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Les modifications apportées à la Loi sur les normes du travail

Récemment, plusieurs modifications législatives visant la Loi sur les normes du travail[2] sont entrées en vigueur. Principalement adoptées pour faciliter la conciliation travail famille, ces modifications ont notamment pour effet : d’élargir la définition de la famille, de reconnaître, dans certaines situations, le statut de proche aidant, de réduire le nombre minimum d’heures supplémentaires qui doit être réalisé avant de refuser d’en exécuter davantage, de permettre l’étalement des heures de travail plus facilement, de rendre plus accessible le minimum de trois semaines de vacances et de prolonger la durée de certains congés familiaux, en plus de prévoir que certaines absences seront maintenant rémunérées.

6 mars 2019
Me Jessica Laforest, avocate<a href="#1" target="_self" class="anchor-link">[1]</a>

Le gouvernement a également profité de cette révision pour reconnaître explicitement l’inclusion du harcèlement sexuel dans la définition du harcèlement psychologique et imposer aux employeurs l’obligation de se munir d’une politique de prévention du harcèlement psychologique.

Toujours dans une optique de protection des salariés, la LNT réglementera prochainement le milieu des agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers, notamment en exigeant maintenant un permis d’exploitation.

Bref, ce tour d’horizon devrait vous interpeller étant donné que ces modifications sont importantes tant du point de vue de la gestion, de la négociation que de l’élaboration des stratégies d’entreprise en matière de relations du travail et de rémunération.

CONCILIATION TRAVAIL-FAMILLE

Les vacances

Depuis 1990, l’article 69 LNT prévoyait qu’un salarié qui justifie 5 ans de service continu chez le même employeur, à la fin de l’année de référence, avait droit à un congé annuel d’une durée minimale de 3 semaines. Avec la modification législative entrée en vigueur récemment, la durée du service continu est abaissée à trois ans pour pouvoir bénéficier d’un minimum de trois semaines de vacances.

Les absences pour maladies et autres raisons analogues

Par la modification de la LNT, le législateur a ajouté des motifs permettant à un salarié de s’absenter du travail pour une période maximale de 26 semaines par année. Ainsi, les causes de violence conjugale, de violence à caractère sexuel et d’acte criminel s’ajoutent aux absences pour cause de maladie, d’accident et de don d’organes ou de tissus à des fins de greffe[3].

Auparavant, ces absences étaient protégées contre un congédiement, une suspension ou des mesures de représailles initiées par l’employeur seulement si le salarié cumulait un service continu minimum de trois mois. Or, il n’y a maintenant plus de condition reliée au service continu pour pouvoir bénéficier de la protection de la LNT[4].

Par contre, il a été décidé que ces absences demeuraient non rémunérées.

Les absences pour raisons familiales ou parentales

Une des nouveautés importantes de ces modifications législatives est la définition du terme « parent »[5]. Avant, chaque absence ou congé prévu dans la LNT s’adressait strictement aux gens énumérés dans l’article spécifique.

Avec l’éclatement du modèle familial traditionnel, le temps était venu d’adapter la loi. Ainsi, un « parent » peut désormais être l’une des personnes suivantes : l’enfant, le père, la mère, le frère, la sœur et les grands-parents du salarié ou de son conjoint ainsi que les conjoints de ces personnes, leurs enfants et les conjoints de leurs enfants. Le législateur a aussi pensé à inclure les gens agissant comme famille d’accueil, tuteur, curateur et toute autre personne dont le salarié prend soin et dont ce statut de proche aidant est reconnu en vertu d’une loi.

Par contre, cette définition de « parent » ne s’applique qu’à des absences spécifiques reliées à des raisons familiales ou parentales. Ce faisant, le législateur a conservé certaines situations pour lesquelles la vie maritale ou la filiation doit être reconnue pour pouvoir en bénéficier, par exemple les congés en cas de décès[6].

Les congés payés

En ce qui a trait aux absences reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation d’un proche, la protection de 10 jours prévue dans la LNT demeure inchangée[7]. Par contre, cette protection est étendue non seulement aux parents, tels que nouvellement définis, mais aussi aux proches aidants, sous réserve d’obtenir une attestation de ce statut.

L’autre nouveauté contenue dans l’article 79.7 LNT réside dans la nouvelle obligation des employeurs de rémunérer les deux premières journées, par année, durant lesquelles le salarié s’absente pour une raison reliée à la garde, à la santé ou à l’éducation d’un proche. À cet égard, le calcul du salaire à payer s’effectue de la même façon que pour le paiement d’un jour férié, c’est-à-dire, en général, 1/20 du salaire cumulé durant les 4 dernières semaines de travail, excluant les heures supplémentaires.

En ce qui a trait aux jours fériés, auparavant seul un salarié qui était en vacances lors du jour férié devait être compensé. Maintenant, même le salarié qui ne travaille habituellement pas ce jour-là doit être dédommagé pour ce congé[8]. À cet égard, la compensation demeure, au choix de l’employeur, payable en argent ou en temps.

