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L'absentéisme au travail, les droits de l'employeur

Voici un problème auquel se heurtent trop souvent certains employeurs. Un employé rentre en retard le matin. Il quitte le travail avant la fin de son quart de travail. D'autres jours, il ne rentre pas du tout, prétextant un mal de ventre. Coïncidence, il est toujours malade un jour avant ou un jour après (parfois les deux) un long congé de fin de semaine. De l'autre côté, quoi de plus stressant qu'un patron qui fouine dans les moindres détails de notre vie parce que nous nous sommes absentés une matinée pour aller chez le médecin? Il gueule, il rage, il nous menace, bref il nous cause un ulcère. Quels sont les droits de l'employeur et de son salarié dans les cas d'absentéisme?

24 septembre 2006
Patrice Desbiens

Il est vrai que l'employeur a le droit à une prestation régulière de travail. Ce droit est cependant limité par le droit du salarié à sa vie privée, nous rappelait

Me Chantal Lamarche, lors d'une conférence sur le droit de gérance de l'employeur dans le contexte de l'absentéisme.

Surveillance du salarié absent

Selon la jurisprudence récente, la surveillance, même à l'extérieur du milieu de travail, est une atteinte apparente au droit à la vie privée. Même si on est dans un endroit public, on a quand même droit au respect de notre vie privée. De plus, même s'il y a un lien de subordination entre l'employeur et le salarié, ça ne veut pas nécessairement dire qu'il y a, de la part de l'employé, renonciation au droit à la vie privée.

Cependant, si l'employeur a de bonnes raisons d'effectuer une surveillance, la preuve vidéo sera admissible en preuve contre l'employé devant les tribunaux. Avoir de bonnes raisons, ça veut dire que l'employeur a essayé d'autres moyens pour obtenir de l'information, par exemple, une rencontre avec l'employé, un examen médical supplémentaire, mais que ces moyens n'ont pas fonctionné.

Avant de pouvoir surveiller un employé absent, il faut avoir un doute sérieux sur son incapacité. La délation, par exemple, est susceptible de fournir un doute sérieux. Des déclarations incompatibles entre deux médecins. La surveillance ne doit pas être une décision purement arbitraire, comme le mentionne Me Lamarche : « Il y a des décisions dans la jurisprudence où le décideur juge que l'employeur a violé le droit de l'employé à la vie privée parce qu'il a décidé comme ça, sur un feeling, qu'on devrait peut-être surveiller l'employé. »

La surveillance doit également être effectuée de la façon la moins intrusive possible. Elle doit se faire dans des lieux publics et non privés. La surveillance doit être limitée dans le temps. Pas question de surveiller quelqu'un sept jours sur sept, 24 heures sur 24!

Certificat médical

Un employeur peut exiger un certificat médical. Un certificat peut aider l'employeur à savoir si le salarié va revenir rapidement au travail, ce qui va lui permettre de déterminer si un remplaçant est nécessaire. Question plus délicate, le certificat aidera l'employeur à déterminer s'il doit garder l'employé. Mais, encore une fois, affirme Me Lamarche, « le droit de l'employeur doit être juxtaposé au droit à la vie privée de l'employé. Lorsqu'il s'agit d'une absence de très courte durée, à moins de circonstances spéciales, les tribunaux sont généralement moins enclins à reconnaître le droit de l'employeur d'obtenir la preuve d'un certificat médical. Lorsque l'absence est plus longue, les tribunaux considèrent qu'il est raisonnable pour l'employeur d'obtenir un certificat médical afin de pouvoir mieux gérer son entreprise ».

Quant au contenu du certificat médical, il peut comprendre le diagnostic, la capacité de l'employé à accomplir le travail ainsi que la durée de l'absence. Encore une fois, l'objectif est de permettre à l'employeur de mieux s'organiser. L'employeur peut même obtenir une contre-expertise. Cependant, en cas de litige devant les tribunaux, le médecin traitant sera généralement préféré puisque c'est celui qui connaît le mieux le salarié.

Mesures disciplinaires et non disciplinaires

Ici, il faut faire une distinction entre l'absentéisme fautif et l'absentéisme non fautif, affirme Me Lamarche : « L'absentéisme fautif est celui qui est non autorisé, sans excuse valable, et sous de faux motifs. L'absentéisme non fautif, quant à lui, comprend les absences pour maladies professionnelles ou celles qui résultent d'accidents de travail », ou de situations qui sont hors du contrôle de l'employé. La distinction est importante puisque la mesure que l'employeur va pouvoir prendre est différente, qu'il s'agisse d'un absentéisme fautif ou non fautif. Dans le cas d'absentéisme fautif, ce sont des mesures disciplinaires qui vont viser à sanctionner le salarié et corriger la situation. Le principe de la gradation des sanctions, par exemple, qui trouve application dans le cadre de mesures disciplinaires, ne pourrait trouver aussi application dans le cas de mesures administratives. En effet, le principe de la gradation des sanctions ayant un but purement punitif et dissuasif, on voit mal comment on pourrait punir un employé qui n'est pas fautif. En cas d'absentéisme non fautif, l'employeur pourra prendre des mesures dites administratives, pouvant mener au congédiement. Cependant, avant de prendre cette mesure extrême, l'employeur devra aviser l'employé qu'il a un taux trop élevé d'absentéisme. Ensuite, si la situation ne change pas et que l'employeur n'a aucune raison de croire que l'employé pourra revenir au travail dans un avenir rapproché, il pourra le congédier. L'obligation d'accommodement Il y a une obligation d'accommodement lorsque le salarié est handicapé. Fait étonnant, la maladie, l'alcoolisme, ainsi que la dépendance à la drogue sont considérés comme des handicaps par les tribunaux. Cependant, l'obligation d'accommodement s'arrête où la contrainte excessive débute. En effet, si l'employeur démontre qu'un certain accommodement constitue une contrainte excessive pour son entreprise, il n'aura aucune obligation d'accommodement.

Me Lamarche fournit quelques exemples de contrainte excessive retenus par les tribunaux. Le coût de l'accommodement en est un. Il ne serait en effet pas logique d'imposer des coûts exorbitants à une entreprise afin qu'elle puisse accommoder un employé. Le moral du personnel en est un autre : « Il y a une décision où l'arbitre a décidé que l'employeur n'avait pas jusqu'à permettre au salarié qui avait une certaine incapacité de ne faire que les fonctions les plus faciles de sa tâche et de laisser à ses collègues les fonctions les plus difficiles. » Ce qu'il faut retenir de tout ça, c'est que les droits de l'employeur sont limités par ceux de l'employé, et vice-versa. Il importe donc qu'employeur et employé mettent un peu d'eau dans leur vin afin d'éviter conflits et litiges. Après tout, un climat de travail sain est garant d'une bonne santé.

Patrice Desbiens, LL.M., avocat au cabinet Silver, Sandiford

Source : VigieRT, numéro 1, septembre 2005.


Patrice Desbiens