîner un repli sur sa propre culture si l’individu se sent brusqué et défié.

Une valeur sûre pour Sylviane, qui lui permettra d’avoir des gestionnaires ouverts, inclusifs et performants dans un contexte de diversité, est de tenir compte du degré de leur sensibilité interculturelle dans le choix de ses stratégies de développement. Cette approche permet de diminuer les résistances et donne aussi le goût d’aller plus loin.

Une session non obligatoire de formation sur la gestion de la diversité risque de ne pas trouver preneur parmi les gestionnaires qui se situent au stade du déni ou de la défense. L’argumentaire ne fonctionne pas non plus. Alors comment faire?

Afin d’impliquer le gestionnaire dans une démarche de développement, nous suggérons à Sylviane d’opter dans un premier temps pour une approche d’accompagnement individuel. Cette formule permet de créer un climat de confiance et de trouver les pistes d’amélioration à court et moyen termes, en partenariat avec le gestionnaire. Dans cette démarche, les tests psychométriques tels que Inventaire du développement interculturel sont des outils efficaces qui permettent au gestionnaire de prendre conscience de son stade de développement réel.

En effet, les résultats de ces tests indiquent que la perception globale qu’a un individu de son propre développement en matière de sensibilité interculturelle est supérieure à la réalité. La différence entre ces deux résultats est le cheminement que le gestionnaire est prêt à faire. Il faut miser sur cet écart pour l’amener au stade suivant. Il n’y opposera pas de résistance. C’est gagné!


Plan d’action et engagement de la direction
Par Rosaire Houde, CRHA, associé, Borden Ladner Gervais s.r.l.

Si Sylviane devait forcer la main de ses gestionnaires clients à ce stade-ci, cela pourrait entraîner des réactions négatives comme des comportements discriminatoires ou même harcelants, ne serait-ce que par simple réaction de résistance au changement.

Sylviane doit d’abord faire prendre conscience à ses gestionnaires clients qu’ils sont en train d’instaurer une discrimination systémique et leur exposer clairement les problèmes juridiques (plaintes pour discrimination à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse) que cette situation peut causer à BeauT. Elle peut même ajouter les problèmes commerciaux que leur attitude peut engendrer (impossibilité d’accroître les ventes à certaines minorités visibles par exemple), notamment l’impact négatif d’une allégation de comportement discriminatoire contre BeauT et ses dirigeants.

À cet égard, elle doit sérieusement considérer l’utilité de travailler avec les responsables du marketing au sein de BeauT. Plus précisément, elle devrait vérifier avec l’équipe de mise en marché le taux des ventes dans les différentes communautés culturelles. Elle pourrait utiliser ces chiffres afin de souligner l’importance pour l’entreprise de recruter des représentants commerciaux issus de différents groupes culturels. Finalement, dans la même veine, elle pourrait organiser une séance d’information avec les spécialistes des ventes, à l’intention de ses gestionnaires clients, afin de leur démontrer l’utilité d’embaucher des représentants de différentes cultures, compte tenu du fait que nous vivons dans une société multiculturelle.

Il faut ensuite, et peu importe les décisions que ses collègues prendront dans le contexte de l’actuelle ronde de recrutement, qu’elle se donne un plan d’action dont le premier élément doit être l’adoption, au plus haut niveau de direction de BeauT, d’une politique sur la diversité qui traduira l’engagement ferme et sincère de la haute direction à cet égard.

Il y aura aussi dans son plan un programme de formation des gestionnaires en premier lieu et des employés ensuite : il faut créer un climat d’ouverture propice à l’engagement de BeauT à l’égard de la diversité. Évidemment, des politiques sur le harcèlement psychologique et la discrimination, secondaires dans ce contexte, soutiendront la politique sur la diversité.

La situation ne changera pas en un clin d’œil et il faut créer un contexte favorable à l’évolution positive de la situation.

En résumé, Sylviane a besoin d’établir un plan d’action et d’être appuyée dans sa démarche par un engagement ferme et clair de la haute direction.

Source : Effectif, volume 12, numéro 3, juin/juillet/août 2009.


Rosaire Houde, CRHA