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La sécurisation culturelle en milieu de travail

Certains incidents en milieu de travail soulèvent plusieurs questions sur les préjugés tenaces à l’endroit des populations autochtones. D’où l’importance de connaître ce concept émergent.
8 novembre 2022
Rola Helou, CRHA | Pamela Gabriel-Ferland

L’intégration réussie des employé.e.s autochtones nécessite l’engagement de la haute direction, une formation préalable sur les réalités autochtones, un partenariat avec la communauté locale et la création d’un environnement qui est culturellement sécurisant. La sécurisation culturelle émane du secteur de la santé; elle a été appliquée dans le secteur de l’éducation, et de plus en plus de recherches démontrent sa pertinence en milieu de travail. La sécurisation culturelle nécessite une approche systémique, la participation des personnes concernées, des valeurs et des principes bienveillants et passe par le développement de relations de confiance. Le résultat est un environnement de travail où chacun se sent soutenu et respecté. Qui plus est, pour comprendre le rôle et l'importance de la sécurité culturelle, il faut reconnaître l'évolution et l'état actuel des relations entre les colons et les populations autochtones.

L’histoire de la sécurisation culturelle

La notion de la sécurisation culturelle, développée par une infirmière maorie dans les années 80, est à la base définie comme étant « […] un environnement qui est sécuritaire pour les gens […] » (Williams, 1999, p.2). On lui a attribué différentes définitions depuis sa conception, car c’est une notion en évolution (NAHO, 2006). La théorie s’écarte du concept d’une approche pluriculturelle ou transculturelle, car elle propose une reconnaissance des enjeux de pouvoir pouvant mener à une prestation de service qui n’est pas sécuritaire. Afin de bien comprendre la sécurisation culturelle, il faut bien comprendre les systèmes inéquitables et les politiques coloniales ainsi que nos propres biais face aux personnes défavorisées par ces systèmes.

Une approche systémique

Il est nécessaire de bien comprendre les systèmes qui ont mené aux différences de pouvoir et aux inégalités existantes. Cela nécessite une compréhension des politiques d’assimilation des Premiers Peuples, des pensionnats et des traumatismes vécus dans les institutions créées pour assimiler. De plus, une analyse profonde ainsi qu’une compréhension de ses propres biais de façon honnête et transparente face à ces systèmes et l’incidence de ceux-ci sont nécessaires. La sécurisation culturelle passe par une reconnaissance que tous les savoirs ont une valeur égale.

Existe-t-il encore des systèmes ou des politiques dans l’organisation qui continuent à défavoriser l’embauche et l’intégration des personnes autochtones? Y a-t-il des politiques explicites pour promouvoir l’inclusion et qui intègrent des connaissances et des approches autochtones? Y a-t-il des personnes qui ont des biais qui, sans le savoir, nuisent à l’intégration des personnes autochtones?

La mise en place d’un environnement sécuritaire culturellement nécessite l’adoption de valeurs et d’attitudes qui prônent une relation bienveillante, de même qu’une structure et des politiques qui intègrent des approches autochtones (FNHA, 2021).

Bâtir des relations de confiance

L’organisme First Nations Health Authority (FNHA, 2021) offre plusieurs pistes d’actions concrètes pour l’adoption de valeurs et d’attitudes pour promouvoir la sécurisation culturelle. Il suggère que le tout repose sur l’établissement d’une relation de bienveillance intentionnelle. Cette relation est composée de dignité, d’un respect mutuel et d’un engagement commun.

Cette relation permettra un codéveloppement d’un environnement qui est sécuritaire pour chaque personne qui travaille et interagisse dans cet environnement. Cela peut inclure les employé.e.s, tant autochtones que non-autochtones ainsi que la communauté autochtone locale.

Bien que le travail de décolonisation et de réconciliation ait commencé, il existe encore des facteurs systémiques, sociaux et relationnels qui continuent d'avoir des répercussions sur les relations. Il s'agit d'obstacles présents dans le domaine relationnel et interpersonnel, qui ne sont pas toujours faciles à reconnaître et à nommer. L'infériorité intériorisée, la honte, la méfiance, la supériorité intériorisée, le privilège, la culpabilité et la fragilité blanche sont quelques-unes des barrières relationnelles, et aucune conversation autour de la décolonisation, réconciliation et la sécurité culturelle en milieu de travail ne serait complète sans un espace sécurisé permettant une discussion et une réflexion honnêtes sur la façon dont ces barrières sont présentes. Un environnement de travail culturellement sécurisé doit chercher à aborder et à aider son personnel à naviguer et à surmonter ces problèmes relationnels.

