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De conseillère RH à directrice générale : vers une gestion plus humaine? Entrevue avec Julie Brodeur, CRHA

Julie Brodeur, CRHA, a décidé il y a deux ans de suivre son ambition en devenant directrice générale de l’entreprise Plomberie Goyer. 
30 avril 2024
Dominique Des Rosiers

Le passage d’un poste de conseil en gestion des ressources humaines à celui de direction générale d’une organisation peut générer à la fois un impressionnant vertige et un enthousiasme emballant. Si certaines personnes hésitent à aller de l’avant, d’autres le font allègrement, et se rendent compte chemin faisant que les compétences RH sont toutes indiquées pour relever haut la main cet imposant défi. 

C’est le cas de Julie Brodeur, CRHA, qui a décidé il y a deux ans de suivre son ambition en devenant directrice générale de l’entreprise Plomberie Goyer. Après une quinzaine d’années comme conseillère en gestion des RH autant les secteurs de services professionnels, manufacturiers que communautaires - syndiqués comme non syndiqués - Mme Brodeur s’est sentie suffisamment solide pour faire le saut.

« Ce que je pourrais dire à ceux et celles qui y pensent : faites-vous confiance. Faites confiance aux compétences en ressources humaines, parce qu’elles sont transférables, peu importe la fonction. Être directrice générale est un poste de gestion, de réflexion stratégique. Mais je m’occupe aussi de santé et sécurité au travail, de formation, de relève, de recrutement, des relations de travail, de rémunération, de climat de travail… La majeure partie de la fonction touche aux compétences RH. »

Des défis à la hauteur du nouveau poste

Recrutée pour gérer le changement et l'intégration d’une entreprise croissante et en mode acquisition, Mme Brodeur, qui est diplômée en psychosociologie de la communication à l’UQAM, s’est vue interpellée par le fait de passer d’un rôle de conseil à un rôle de décision. Une belle occasion de se développer. 

Et les défis n’allaient pas manquer. En effet, créée en 1940 et installée à Cowansville, Plomberie Goyer emploie 100 personnes, dont une soixantaine est syndiquée. Le personnel travaille dans plusieurs sphères de la construction : plomberie, chauffage, soudure, etc. 

On comprend qu’un éventail de responsabilités supplémentaires allait s’ouvrir devant la nouvelle DG : « La sécurité du bâtiment, la flotte de camions - on a une trentaine de camions sur la route - ce sont de grosses responsabilités. Il y a aussi la gestion de l’approvisionnement, les prix, les outils. Est-ce qu'on les loue, on les achète? On doit s’assurer d’un service à la clientèle compétent, gérer les assurances civiles, les licences, la politique et la réglementation qui est particulièrement importante dans le milieu de construction » explique Julie Brodeur.

De nouvelles compétences à acquérir

En plus de l’acquisition de ces nouvelles connaissances inhérentes au secteur de la construction, le rôle de directrice générale demande l’acquisition de compétences précises et indispensables afin d’amener le bateau à bon port. Il y a d’abord la littératie financière nécessaire pour prendre des décisions éclairées en matière de gestion de l'argent et de suivi auprès des firmes comptables qui accompagnent l’organisation. Et pour ceci, Mme Brodeur n’a pas hésité à suivre une formation en comptabilité afin notamment de se familiariser avec les états financiers.

Ensuite, il y a les compétences générales en gestion. « Savoir questionner pour faire émerger des solutions. S’assurer que ces solutions sont mises en œuvre, car éventuellement il faut faire arriver les choses. Ne pas hésiter à aller chercher des connaissances générales sur le plan des transports, de la logistique, du droit, du marché; bref, des enjeux qui entourent le monde des affaires » déclare Julie Bordeur. Ces compétences en gestion s’accompagnent aussi de la capacité à déléguer des tâches, à rendre les gens importants et responsables. De faire confiance à leur potentiel, à leur capacité à réaliser des choses.

Enfin, Mme Brodeur souligne l’importance de l’aspect communicationnel, de pouvoir s’exprimer clairement en donnant des directives précises aux personnes employées. « Il y a eu des occasions où j’ai été un peu moins claire et ça paraissait. Les gens restent dans le néant. Ils viennent te voir pour poser des questions et c’est là que j’ai réalisé que j’aurais pu être plus claire, mieux communiquer les instructions », dit-elle en ajoutant que là aussi, elle n’a pas hésité à suivre des formations pertinentes.

Un effet sur la culture de l’organisation

La personne au poste de direction générale doit faire sentir qu’elle est en pleine possession de ses moyens, rassurer son équipe et faire en sorte qu’on accepte de la suivre. Elle doit être affirmative, tout en donnant l’image d’une personne sûre, qui sait où elle va. Cet enjeu revêt une importance considérable en ceci que les paroles, les mots, les gestes de la DG ont une influence résolument plus profonde en raison de l’échelon du poste.

En effet, pour Julie Brodeur, ce sont souvent les propriétaires et gestionnaires qui vont incarner les valeurs de l’organisation et les transmettre à l’équipe, façonnant par ricochet la culture et l’ambiance de travail. Comme conseillère RH, elle a souvent eu à sensibiliser la direction générale des répercussions de son comportement. « Maintenant, c’est à mon tour d’être dans ce rôle! Tout ce que je dis et ce que je fais ne passe pas inaperçu. C’est à moi dorénavant à gérer mes émotions, mon énergie, de mettre ma switch à ON quand j’arrive au travail. Je dois être prévisible dans ma façon d’être pour avoir une incidence positive autour de moi », poursuit-elle.

Le rôle de directrice générale est complexe et demande une grande polyvalence. Pour autant, il importe de conserver l’approche « ressources humaines ». Il faut mettre les gens à contribution, leur expliquer les décisions pour s’assurer de leur adhésion, sans trop les bousculer, mais leur faire sentir qu'elles et ils font partie de la solution.

« Je dirais que, peu importe le poste, juste s'intéresser aux autres. Ça peut faire toute la différence », conclut-elle.


Author
Dominique Des Rosiers Coordonnateur au contenu Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Source : Revue RH, volume 27, numéro 2 ─ AVRIL MAI JUIN 2024