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La convocation des parties et des témoins

La convocation des parties et des témoins dans le cadre d’une enquête interne en matière de harcèlement ou de violence au travail : comment la faire et quoi leur dire?

20 septembre 2011
Isabelle Cantin, CRHA

Il arrive que les personnes chargées de convoquer les parties et les témoins dans le cadre d’une enquête interne en matière de harcèlement ou de violence au travail s’acquittent de cette responsabilité en communiquant avec elles par téléphone.

Cette façon de faire, surtout privilégiée pour réduire les délais, présente certains inconvénients puisque de telles convocations provoquent souvent un effet de surprise et de méfiance et que les personnes ne retiennent pas toujours tout ce qui leur a été dit. De plus, certaines d’entre elles s’inquiètent et, pour se rassurer, en parlent avec des collègues. Comme vous l’aurez deviné, ceci peut compromettre la confidentialité de la démarche voire même entraîner toutes sortes de rumeurs.

L’idéal est de rencontrer individuellement les personnes dont la présence est requise dans le cadre d’une enquête, leur expliquer pourquoi elles sont convoquées, qui sont les parties impliquées et comment se déroulera le processus. Habituellement, l’enquêteur entreprend l’enquête en rencontrant la partie plaignante, puis la partie mise en cause et par la suite, les témoins. Il recueille les déclarations de chacune des personnes rencontrées. Ces déclarations sont relues, signées et datées et il offre à chaque déclarant une copie de sa déclaration. Par prudence, chacune des pages des déclarations devrait comporter les initiales du déclarant et de l’enquêteur. Dans l’hypothèse où un déclarant refuserait de signer, il est recommandé de savoir pourquoi et de consigner les informations et le refus dans sa déclaration. Si les parties sont accompagnées, l’enquêteur demande à chacun des accompagnateurs de signer un engagement de confidentialité.

Ceci pourra également, le cas échéant, être l’occasion de répondre à leurs questions puis de leur remettre une confirmation écrite contenant notamment l’endroit, l’heure et la durée approximative de leur entrevue (normalement, l’entrevue avec l’enquêteur dure trois heures avec chacune des parties et entre une et deux heures avec chacun des témoins). En ce qui concerne les questions, celles de savoir qui aura accès aux déclarations et au rapport d’enquête sont sans aucun doute les plus fréquentes. Les déclarants ont accès à leur déclaration seulement, et les versions originales de même que le rapport d’enquête sont normalement remis à la personne-ressource désignée. Il se peut qu’à son tour cette personne-ressource partage les renseignements, mais cela devrait être limité aux personnes pour qui il est nécessaire d’en prendre connaissance.

Il est aussi important que les personnes ainsi convoquées sachent qui elles rencontreront (nom de l’enquêteur et quelques mots à son sujet) et, s’il s’agit des parties intéressées (partie plaignante et partie mise en cause par opposition à un témoin), qu’il leur soit offert la possibilité d’être accompagnées par un observateur de leur choix (autre qu’un témoin). Quant au choix de l’enquêteur, c’est habituellement une prérogative de l’organisation. Certaines entreprises sont néanmoins à l’écoute des personnes impliquées et pourraient, selon les motifs invoqués, choisir un autre enquêteur si l’une ou l’autre des parties n’est pas à l’aise. Dans tous les cas, l’enquêteur désigné doit avoir de l’expérience et être impartial, objectif et disponible. Il est utile pour les organisations, dans un tel contexte, d’avoir une banque de noms. Pour ne donner qu’un exemple, dans un cas de harcèlement sexuel entre une femme et un homme, une partie plaignante (de sexe féminin) pourrait manifester le désir de parler à une enquêteuse. Selon l’évaluation d’une telle demande, une organisation pourrait bien décider d’y faire droit ou encore, comme cela s’est déjà fait, décider de nommer deux enquêteurs, un homme et une femme.

