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Facturer ou non?

Un consultant fait une recherche, pour le compte d'un client, en vue de trouver une série de candidats possédant un certain profil. Il facture ses services à ce client en tenant compte des frais engagés et du temps consacré à cette recherche. La semaine suivante, une autre entreprise confie pratiquement le même mandat à notre consultant, si bien qu'il n'a qu'à lui fournir la liste de candidats déjà établie pour le client précédent. Sur le plan des honoraires, il hésite... Devrait-il exiger les mêmes honoraires, même s'il n'a consacré que peu de temps à ce second mandat quasi identique au premier ? Après tout, son client ne sait pas que la recherche était déjà faite... et il ne peut exiger des honoraires dérisoires pour un travail qui en vaut beaucoup plus. Dilemme...

12 mai 2003
Germaine Dandois, CRHA et Maurice Marcotte, CRIA

Facturer, oui… selon le travail accompli !

Les honoraires de consultation professionnelle varient d'un bureau à l'autre et selon la nature du mandat. Dans l'ensemble, ils sont basés sur l'expertise, la notoriété, la rareté des compétences recherchées, la célérité dans l'exécution du mandat ainsi que sur des données comparatives et concurrentielles. Nous n'avons pas assez de données pour déterminer dans quel contexte ce placement est fait.

Il serait tout à fait exceptionnel que les deux entreprises en question aient exactement la même structure et le même style de gestion. Tout aussi exceptionnel que le consultant se contente uniquement de fournir la même liste de candidats non sélectionnés lors du premier mandat, sans consulter à la fois la nouvelle description de tâches, le style de gestion, l'organigramme de l'entreprise; sans revoir et réévaluer les candidats et s'assurer qu'ils se qualifient pour l'autre poste. On présume également que le consultant n'entre pas en conflit d'intérêts avec son premier client en acceptant le deuxième mandat.

Le consultant peut, s'il appartient à une firme hautement recommandée pour son expertise, sa notoriété et la célérité dans l'exécution, faire une offre de service au montant forfaitaire égal à la facture précédente tout en précisant ses honoraires et le temps qu'il y a consacré sur sa facture. Je doute qu'il se soit contenté de fournir la liste sans avoir rencontré de nouveau ses candidats disponibles pour leur proposer le nouveau poste dans un nouveau contexte. Effectivement, il se peut que, bien que le profil soit le même, l'expérience de l'un d'eux soit tout à fait adéquate pour la deuxième entreprise.

Il se pourrait également que le consultant mentionne qu'il vient de remplir un mandat de même nature requérant le même profil. Son client lui propose tout simplement de rencontrer les candidats non sélectionnés lors du premier mandat, après avoir eu l'autorisation de ces derniers de présenter leur candidature. L'un d'eux obtient le poste. Il prépare l'offre de service avec des honoraires réduits compte tenu qu'il n'y aura pas consacré énormément de temps. C'est laissé à son pouvoir discrétionnaire. Ce n'est pas non plus une situation enviable pour le client qui a dû lui-même faire le travail de sélection. Mais c'était le choix du client.

Voyons maintenant la situation différemment. Notre consultant avait sélectionné lors du premier mandat trois bons candidats correspondant au profil recherché. Il en a placé un. Il aurait donc seulement deux bons candidats à présenter. Si le client désire une liste de trois candidats, il devra en rechercher un troisième. Il se peut qu'il prenne plus de temps à trouver un autre bon candidat prêt à accepter l'offre et que finalement il consacre autant d'heures, sinon plus, à la recherche. Il proposera un montant forfaitaire égal au premier mandat. Il précisera sur sa facture ses honoraires et le temps consacré au mandat. S'il a consacré plus de temps au mandat, il devra renégocier le montant de ses honoraires avec son client avant de facturer.
Dans certains cas, pour différentes raisons, les honoraires pourraient être les mêmes que pour le mandat précédent ou réduits.

Germaine Dandois, CRHA est présidente chez Le Groupe Dandois inc.

