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Employeurs de travailleurs étrangers : à vos obligations!

De plus en plus d’entreprises font appel à des travailleurs étrangers temporaires afin de combler la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et expérimentée.

28 octobre 2014
Jacques Rousse, CRIA et Stéphane Duval

Au cours des dernières années, le nombre de travailleurs étrangers temporaires au Canada n’a cessé de croître. Selon les statistiques publiées par Citoyenneté et Immigration Canada en octobre 2012, ce nombre est passé d’environ 100 000 en 1988 à plus de 330 000 en 2013.

Le 20 juin dernier, le gouvernement canadien a décidé de resserrer les règles applicables aux employeurs qui recourent aux services de travailleurs étrangers temporaires. Le ministre de l’Emploi et du Développement social et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ont en effet mis en place une réforme sans précédent du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTÉT).

En tant qu’employeur, il est primordial de connaître vos obligations afin de mesurer l’impact de cette réforme sur votre entreprise; tout manquement pourrait avoir de sérieuses conséquences pour votre entreprise, ses administrateurs ainsi que ses dirigeants.

Voici donc, dans un premier temps, un résumé de la réforme ainsi que des obligations auxquelles vous êtes soumis à titre d’employeur, et dans un second temps, un éclairage surles conséquences de leur non-respect.

RÉFORME

L’objectif de cette réforme est de recourir aux travailleurs étrangers temporaires en dernier ressort, pour combler temporairement les graves pénuries de main-d’œuvre lorsqu’on ne trouve pas de travailleurs canadiens qualifiés[1].

Le gouvernement québécois, qui partage cet objectif, note toutefois qu’il faut demeurer vigilant et s’assurer que les mesures en question n’auront pas d’impacts négatifs pour l’économie du Québec[2]. D’ailleurs, les représentants des industries de l’agroalimentaire et de la restauration redoutent déjà les conséquences potentielles d’une telle réforme[3].

Il est important de noter que les représentants du gouvernement québécois négocient actuellement l’application des modifications annoncées avec leurs homologues fédéraux.

Il en résulte donc que la majorité des modifications ne sont pas encore applicables au Québec (à l’exception des frais de traitement et des formulaires).

Voici un résumé des modifications telles qu’annoncées par les deux ministres[4] et qui sont en vigueur dans les autres provinces.

Cette réforme est basée sur les trois axes principaux suivants :

  1. Limiter l’accès aux travailleurs étrangers temporaires afin que les emplois soient d’abord offerts aux Canadiens

    Le critère de classification des emplois pour le PTÉT a changé. Auparavant, le niveau de compétence des emplois était déterminé selon la Classification nationale des professions. Maintenant, le salaire est utilisé afin de déterminer le niveau de compétence requis ainsi que les conditions du marché du travail local. Ainsi, les travailleurs dont le salaire est inférieur au salaire médian provincial sont considérés comme des travailleurs à rémunération peu élevée. Ceux dont le salaire offert est supérieur au salaire médian sont considérés comme des travailleurs à rémunération élevée.

    De plus, l’avis relatif au marché du travail permettant d’évaluer les employeurs qui cherchent à embaucher des travailleurs étrangers a été remplacé par une Étude d’impact sur le marché du travail (ÉIMT). Cette analyse est plus rigoureuse. En effet, les employeurs doivent dorénavant fournir des renseignements sur le nombre de Canadiens ou de résidents permanents ayant soumis leurs candidatures ainsi que le nombre d’entre eux qui ont obtenu une entrevue. Ils doivent également étayer les motifs pour lesquels ils n’ont pas été embauchés.

    De plus, les employeurs doivent attester qu’ils savent qu’ils ne peuvent mettre à pied ou réduire les heures des travailleurs canadiens s’ils emploient des travailleurs étrangers.

    Parmi les employeurs qui demandent une ÉIMT, ceux qui ont plus de 10 employés doivent respecter une limite de 10 % de travailleurs étrangers temporaires à rémunération peu élevée. Un délai de deux ans est alloué aux employeurs qui dépassent actuellement ce taux pour s’y conformer (en 2013, 31 000 travailleurs au salaire minimum ont été embauchés au moyen de ce programme, avec l’adoption de ces diverses modifications, le gouvernement fédéral souhaite réduire ce nombre de moitié d’ici trois ans[5]).

    La durée d’une ÉIMTsera également réduite de deux ans à un an pour les travailleurs étrangers temporaires occupant des emplois à rémunération peu élevée. Dans le même sens, la période cumulative pendant laquelle les travailleurs étrangers temporaires occupant des emplois à rémunération peu élevée auront le droit de rester au Canada sera réduite.

    De plus, dans les régions où le taux de chômage dépasse la moyenne nationale (6 %), il sera interdit d’embaucher des travailleurs étrangers temporaires pour pourvoir à des postes à faible rémunération.

    Finalement, les employeurs qui veulent embaucher des travailleurs étrangers temporaires pour des postes à rémunération élevée devront dorénavant présenter des plans de transition afin d’établir les moyens qui seront mis de l’avant pour recruter des Canadiens, notamment au moyen de la bonification des salaires, de formations et d’activités de recrutement accrues à l’intérieur du Canada.
     
