ressources / sante-securite

Le rôle clé des CRHA pour soutenir et accompagner les travailleuses qui subissent de la violence conjugale.

Des progrès significatifs ont été faits au Québec pour contrer la sombre réalité que constitue la violence conjugale, mais les multiples manifestations que revêt ce fléau social demeurent peu connues. De même, les préjugés qui l’entourent ainsi que sa banalisation dans la sphère publique persistent.
3 novembre 2020
Anne Beluse, CRHA

La violence conjugale fait encore un nombre inacceptable de victimes chaque année. En 2018, plus de 99 000 personnes âgées de 15 à 89 ans ont subi de la violence aux mains d’un ou d’une conjoint.e au Canada, ce qui représente près du tiers (30 %) des victimes de crimes violents déclarés par la police. Tristement, les femmes représentaient 79 % de ces victimes. Des progrès significatifs ont été faits au Québec pour contrer cette sombre réalité, mais les multiples manifestations que revêt ce fléau social demeurent peu connues. De même, les préjugés qui l’entourent ainsi que sa banalisation dans la sphère publique persistent.

La violence conjugale et le travail

Les rares données relatives aux femmes subissant de la violence conjugale qui occupent un emploi émanent, entre autres, d’une enquête pancanadienne menée en 2014 par l’Université Western Ontario et le Congrès du travail du Canada (CTC). On y lit que pour plus de la moitié (53,5 %) des personnes ayant déclaré subir ou avoir subi de la violence conjugale, cette maltraitance se poursuivait jusqu’au travail ou à proximité.

Effectivement, le harcèlement et l’intimidation font partie de la réalité des femmes subissant de la violence conjugale. L’arrivée massive des nouvelles technologies, des réseaux sociaux et des appareils mobiles avec géolocalisation les ont rendues encore plus vulnérables à ces comportements répréhensibles, qu’elles soient au travail ou à la maison. D’ailleurs, de toutes les Canadiennes subissant du harcèlement criminel, celles qui le subissent de la part d’un conjoint sont les plus susceptibles d’avoir reçu des messages importuns sous forme de courriels, de messages textes ou de communications sur les réseaux sociaux.

Il est inévitable que les travailleuses subissant de la violence conjugale apportent au travail le fardeau de cette terrible réalité, qui est sous-estimée par un grand nombre d’employeurs : fatigue, anxiété, tristesse et pleurs, peur, inattention, perte de confiance et d’estime de soi, méfiance dans ses relations avec ses collègues, isolement, absentéisme, présentéisme, accidents au travail, etc. À cela s’ajoutent de nombreux symptômes physiques variés, tels que des blessures, maux de tête, ulcères, etc. Conséquemment, la majorité d’entre elles en viennent à manifester des enjeux de rendement au travail, qui sont souvent incompris par les gestionnaires et qui peuvent mener à des mesures administratives ou disciplinaires, à un congédiement, ou tout simplement à une démission de ces travailleuses à bout de souffle. Cette fin d’emploi, volontaire ou non, entraîne une précarité financière, une extrême vulnérabilité et un isolement qui contribuent à maintenir ces femmes dans le cycle de la violence conjugale.

De surcroît, au-delà des enjeux humains et sociaux, il faut également considérer les pertes financières subies par les organisations canadiennes en lien avec les travailleurs subissant de la violence conjugale. Se chiffrant à plus de 75 millions de dollars par année, ces pertes sont non négligeables.

Les milieux de travail : la porte de sortie

Occuper un emploi est la principale porte de sortie des femmes subissant de la violence conjugale. Cela leur permet de contrer la subtile, mais dévastatrice violence économique, intimement liée à la violence conjugale, en leur offrant une indépendance financière. Se maintenir en emploi permet également à ces femmes de conserver leur dignité, en plus de constituer une échappatoire et une source de socialisation.

Conscient de cette réalité, le gouvernement du Québec a mis en place certaines mesures visant les milieux de travail et ayant pour but de lutter contre cette problématique sociétale. Ainsi, en juin 2018, la Loi sur les normes du travail a été modifiée et reconnaît maintenant la violence conjugale et la violence à caractère sexuel comme motifs d’absence. Les personnes salariées qui subissent ces violences peuvent maintenant bénéficier d’un congé sans solde de 26 semaines. Des programmes de prévention pour contrer la violence conjugale verront également le jour au cours des prochaines années afin de soutenir les initiatives en milieu de travail.

En plus des actions gouvernementales, chaque organisation doit se mobiliser et prendre part à cette lutte impitoyable.  

Les CRHA : des partenaires clés pour soutenir et accompagner les travailleuses victimes de violence conjugale

Les milieux de travail sont propices à la détection des situations de violence conjugale et à l’offre de soutien pour les femmes qui les subissent.

Les CRHA doivent s’engager de façon significative à mettre en place des mesures afin de mieux protéger et soutenir les travailleuses. Plusieurs sont simples et peu coûteuses. Il faut créer des conditions propices à établir un cadre où règne la confiance et dans lequel les femmes se sentiront écoutées, mais surtout, protégées.

Il faut également se rendre à l’évidence que le PAEF (Programme d’aide aux employés et à leur famille) offert dans sa formule actuelle, n’est peut-être pas une option viable pour les femmes subissant de la violence conjugale. Appeler avec son téléphone/cellulaire personnel, pendant sa pause ou de la maison, sur son temps personnel, non rémunérée, et devoir se présenter à des rendez-vous dans ces mêmes conditions est difficilement envisageable.

Il faut augmenter les probabilités que ces travailleuses soient identifiées, soutenues positivement et référées par des ressources internes. La solution passe, entre autres, par la sensibilisation dans nos milieux de travail et par la formation des CRHA, ou d’autres intervenants désignés, dans la détection des signes de violence et de la connaissance des services existants. Nous pourrons ainsi améliorer notre capacité à orienter toutes ces femmes vers les ressources spécialisées appropriées. Tout comme les premiers répondants offrant les premiers soins lors d’accidents, il faut mettre en place un service de première ligne qui assurera que chaque employée qui subit de la violence conjugale est soutenue et en sécurité, jusqu’à ce que des professionnels prennent la relève.

Pour aller plus loin : quelques suggestions de lecture

À propos de l'auteure

Anne Beluse, CRHA, est une consultante offrant des services-conseils en gestion des ressources humaines. Elle est également administratrice du CA de la Maison Simonne-Monet-Chartrand, un organisme offrant de l’hébergement et plusieurs services de première ligne aux femmes victimes de violence conjugale. On peut la rejoindre par courriel à anne@gorh.co ou par téléphone au 514-578-9692.


Anne Beluse, CRHA