Dans le cas du décès d’un membre de sa famille immédiate, le salarié a maintenant le droit de s’absenter du travail durant deux jours plutôt qu’un, sans compression salariale. Cette modification ne prolonge par contre pas la durée totale allouée à cette absence, parce qu’elle est contrebalancée par la réduction de quatre à trois jours d’absence protégée, mais sans solde, qui peuvent s’y ajouter[9].

Les heures supplémentaires et le refus de travailler

L’étalement des heures de travail sur une base autre qu’hebdomadaire demeure possible pour les salariés d’un employeur avec l’autorisation de la CNESST. En outre, un employeur peut désormais convenir directement avec un salarié, et ce, sans l’autorisation de la CNESST, de l’étalement des heures à certaines conditions qui sont énumérées au nouvel article 53 LNT.

Concernant le refus de travailler, il faut souligner que le moment à partir duquel le salarié peut exercer ce droit a été abaissé de quatre à deux heures au-delà des heures habituelles quotidiennes dans la première des situations le rendant possible[10]. Au surplus, un salarié peut maintenant refuser de travailler lorsqu’il n’a pas été informé au moins cinq jours à l’avance que ses services sont requis[11]. Des rectifications dans l’élaboration et la diffusion des horaires de travail sont donc nécessaires.

HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE

Même si la définition initiale du harcèlement psychologique n’incluait pas explicitement le harcèlement sexuel, il y était implicitement intégré étant donné la définition large, tel que les tribunaux l’ont reconnu. Malgré tout, le législateur a jugé nécessaire de faire cet ajout à l’article 81.18 LNT.

Par contre, l’obligation des employeurs d’adopter une politique de prévention du harcèlement psychologique et le traitement des plaintes est nouvelle. Évidemment, certaines entreprises s’étaient déjà dotées de pareille politique à titre de moyen raisonnable de prévenir le harcèlement. Toutefois, elles devront être revues notamment pour y inclure un volet concernant le harcèlement sexuel. De plus, elles devront être rendues disponibles à tous les salariés[12].

La modification la plus importante qui touche le harcèlement psychologique demeure la prolongation du délai pour déposer une plainte. Antérieurement de 90 jours, ce délai est maintenant de 2 ans à compter de la dernière manifestation[13].

AGENCE DE PLACEMENT ET DE RECRUTEMENT

Tel que mentionné au début de ce texte, les modifications apportées à la LNT devaient entrer en vigueur en trois phases. Les deux premières sont actuellement complétées. La troisième vise les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires. Sans pouvoir préciser une date d’entrée en vigueur, il est prévu qu’elles auront force de loi au moment où le Règlement qui y sera associé sera lui-même en vigueur.

À ce moment, les agences devront obtenir un permis délivré par la CNESST[14]. De plus, les entreprises faisant affaire avec ces agences devront s’assurer de retenir les services d’une agence détenant un permis valide[15].

Le choix d’une agence fiable sera d’autant plus important pour un employeur maintenant qu’une des modifications législatives prévoit que ce dernier peut être poursuivi solidairement avec l’agence en cas de non-respect des obligations pécuniaires prévues dans la LNT[16].

Sensible aux cas d’exploitation des travailleurs migrants qui ont été reconnus par les tribunaux[17], le gouvernement a également jugé bon de prévoir des articles interdisant aux employeurs de confisquer ou d’exiger d’avoir la garde des documents personnels des salariés[18], tels que leur passeport ou leur permis de travail, et interdisant aussi aux employeurs d’exiger des frais déboursés relativement au recrutement des salariés[19].

CONCLUSION

Cet article n’est évidemment pas une énumération exhaustive des modifications législatives qui sont entrées en vigueur au cours des derniers mois. Il se veut plutôt un élément déclencheur pour vous inciter à consulter la LNT et vous assurer d’apporter les ajustements nécessaires à vos politiques et procédures de gestion.


Me Jessica Laforest, avocate[1]

Source :

Source : VigieRT, mars 2019.

1 L’auteure travaille pour le cabinet d’avocats Paquet Tellier.
2 c. N-1.1 (ci-après nommée « LNT »).
3 Art. 79.1, alinéa 1 LNT.
4 Art. 79.2 LNT.
5 Art. 79.6.1 LNT.
6 Art. 80 LNT; voir aussi notamment les articles 79.11 et 79.12 LNT.
7 Art. 79.7 LNT.
8 Art. 64 LNT.
9 Art. 80 LNT.
10 Art. 59.0.1 LNT.
11 Art. 59.0.1 LNT.
12 Art. 81.19 LNT.
13 Art. 123.7 LNT.
14 Art. 92.5 LNT.
15 Art. 92.6 LNT.
16 Art. 95 LNT.
17 Reconnu par exemple dans la décision Orantes Silva et 9009-1729 Québec inc., 2016 QCTAT 2155.
18 Art. 92.11 LNT.
19 Art. 92.12 LNT.