Facturer selon l'entente conclue…

Il est courant pour une firme de consultants en gestion des ressources humaines de se voir confier des mandats de recrutement et de sélection. Ce type de mandat comporte plusieurs étapes qui constituent autant de travaux pour la firme. En général, le consultant responsable du dossier rencontre son client, identifie son besoin et planifie avec lui les étapes du mandat et son échéancier.

Puis, outre la recherche documentaire, il veille à la description du rôle et des responsabilités, puis à la rédaction de la publicité du poste avant de mettre en branle le processus complet.

La facture émise par la firme de consultant comporte plusieurs éléments basés sur le travail requis, les communications, rencontres, déplacements, frais de secrétariat et de recherche, coût des tests, location des salles, matériel, etc.

Dans le cas où la firme de consultants se voit attribuer deux mandats similaires dans un délai rapproché, il peut s'avérer que la banque de candidats récemment constituée pour le premier client puisse servir à une nouvelle sélection pour le second client. Le consultant, professionnel de la gestion des ressources humaines, est-il fondé de facturer des honoraires équivalents à ceux qu'il vient de facturer au premier client pour un travail qui a nécessité un moindre effort ?

Pour avoir fait face à ce type de dilemme par le passé, je réponds que non.

L'éthique professionnelle repose sur la bonne foi, sur l'intégrité et sur les principes de saine gestion des affaires.

Un mandat de recrutement et de sélection de personnel négocié sur une base forfaitaire comporte des risques pour la firme de consultants. Le niveau de risque est évalué à partir de plusieurs facteurs, entre autres :

  • l'expérience de la firme;
  • le degré de difficulté du mandat;
  • l'échéancier;
  • les garanties offertes pour le candidat retenu;
  • la situation du marché de l'emploi.

Naturellement, le niveau du risque peut fluctuer grandement d'un mandat à un autre.
Les coûts, eux, sont établis sur la base de plusieurs éléments, comme :

  • les frais de gestion;
  • les coûts de main-d'œuvre;
  • les dépenses engagées;
  • les déplacements.

Ces coûts se mesurent assez précisément et ils varient grandement d'un mandat à l'autre.

Évidemment, si la firme de consultants a conclu un mandat basé sur le travail à effectuer sans considération du facteur de risque, le client se verra facturer la valeur réelle des travaux sur la base d'un tarif horaire convenu à l'avance.

Ainsi, pour ma part, je préconise de toujours respecter l'entente conclue avec le client. Aucun client n'est tout à fait comparable à un autre. Les besoins, le contexte organisationnel et les conditions peuvent être passablement différents et influencer le résultat du mandat.

D'autre part, je crois qu'il est important de respecter les individus qui ont répondu à l'appel et qui ont été considérés pour le premier client. Quand nous contactons les candidats non retenus pour un client donné, nous demandons toujours leur autorisation avant de conserver leur demande d'emploi et de la considérer pour une autre offre.

Nous ne tenons jamais pour acquis qu'une personne ayant répondu à un concours d'emploi donné souhaite automatiquement être en lice pour un poste similaire dans une autre entreprise. Lorsqu'il m'arrive de puiser dans la banque de candidats de notre bureau, je m'empresse de contacter la personne afin de vérifier son intérêt pour un poste différent ou bien pour un poste similaire dans une entreprise différente.

L'éthique professionnelle commande de se doter de règles de gestion justes et équitables pour le client comme pour la firme de consultants.

Dans le cas présent, je crois :

  • qu'il ne faut pas soumettre une liste de candidats déjà établie pour un client à un deuxième client;
  • qu‘il faut faire le travail exigé par le deuxième mandat avec rigueur, même si on puise des candidatures dans une banque déjà constituée;
  • qu'il faut rédiger une facture qui tiendra compte du travail réellement effectué pour le deuxième client ainsi que le niveau du risque encouru.

Maurice Marcotte, CRIA est consultant en gestion des ressources humaines chez Groupe F.O.R.U.M. Group.

Source : Effectif, volume 6, numéro 2, avril / mai 2003


Germaine Dandois, CRHA et Maurice Marcotte, CRIA