ressources / science-rh / articles

Attirer et retenir les travailleurs immigrants récents à l’extérieur de Montréal : quelles sont les pratiques déployées par les employeurs?

Qui plus est, les pratiques de gestion des ressources humaines gagnent à être adaptées aux besoins des personnes immigrantes récentes, c’est-à-dire établies au Canada depuis moins de 5 ans, si les employeurs veulent améliorer leur capacité à les attirer et à les retenir.

Catherine Beaudry, PhD., CRHA et Mélanie Gagnon, PhD., CRIA

Préoccupés par la rareté de la main-d’œuvre dans plusieurs secteurs, certains employeurs se tournent vers les personnes immigrantes récentes afin de pourvoir les postes vacants. Cette piste de solution s’avère cependant parsemée d’embûches pour les organisations situées à l’extérieur de la région de Montréal, les immigrants y étant moins nombreux. Qui plus est, les pratiques de gestion des ressources humaines gagnent à être adaptées aux besoins des personnes immigrantes récentes, c’est-à-dire établies au Canada depuis moins de 5 ans, si les employeurs veulent améliorer leur capacité à les attirer et à les retenir.

Le présent texte fait suite à un article publié dans Science RH et abordant les perceptions des employeurs à l’égard de la main-d’œuvre immigrante. Il présente les résultats d’une étude portant sur les pratiques d’attraction et de rétention des personnes immigrantes récentes déployées par les employeurs hors Montréal. Dans un premier temps, 2376 employeurs ont répondu à un questionnaire de recherche, puis 87 ont été rencontrés en groupes de discussion.

De timides pratiques d’attraction

Les efforts des employeurs s’avèrent peu soutenus en matière de pratiques d’attraction destinées aux candidats issus de l’immigration récente.

Promotion de la diversité culturelle dans l’organisation lors du processus de dotation
Jamais :
58,2 %
Rarement :
17,3 %
De temps en temps :
12,5 %
Souvent :
8,1 %
Toujours :
3,8 %
Soutien à la reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger
Jamais :
59,4 %
Rarement :
16 %
De temps en temps :
12,5 %
Souvent :
8,3 %
Toujours :
3,7 %
Moyens particuliers pour attirer des PIR
Jamais :
60,7 %
Rarement :
17,6 %
De temps en temps :
12,3 %
Souvent :
6,5 %
Toujours :
2,9 %
Recours à des organismes de soutien aux personnes immigrantes en recherche d’emploi
Jamais :
61,6 %
Rarement :
18,1 %
De temps en temps :
12,7 %
Souvent :
5,3 %
Toujours :
2,3 %
Soutien à l’apprentissage du français
Jamais :
65,3 %
Rarement :
16,3 %
De temps en temps :
9,1 %
Souvent :
6,1 %
Toujours :
3,2 %
Formation et sensibilisation des recruteurs et des gestionnaires par rapport aux PIR
Jamais :
61,9 %
Rarement :
18,5 %
De temps en temps :
12,8 %
Souvent :
4,8 %
Toujours :
1,9 %

En fait, la majorité des employeurs sondés ne déploient jamais de pratiques spécifiquement destinées aux personnes immigrantes récentes lors du processus de recrutement ou de sélection. En groupes de discussion, les employeurs expliquent que le processus de dotation s’adresse à tous les candidats, sans distinction. Ils ne cherchent pas à attirer spécifiquement des travailleurs immigrants récents, pas plus qu’ils ne cherchent à attirer d’autres catégories de personnel. Des pratiques générales sont donc déployées, sans cibler spécifiquement les personnes immigrantes. Cela dit, lorsque les employeurs cherchent à se doter d’une main-d’œuvre étrangère, ils sont prêts à mettre les efforts pour recruter à l’international. L’intérêt pour le recrutement hors frontières s’explique par la possibilité de dénicher les candidats qui correspondent exactement au profil recherché. Or, s’il est question d’attirer des personnes immigrantes déjà installées au Canada, les moyens mis en œuvre restent timides, ces dernières étant considérées au même titre que les autres candidats potentiels.

Des efforts plus soutenus en matière de rétention

En revanche, les employeurs qui ont effectivement embauché des personnes immigrantes récentes déploient plus fréquemment des pratiques de rétention.

