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Dépistage des risques psychosociaux au travail : une démarche concrète et rigoureuse

Découvrez comment l'Institut national de santé publique du Québec a pris les devants en développant une formation[1] sur l’identification des risques psychosociaux au travail (RPS) menant à une attestation officielle.
30 avril 2024
Marie-Michèle Dugas, MBA, CRHA, Médiatrice accréditée

Relu et validé par Nathalie Jauvin, conseillère scientifique spécialisée de l'équipe de prévention des risques psychosociaux du travail et de promotion de la santé des travailleurs (équipe RPS) de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Intervention en risques psychosociaux au travail : une zone floue

Depuis la mise en vigueur de la Loi 27 en octobre 2021, la définition de chacun des RPS et les répercussions de ceux-ci sur la santé globale des personnes et des organisations sont davantage abordées par les spécialistes.

Cependant, bien qu’il soit essentiel et maintenant obligatoire d’adopter des mesures pour dépister et prévenir les RPS afin de protéger la santé et le bien-être des talents, des questions demeurent quant à la méthodologie pour les dépister et quant aux mesures et gestes concrets pour intervenir à la source.

Comment amener la direction à s’engager dans une démarche de dépistage? Quelles sont les étapes concrètes à suivre? Une fois les risques dépistés, quel RPS doit-on prioriser? Quels sont les exemples de mesures mis en pratique pour chaque RPS?

Une formation solide développée par l’INSPQ

Avec l’objectif d’améliorer la santé dans les milieux de travail, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a développé il y a quelques années une formation menant à une attestation pour mieux comprendre, dépister et évaluer certains des RPS.

L'achèvement des lectures et activités pédagogiques ainsi que la réussite de la formation d’une durée approximative de 12 heures et de deux évaluations sommatives sont obligatoires pour obtenir l’attestation.

La personne ayant obtenu l’attestation peut utiliser la méthodologie de l’INSPQ développée sur de solides assises scientifiques, notamment Gollac[2], Karasek et Theorell[3], Siegrist[4] et Elovainio, Kivimaki et Vahtera[4].

L’accès à une démarche en 6 étapes à l’image d’un audit RPS

On peut comparer la démarche qui accompagne l’attestation de l’INSPQ à « une forme d’audit à l’égard de risques psychosociaux dans un milieu de travail »[6].

Figure 1. Démarche d’identification de risques psychosociaux au travail INSPQ (2016)

Figure 1. Démarche d’identification de risques psychosociaux au travail INSPQ (2016)[7]

À travers six étapes précises, des fiches, outils pratiques, exemples et modèles sont fournis pour guider la personne certifiée dans la démarche et assurer la présence des conditions gagnantes tout en impliquant activement le milieu.

L’évaluation proprement dite des RPS est effectuée via la grille développée par l’INSPQ. Cette grille permet d’évaluer, à l’aide d’entrevues de groupe, 12 indicateurs clés liés aux RPS divisés en deux catégories distinctes :

Bien que l’évaluation doive être conduite de façon globale et systémique, les outils d’entrevue offrent des indices concrets afin de bien déterminer le degré de risque. Par exemple, des objectifs contradictoires, l’absence de moyens pour faire un travail de qualité et le non-remplacement de personnes malades pourraient pointer vers un risque élevé concernant la charge de travail. Alors que des rôles et responsabilités réalisables dans les heures de travail et l’accès à des ressources externes au besoin pour tendre vers un risque bas.

L’importance de la rigueur dans le dépistage des RPS

La méthodologie de l’INSPQ permet non seulement de dépister, recenser et prioriser les RPS, mais elle a également été conçue pour éveiller la curiosité, éduquer le milieu et élever le degré de sensibilisation quant aux RPS.

La formation et l’attestation requises pour utiliser la démarche visent à assurer une bonne compréhension des bases théoriques, préserver l’intégrité des outils et contrôler une utilisation appropriée de ceux-ci.

Conclusion

La démarche d’évaluation des RPS qu’offre l’INSPQ via son attestation est un moyen concret, scientifique et rigoureux pris par le milieu pour améliorer la santé individuelle et organisationnelle, tout en répondant à certaines obligations légales.

Les CRHA | CRIA qui utilisent la méthodologie de l’INSPQ dans l’objectif de répondre aux obligations de la Loi 27 doivent toutefois user de vigilance et s’assurer d’élargir leur analyse, notamment en incluant les aspects suivants :

  • Violence conjugale, familiale ou sexuelle
  • Exposition à des événements potentiellement traumatiques
  • Perception quant à la justice organisationnelle

À cela peut se joindre toute information ayant une incidence sur la santé psychologique du personnel du milieu. Par exemple, une évaluation du climat ou l’analyse de la qualité des relations de travail pourraient également bien s’ajouter au portrait global.

Les recherches scientifiques se poursuivent sur les RPS. Les CRHA | CRIA peuvent s’attendre à ce que de nouveaux risques puissent être reconnus dans les années à venir et que les démarches de dépistage évoluent et se raffinent, incluant la démarche de l’INSPQ.

En emboîtant le pas vers la prévention, la gestion et la vigie des RPS, l’organisation démontre son engagement envers la santé et le bien-être de ses talents, ce qui peut contribuer à améliorer la satisfaction au travail et à créer des milieux de travail sains et performants.


Author
Marie-Michèle Dugas, MBA, CRHA, Médiatrice accréditée Présidente Fika RH

Source : Revue RH, volume 27, numéro 2 ─ AVRIL MAI JUIN 2024

  1. Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail (Gollac, M., Bodier, M. et coll.) (2011). Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser : Rapport du Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail, faisant suite à la demande du Ministre du travail, de l’emploi et de la santé.
  2. Karasek, R.A., Theorell, T. (1990). Healthy work: stress, productivity and the reconstruction of working life. New York: Basic Books.
  3. Siegrist J. (1996). Adverse health effects of High Effort low-Reward Conditions. Journal of occupational health psychology, 1:27-41.
  4. Elovainio, M, Kivimaki, M. et Vahtera, J., (2002). « Organizational Justice: Evidence of a New Psychosocial Predictor of
  5. Health », Am. J. Public Health, 92:105-108.
  6. https://www.inspq.qc.ca/recueil-de-fiches-portant-sur-les-indicateurs-de-la-grille-d-identification-de-risques-psychosociaux-du-travail/fiche-synthese-de-la-demarche-et-des-indicateurs-de-la-grille
  7. IDEM