Dans tous les cas, la personne-ressource devrait prendre le temps d’expliquer (et ceci devrait être reflété dans l’écrit) quelles sont les attentes de l’organisation par rapport à la confidentialité, sous réserve du droit des parties de consulter un conseiller de leur choix. Une copie de la politique applicable devrait aussi être remise à chacune des personnes convoquées.

La partie mise en cause devrait en outre, si les allégations sont définies, en recevoir une copie pour qu’elle puisse commencer à se préparer. Il est néanmoins tout à fait acceptable de dire à la partie mise en cause, lors de sa convocation, que les allégations (ou la substance des allégations) lui seront transmises dès que la partie plaignante aura été rencontrée.

Il devrait être dit aux personnes directement impliquées qu’elles auront la possibilité de faire valoir leur point de vue lors de leur rencontre avec l’enquêteur dont le mandat est de recueillir tous les renseignements nécessaires afin de pouvoir comprendre ce qui s’est passé, dresser un portrait global de la situation, analyser le tout et tirer des conclusions. S’il est demandé à l’enquêteur de faire des recommandations, cela devrait également être mentionné.

En ce qui a trait aux témoins, ils devraient de plus être informés que leur convocation a pour but de recevoir leur déclaration par rapport à ce qu’ils ont possiblement vu ou entendu ou par rapport à ce qui leur aurait été confié par l’une ou l’autre des parties, selon les circonstances. Dans tous les cas, on explique aux témoins que l’enquêteur souhaite les rencontrer non pas pour qu’ils prennent position, mais simplement pour l’éclairer dans sa collecte de renseignements et que les réponses données aux questions posées par l’enquêteur doivent être fournies en toute honnêteté, étant entendu qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses : seule la vérité compte. En ce qui concerne les questions posées par l’enquêteur, advenant qu’un témoin ne veuille pas répondre à une question, il est recommandé de savoir pourquoi et de consigner les raisons et le refus dans sa déclaration.

Une fois le rapport d’enquête remis à la personne-ressource, cette dernière devrait faire un suivi auprès des parties et les informer des conclusions. Encore une fois, l’idéal serait de confirmer ceci par écrit à la suite d’une rencontre individuelle avec les parties, chacune étant accompagnée par son observateur, si désiré. Quant aux témoins, ils ne sont ni rencontrés ni informés des conclusions. Dans certaines organisations toutefois, une brève lettre leur est envoyée pour les remercier de leur participation à l’enquête et leur rappeler leur engagement de confidentialité. Il se peut néanmoins que des suivis ponctuels soient nécessaires, par exemple lorsqu’un témoin a, dans le cadre de sa participation à une enquête, fait état de malaises qui lui sont personnels.

En terminant, mentionnons que toutes les personnes rencontrées devraient, à un moment donné, se faire dire que l’organisation compte sur leur coopération et qu’elles peuvent s’adresser à une telle personne-ressource désignée si elles ont des préoccupations particulières, notamment dans une hypothèse où elles auraient un sentiment de subir des représailles en raison de leur participation au processus d’enquête. Dans ce contexte, il est recommandé que les politiques traitent de cette question. Généralement, on y retrouve une disposition prévoyant que ne seront pas tolérées les représailles à l’endroit de toute personne ayant, de bonne foi, utilisé la politique ou participé au traitement d’une plainte ou à une enquête.

Note à propos de l’auteur :
Avocate spécialisée en matière d’enquêtes internes (harcèlement et violence au travail). Elle est également médiatrice accréditée. Elle a écrit avec Jean-Maurice Cantin, c.r. : Politiques en matière de harcèlement au travail et réflexions sur le harcèlement psychologique, 2e édition, Yvon Blais, 2006, La dénonciation d’actes répréhensibles en milieu de travail ou whistleblowing, Éditions Yvon Blais, 2005, ainsi qu’un article intitulé Workplace Violence and Harassment in Ontario: What to expect from Bill 168 and how to cope with the new legislation, publié par Thomson Reuters dans le recueil de M. le juge John R. Sproat, Employment Law Manual, avril 2010.

Source : VigieRT, septembre 2011.


Isabelle Cantin, CRHA