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La négociation dérape… Comment rétablir de saines relations du travail?

Alain Plamondon*, CRIA, est directeur des relations du travail et négociateur patronal. Les négociations en vue du renouvellement de la convention collective sont ardues. Le négociateur syndical vient de déposer une contre-proposition sur les clauses financières, disant qu’il envisage de faire appel à un arbitre de différends si cette proposition n’était pas acceptée. L’employeur demande à Alain d’invoquer faussement la perte d’un contrat lucratif pour demander des concessions supplémentaires au syndicat. Il lui demande également de préparer un communiqué rendant le syndicat responsable de la rupture des négociations, si ce dernier exigeait l’intervention d’un arbitre. Alain est mal à l’aise face à cette stratégie, que peut-il faire?
*nom fictif

15 décembre 2010
Karine Pelletier, CRHA, et Myrrha Dubé, CRIA

L’éclairage déontologique – Pour établir et maintenir un climat propice à la négociation…


Par Karine Pelletier, CRHA, coordonnatrice, recherches, ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Alain a bien raison de se questionner sur le bien-fondé de la nouvelle stratégie de son employeur car, suivant son Code de déontologie, il doit s’abstenir d’exercer sa profession dans des conditions susceptibles de compromettre la dignité de la profession. Or, le fait pour un CRHA ou un CRIA de faire une déclaration qu’il sait être fausse constitue un acte dérogatoire à la profession.

Plus encore, un membre de l’Ordre ne doit pas abuser de la confiance de quiconque en relation avec lui dans l’exercice de sa profession, ni l’induire volontairement en erreur, surprendre sa bonne foi ou utiliser des procédés déloyaux. Même s’il peut se donner une marge de manœuvre dans la négociation, Alain ne peut donc pas mentir ou présenter des documents ou des faits mensongers.

Que peut faire Alain? Il doit exercer son expertise en avisant son employeur des risques qu’il encourt en maintenant sa position, notamment la perte du climat de confiance entre les membres du comité de négociation si cela venait à se savoir. Ultimement, Alain pourrait mettre fin à son intervention. En effet, s’il effectuait une tâche contraire à sa conscience professionnelle ou aux principes régissant l’exercice de sa profession, son indépendance professionnelle pourrait être mise en doute, ce qui est un motif prévu au Code de déontologie pour mettre fin unilatéralement à un mandat.

Quant au communiqué demandé par son employeur dans le cas où l’intervention d’un arbitre est demandée, Alain doit là aussi faire preuve d’une grande prudence. En effet, son Code de déontologie lui impose de ne pas, directement ou indirectement, commenter publiquement, de quelque manière que ce soit, une affaire pendante devant une commission d’enquête, un organisme ou un tribunal et dans laquelle il est impliqué. Encore une fois, s’il fait valoir à son employeur l’impact négatif d’un tel message, il y a fort à parier que celui-ci suivra ses bons conseils! À titre de négociateur, Alain doit chercher à établir et à maintenir un climat propice à la négociation en veillant à préserver de bonnes relations entre les parties malgré les différends qui peuvent les opposer.

À retenir
  • Le CRHA ou CRIA doit s’abstenir d’exercer sa profession dans des conditions ou des états susceptibles de compromettre la dignité de la profession [art. 5].
  • Le fait pour un CRHA ou CRIA de produire une déclaration ou un rapport qu’il sait être faux est considéré comme dérogatoire à la profession [art. 50 (5°)].
  • Le CRHA ou CRIA ne doit pas, directement ou indirectement, commenter publiquement, de quelque manière que ce soit, une affaire pendante devant une commission d’enquête, un organisme ou un tribunal et dans laquelle il est impliqué [art. 11].
  • Pour sauvegarder son indépendance professionnelle, le CRHA ou CRIA doit éviter d’accomplir une tâche contraire à sa conscience professionnelle ou aux principes régissant l’exercice de sa profession [art. 19].

 

La déontologie en action – Une question de crédibilité…
Par Myrrha Dubé, CRIA, conseillère, relations de travail, Aéroports de Montréal

La confiance est à la base de toute relation humaine. Que l’on se trouve en situation familiale, amicale ou de travail, il ne faut jamais sous-estimer les impacts de sa crédibilité à l’égard de ses vis-à-vis. À titre de professionnel des relations du travail, il faut être en mesure de manœuvrer dans des contextes qui peuvent s’avérer conflictuels et c’est alors qu’il faut mettre en pratique ses connaissances et son expertise afin de mener à bien ses objectifs, en toute légitimité.

Le rôle d’Alain, dans ses fonctions de négociateur et de spécialiste des relations du travail, doit l’amener à calculer et à analyser l’impact de ses paroles et de ses actions dans son milieu de travail. En acceptant d’invoquer de faux prétextes afin d’arriver à ses fins, il ira à l’encontre des principes de sa profession et il nuira également, de façon souvent irréversible, à ses relations professionnelles. Bien évidemment, son image sera ternie non seulement aux yeux du syndicat, mais également à ceux de son présent employeur et de son futur employeur ainsi qu’à ceux des personnes susceptibles d’être impliquées de près ou de loin dans cette situation. Cela aura comme conséquence de miner sa crédibilité et sa réputation à titre de professionnel des relations du travail.

La négociation collective est un processus d’échanges et de discussions entre deux parties ayant pour but la conclusion d’une entente mutuellement acceptée. À cet égard, c’est par la pertinence de ses propos, la qualité de ses arguments et son pouvoir de persuasion que le professionnel réussit à réaliser son mandat. La convention est l’élément principal qui régit les relations du travail. Si, malheureusement, elle se conclut de façon malhonnête, c’est sur cette note indélébile que se poursuivront les relations.

La fonction de spécialiste des relations du travail comporte également la tâche de conseiller ses collègues de travail de même que son employeur relativement à son domaine d’expertise. À cet effet, Alain doit expliquer les raisons qui le motivent à ne pas agir comme on lui demande de le faire; il doit aussi trouver des pistes de solution qui pourraient favoriser un règlement correspondant au mandat qui lui a été initialement confié, sans affecter la qualité des relations du travail actuelles et futures.

Le domaine des relations du travail permet à Alain d’utiliser ses connaissances, son imagination et sa créativité afin de trouver les solutions à des situations problématiques, il doit donc savoir les utiliser honnêtement, car sa crédibilité en dépend.


Pour aller plus loin... Des lectures en lien avec cette chronique, les extraits pertinents du Code de déontologie et divers compléments d'information se trouvent dans le portail de l'Ordre [www.portailrh.org/dpo].

Source : Effectif, volume 13, numéro 5, novembre/décembre 2010.


Karine Pelletier, CRHA, et Myrrha Dubé, CRIA