  2. Améliorer la communication de l’information sur le marché du travail

    Le gouvernement a mis en place un nouveau service de jumelage emploi-travailleur afin que les Canadiens puissent postuler directement à des emplois correspondant à leurs compétences et à leur expérience. Ce service fournira aussi aux agents qui étudient les demandes d’ÉIMT des renseignements quant au nombre de Canadiens qualifiés ayant déposé leur candidature à un poste précis.

    Statistique Canada a également reçu du financement afin d’effectuer deux études sur le marché de l’emploi au Canada. La première enquête vise les postes vacants et la seconde, les salaires. Dans la même veine, le gouvernement souhaite une meilleure utilisation des données existantes.
     
  3. Appliquer des sanctions plus sévères

    Le gouvernement fédéral investit pour augmenter le nombre et la portée des inspections et octroie de nouvelles ressources financières à l’Agence des services frontaliers du Canada pour accroître les enquêtes criminelles. Ces organismes de surveillance et les ministères impliqués seront appelés à mettre en commun les renseignements obtenus afin d’améliorer la surveillance du programme.

    En ce qui a trait aux inspections, le gouvernement désire qu’une entreprise sur quatre qui engage des travailleurs étrangers temporaires soit inspectée par des agents du programme annuellement. Les inspecteurs auront aussi plus d’exigences à examiner lors de leurs contrôles.

    Les modifications visent également l’élargissement de la ligne d’information confidentielle du PTÉT et la mise en place d’un nouveau site Web consacré aux plaintes. Il y aura également une liste noire publique des employeurs qui ont été suspendus, qui font l’objet d’une enquête ou qui ont contrevenu aux règles du programme. Des amendes considérables allant jusqu’à 100 000 $ ont été votées pour condamner ces transgressions.

OBLIGATIONS

Engager un étranger sans autorisation
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[6] interdit à toute personne d’engager un étranger qui n’est pas autorisé à occuper un emploi au Canada. Au surplus, l’employeur doit prendre les mesures voulues pour connaître la situation de ce travailleur étranger. Ainsi, l’employeur doit poser des questions et doit se renseigner. À défaut, l’employeur sera réputé savoir que cette personne n’était pas autorisée à occuper l’emploi. Ainsi, avant d’embaucher un travailleur étranger, l’employeur devra s’assurer qu’il a obtenu l’autorisation requise.

Fausses représentations
La Loi interdit à toute personne, notamment à un employeur, de communiquer, directement ou indirectement, des renseignements faux ou trompeurs ou encore de faire des représentations ou des déclarations erronées qui pourraient entraîner une erreur dans l’application de la Loi. Par conséquent, il est important que les déclarations et les documents émanant de l’employeur soient conformes et véridiques, y compris une offre d’emploi, un formulaire ou toute communication échangée avec les agents du Ministère.

Respect des conditions d’emplois
Lors de l’embauche d’un travailleur étranger temporaire, l’employeur offre des conditions de travail précises. Il devra les respecter tout comme pour un travailleur canadien. Par contre, dans le cas d’un travailleur étranger temporaire, toute modification devra être déclarée, même une augmentation salariale annuelle ou encore toute modification du nombre d’heures de travail. Au surplus, les agents du Ministère pourront exiger que l’employeur fournisse la preuve qu’il a offert « essentiellement » les mêmes conditions qu’initialement offertes au travailleur étranger temporaire, et ce, pour toute embauche de travailleur étranger temporaire survenue au cours des six années précédentes.

CONSÉQUENCES D’UN NON-RESPECT

Les conséquences du non-respect des obligations de l’employeur sont sérieuses. En plus des sanctions mentionnées ci-dessus, l’employeur pourra se voir interdire d’embaucher des travailleurs étrangers temporaires durant une période de 2 ans suivant l’infraction.

Par ailleurs, selon l’infraction commise, les entreprises, administrateurs et dirigeants pourraient même être condamnés à une amende maximale allant jusqu’à 100 000 $ et à un emprisonnement maximal allant jusqu’à 5 ans.

CONCLUSION

Avant, pendant et même après l’embauche d’un travailleur étranger temporaire, mieux vaut se renseigner sur les démarches à entreprendre, les obligations qui y sont rattachées et les conséquences en cas de non-respect de ces obligations. Comme vous pouvez le constater, les impacts pourraient être significatifs pour vous et votre entreprise.

Source : VigieRT, octobre 2014.


1 Communiqué de presse du 20 juin 2014, Ottawa (Ontario) – Emploi et Développement social Canada.
2 www.ledevoir.com/politique/canada/413195/travailleurs-etrangers-ottawa-impose-sa-reforme-aux-provinces
3 argent.canoe.ca/nouvelles/canada/travailleurs-etrangers-temporaires-la-reforme-inquiete-20062014
4 Communiqué de presse du 20 juin 2014, Ottawa (Ontario) – Emploi et Développement social Canada.
5 ici.radio-canada.ca/nouvelles/politique/2014/06/20/001-reforme-programme-travailleurs-etrangers-temporaires.shtml
6 (L.C. 2001, ch. 27).

Jacques Rousse, CRIA et Stéphane Duval