Reconnaissance des diplômes étrangers
Jamais :
5 %
Rarement :
6,2 %
De temps en temps :
28,9 %
Souvent :
42,7 %
Toujours :
17,2 %
Soutien à l’apprentissage du français
Jamais :
11,1 %
Rarement :
9,4 %
De temps en temps :
29,1 %
Souvent :
35,4 %
Toujours :
15 %
Désignation d’un mentor ou d’un parrain
Jamais :
12,1 %
Rarement :
6,5 %
De temps en temps :
35,5 %
Souvent :
34,4 %
Toujours :
11,7 %
Soutien dans le processus d’immigration ou d’accès à la résidence permanente
Jamais :
12,1 %
Rarement :
8,5 %
De temps en temps :
33,8 %
Souvent :
30,2 %
Toujours :
15,4 %
Formation sur la culture québécoise
Jamais :
11,5 %
Rarement :
9,1 %
De temps en temps :
37,2 %
Souvent :
30,3 %
Toujours :
11,9 %
Soutien à la recherche d’emploi du conjoint
Jamais :
17,9 %
Rarement :
9,9 %
De temps en temps :
38,5 %
Souvent :
24,5 %
Toujours :
9,2 %
Aide à l’établissement des PIR et de leur famille dans la région
Jamais :
71,3 %
Rarement :
13,9 %
De temps en temps :
7,7 %
Souvent :
5 %
Toujours :
2,1 %

Si les employeurs ne cherchent pas nécessairement à attirer les personnes immigrantes récemment établies au Canada, ils visent leur rétention lorsqu’elles font partie du personnel. Cet intérêt à les retenir découle possiblement du fort taux de satisfaction affiché par 82 % des répondants à leur égard. La mise en place de ces pratiques n’est cependant pas sans difficulté, les employeurs rencontrés en groupes de discussion indiquant que leur expertise demeure limitée en la matière.

Les employeurs mentionnent différents écueils rencontrés au regard des pratiques de rétention :

Reconnaissance des diplômes étrangers
La difficulté à reconnaître les diplômes et les compétences, nuisant à la progression de carrière dans l’organisation.
Soutien à l’apprentissage du français
La nécessité de communiquer rapidement forçant parfois les employeurs à emprunter une autre langue, ce qui ne favorise pas l’apprentissage du français.
Désignation d’un mentor ou d’un parrain
Le temps consacré par le mentor ou le parrain à l’accueil et à l’intégration de la personne immigrante.
Soutien dans le processus d’immigration ou d’accès à la résidence permanente
La complexité du processus d’immigration.
Formation sur la culture québécoise
La difficulté à identifier les caractéristiques de la culture québécoise pour la faire connaître aux personnes immigrantes.
Soutien à la recherche d’emploi du conjoint
Les possibilités limitées dans la région d’accueil.
Aide à l’établissement des PIR et de leur famille dans la région
La complexité et le temps consacré à cette aide, de même que le manque de ressources.

Quelques pistes de réflexion pour les CRHA

Les employeurs n’ont pas le luxe de se passer des compétences des personnes immigrantes récemment établies au Canada, alors même que leur préoccupation principale en matière de gestion des ressources humaines concerne la rareté de la main-d’œuvre. Pour améliorer leur capacité d’attraction, de simples gestes peuvent être posés :

  • faire connaître leur ouverture à la diversité dans les annonces de recrutement ou sur le site carrière de l’entreprise;
  • faire connaître les mesures de soutien offertes par l’entreprise ou par divers organismes au moment des entrevues de sélection, comme l’aide à l’apprentissage du français ou à l’établissement dans la région d’accueil, par exemple.

Une fois l’embauche concrétisée, les CRHA gagnent à recourir à l’aide offerte par différents organismes afin de soutenir la personne immigrante et sa famille pour une insertion sociale réussie : établissement dans la région, processus d’immigration, apprentissage du français, sensibilisation à la culture québécoise, recherche d’emploi pour le (la) conjoint(e).

Les efforts doivent également suivre dans l’entreprise. Les CRHA peuvent réfléchir à des mesures d’accueil et d’intégration élargies et flexibles, prenant en considération des besoins variés alors que la main-d’œuvre est de plus en plus hétérogène. Des pratiques de rétention favorables à tous demeurent également pertinentes : les plans de développement de carrière, les programmes de reconnaissance, le soutien social, la diversité des tâches et des mandats ne constituant que quelques exemples.


Catherine Beaudry, PhD., CRHA et Mélanie Gagnon, PhD., CRIA