Notre histoire est une histoire partagée; ce n'est pas seulement l'histoire des peuples autochtones, mais aussi celle des Canadiens. C'est à travers cette relation que l'oppression et le génocide se produisent, et c'est en guérissant cette relation et en établissant la confiance que cela cessera. Une relation de confiance est primordiale pour assurer un environnement de travail culturellement sécurisé. (Ferland-Gabriel, 2022)

Évaluation d’un environnement sécuritaire sur le plan culturel en milieu de travail

En tant que CRHA et CRIA, nous pouvons soutenir l’adoption des valeurs et des attitudes bienveillantes et améliorer les politiques et les structures afin de favoriser la création d’un environnement sécurisant. Plusieurs actions concrètes sont recommandées :

  • L’adoption d’une perspective postcoloniale
  • Une communication claire, efficace et transparente qui favorise une organisation apprenante.
  • L’inclusion des personnes autochtones à tous les échelons
  • Le respect pour l’intégrité culturelle et les façons de faire et de penser différentes.
  • La valorisation des savoirs autochtones et la reconnaissance que ce n’est pas un seul savoir ou une seule culture.
  • Une structure et des processus de soutien afin de promouvoir la réussite des personnes autochtones.

Seules les personnes qui sont touchées par les systèmes inéquitables peuvent évaluer si un environnement est sécuritaire pour eux. Il faut inclure ces personnes dans la création des systèmes, des structures et des politiques. Il est d’autant plus important de les inclure dans l’évaluation des actions entreprises. En outre, il faut reconnaître l’autodétermination des peuples autochtones. Les nouveaux systèmes doivent proposer des avenues pour permettre aux peuples de réclamer leur pouvoir et leur juste place dans l’organisation et dans la société.

Références

Aboriginal Insights (2022) 5 Components of Cultural Safety. Blog. https://aboriginalinsights.com.au/5-components-of-cultural-safety/

Ferland-Gabriel, P. (2022) Bâtir des relations de confiance en milieu de travail. Blog. https://www.ssoars.com/blog#/

First Nations Health Authority FNHA (2021. #itstartswithme Cultural Safety and Humility: Key Drivers and Ideas for Change. Virtual Booklet. https://www.fnha.ca/Documents/FNHA-Cultural-Safety-and-Humility-Key-Drivers-and-Ideas-for-Change.pdf

Lepage, P. (2019) Mythes et réalités sur les peuples autochtones. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et l’Institut Tshakapesh, 3e édition. https://cdpdj.qc.ca/storage/app/media/publications/Mythes-Realites.pdf

National Aboriginal Health Organization NAHO (2006). Fact Sheet: Cultural Safety. https://fnim.sehc.com/getmedia/c1ef783b-520a-44cf-a7b8-d40df5e406e7/Cultural-Safety-Fact-Sheet.pdf.aspx?ext=.pdf

Stephens, A. (2021). Understanding Cultural Safety in the Workplace. Mental Health. People Sense by Altius. https://www.peoplesense.com.au/news/article/21122021-239/understanding-cultural-safety-in-the-workplace#:~:text=A%20culturally%20safe%20workplace%20provides%20all%20workers%20with,and%20avoidance%20of%20stereotypical%20barriers.%205%20Shared%20knowledge

Williams, R. (1999). Cultural Safety – What does it mean for our work practice? Australian and New Zealand Journal of Public Health, 23(2):213 – 214. DOI: 10.1111/j.1467-842X.1999.tb01240.x. https://www.researchgate.net/publication/227647518_Cultural_safety_-_What_does_it_mean_for_our_work_practice


Author
Rola Helou, CRHA DG Solutions S.O.A.R. Solutions

Rola Helou, PDG de Solutions S.O.A.R., travaille auprès des communautés autochtones depuis plus de 20 ans. Elle a eu le privilège de gérer des organisations et d’engager des employé.e.s autochtones. En tant que CRHA, elle offre des ateliers et de l’accompagnement aux organisations qui souhaitent miser sur l’humain.


Author
Pamela Gabriel-Ferland

Pamela Gabriel-Ferland, formatrice chez Retour à la source, est travailleuse sociale, thérapeute conjugale et familiale, et psychothérapeute et travaille auprès des communautés autochtones depuis plus de 20 ans. Elle offre des conférences sur les traumatismes historiques subis et peut faciliter l’intégration des personnes autochtones dans une organisation.