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Fausses déclarations à l’embauche : un motif de congédiement?

Dans l’affaire Syndicat des professionnelles en soins de Saint-Jérôme (FIQ) et Centre de santé et de services sociaux de Saint-Jérôme, 2014 QCTA 1013[1], l’arbitre a été appelé notamment à se prononcer sur la validité d’un congédiement imposé à une employée ayant fait de fausses déclarations dans un formulaire de préembauche.

24 mars 2015
Mohamed Badreddine, CRHA, Olivier Lamoureux, et Rhéaume Perreault, CRIA

I. FAITS
Le Centre de santé et de services sociaux de Saint-Jérôme a embauché la requérante à titre d’infirmière auxiliaire en février 2012. Cette dernière avait rempli un formulaire de préembauche au sujet de ses antécédents en matière de santé en janvier 2012. À ce moment, malgré les questions figurant au formulaire à cet égard, l’employée a omis d’indiquer qu’elle avait subi une intervention chirurgicale au dos en 1999. À la suite d’un accident survenu en avril 2012 et de maux de dos, l’employée a été mise en arrêt de travail par son médecin, lequel a posé notamment un diagnostic de hernie discale.

Le médecin de l’employeur a confirmé le diagnostic et indiqué la présence d’une lésion préexistante. L’employée a conséquemment fait l’objet d’une enquête pour fausses déclarations. L’employeur a demandé deux expertises supplémentaires sur l’impact des antécédents de l’employée sur son état actuel. Dans les deux cas, les experts ont conclu que l’employée ne souffrait visiblement d’aucun symptôme lors de son embauche et qu’aucune limitation fonctionnelle ne semblait l’affecter en février 2012. L’employeur a choisi néanmoins de congédier l’employée, invoquant la rupture du lien de confiance ainsi qu’un vice de consentement quant au contrat d’embauche.

II. DÉCISION
L’arbitre a repris le raisonnement de la Cour d’appel dans une affaire[2] similaire et a souligné qu’en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, un employeur ne peut pas, lors de la préembauche, poser de questions se rapportant aux motifs de discrimination énumérés à l’article 10 (convictions politiques, handicap, état civil, etc.), sauf lorsque de tels renseignements peuvent être reliés à des aptitudes ou à des qualités requises par l’emploi. En l’espèce, l’employeur n’était pas justifié de requérir des renseignements concernant l’opération au dos de l’employée survenue en 1999. Bien que l’arbitre ait affirmé qu’elle aurait néanmoins dû répondre de bonne foi à cette question concernant ses antécédents médicaux, l’employeur ne pouvait se servir d’une telle omission pour la congédier.

L’arbitre a conclu également que l’employeur ne peut invoquer un vice de consentement pour annuler le contrat d’embauche. De fait, rien ne démontre que celui-ci ne l’aurait pas embauchée s’il avait su qu’elle avait subi une intervention chirurgicale treize ans auparavant. Tel que le confirment ses propres médecins, l’employée était asymptomatique au moment de son embauche et pouvait assumer l’ensemble de ses tâches comme infirmière auxiliaire, ce qu’elle fit d’ailleurs entre février et avril 2012. L’arbitre a accueilli le grief et ordonné conséquemment la réintégration de l’employée.

III. CONCLUSION
Sous réserve de la requête en révision judiciaire, lors de la préembauche, le fait pour un candidat de faire de fausses déclarations ne constitue pas automatiquement un motif de congédiement. De fait, il appert de cette décision qu’un congédiement ne pourra être justifié que si ces fausses déclarations portent, d’une part, sur des renseignements reliés à des aptitudes ou à des qualités requises pour l’emploi ou, d’autre part, sur un élément qui aurait influencé objectivement la décision d’embauche, l’employeur pouvant dans ce dernier scénario plaider que son consentement a été vicié.

Source : VigieRT, mars 2015.


1 Requête en révision judiciaire, 2014-12-23 (C.S.), 500-17-086028-142.
2 Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur-du-Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, 2012 QCCA 1867.

Mohamed Badreddine, CRHA, Olivier Lamoureux, et Rhéaume Perreault, CRIA