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Initiatives de mieux-être au travail : pourquoi et comment les adopter

Cet article nous permet d’aborder les différents aspects des initiatives de mieux-être au travail : les raisons de les adopter et les manières de le faire, des exemples concrets de ces initiatives et les enjeux juridiques qu’elles peuvent engendrer.

27 novembre 2019
Élodie Brunet, CRHA

L’état du marché du travail force les entreprises voulant attirer et retenir les meilleurs talents à adopter diverses mesures pour créer une « expérience employé » des plus intéressantes. De plus, le contexte de pénurie de main-d’œuvre permet aux employés d’exiger un milieu de travail sain, inclusif et stimulant.

Dans ce contexte, plusieurs entreprises choisissent notamment d’adopter un programme de mieux être au travail ou diverses initiatives visant à améliorer la santé physique et psychologique de leurs employés.

Pourquoi adopter des programmes ou des initiatives de mieux-être au travail?

Plusieurs raisons militent en faveur de l’implantation d’un programme de mieux-être au travail, notamment les suivantes :

Améliorer l’expérience-employé. Cette démarche est susceptible d’aider une entreprise à se positionner en tant qu’employeur de choix, d’améliorer l’expérience-employé de ses collaborateurs tout en favorisant l’attraction et la rétention de talents. De plus, le bien-être des employés favorise généralement leur productivité. Ultimement, la profitabilité de l’entreprise devrait en bénéficier.

Réduire ses coûts. Une entreprise peut également, à plus long terme, réduire ses coûts liés à la santé de ses employés, que ce soit en matière de programmes d’assurances collectives, d’invalidité, d’absentéisme ou encore de pertes de productivité engendrées indirectement par une mauvaise santé physique ou mentale.

Comment implanter un programme de mieux-être au travail?

Il y a plusieurs façons de le faire. La norme Prévention, promotion et pratiques organisationnelles favorables à la santé en milieu de travail[1] (« Entreprise en santé ») fournit un cadre de référence utile en ce qu’elle répertorie les pratiques exemplaires en la matière. De manière très sommaire, les principales étapes de l’implantation d’un programme de mieux-être au travail sont les suivantes :

  1. l’engagement de la direction;
  2. la formation d’un comité sur la santé et le mieux-être;
  3. la collecte de données;
  4. l’élaboration d’un plan pour la mise en œuvre du programme;
  5. l’évaluation du programme.

Les employeurs qui ont implanté ces pratiques exemplaires peuvent voir leurs efforts reconnus par l’obtention de la certification « Entreprise en santé » ou « Entreprise en santé Élite », ce qui contribue au développement de leur « marque employeur ».

Notons que cette norme est en cours de révision et que sa nouvelle mouture devrait être publiée au cours des prochains mois.

Deux autres normes peuvent également vous inspirer dans le cadre de l’implantation d’initiatives de mieux-être au travail : la norme Conciliation travail-famille [2] et la norme sur la Santé et sécurité psychologiques en milieu de travail[3].

Quelles initiatives de mieux-être au travail implanter?

À titre d’exemple, les initiatives de mieux-être suivantes peuvent vous aider à contribuer au bien être de vos employés :

Santé physique

  • programmes de mise en forme (gym, cours de groupe)
  • installation de vestiaires et douches (pour ceux qui viennent à la course ou à vélo)
  • poste de travail roulant
  • « walking meetings »
  • cours de cuisine et activités culinaires
  • collations santé, paniers bio, potagers urbains
  • programme pour cesser de fumer
  • programme de prévention des maux de dos
  • matériel ergonomique (bureau pour travailler debout)

Santé mentale

  • programme de sensibilisation et de formation des employés sur la gestion du stress
  • programme de formation des gestionnaires sur la prévention de la santé mentale, la communication efficace, la gestion de la charge de travail des subalternes, la rétroaction positive
  • télétravail
  • politiques de « droit à la déconnexion »
  • programmes visant à réduire le stress financier des employés (épargne collective ou épargne à la source, assurances collectives, programmes d’aide aux employés)
  • politique de gestion de vacances et du temps de congé (vacances « ouvertes »)
  • programme de « don » de vacances
  • conciliation travail-famille ou travail-vie personnelle
  • facilitation du transport collectif
  • programme d’accès à des services à taux avantageux (ménage, aide à domicile, nettoyeur)
  • accès à la médecine virtuelle

Ces initiatives de mieux-être au travail peuvent-elles engendrer des enjeux juridiques?

Bien que leurs avantages surpassent généralement leurs inconvénients, les initiatives de mieux-être au travail comportent certains enjeux juridiques. En voici quelques-uns, présentés sous forme de survol non exhaustif.

La confidentialité

En tant qu’employeuses, les organisations ont l’obligation de protéger les renseignements personnels de leurs employés, notamment en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé[4] ou de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[5] ou encore du Code civil du Québec[6].

Or, l’implantation de programmes de santé ou de mieux-être au travail comprend habituellement la collecte et l’utilisation de renseignements personnels et confidentiels afin d’élaborer un programme ciblé qui répond aux besoins et aux attentes spécifiques des employés (renseignements médicaux, âge, problématiques de santé particulières, etc.).

Il sera donc important pour les personnes responsables des programmes de mieux-être d’assurer le respect des exigences légales relatives aux consentements nécessaires à la collecte de données et à leur utilisation. De plus, la compilation et la présentation de données devront être faites de manière dépersonnalisée.

Le risque d’accident « à l’occasion du travail »

Selon les circonstances, les accidents survenus dans le cadre de programmes ou d’initiatives de mieux-être au travail peuvent être acceptés à titre de lésion professionnelle et indemnisés par la CNESST en tant qu’accident survenu « à l’occasion du travail ». En cas de litige, le Tribunal administratif du travail considérera les facteurs suivants pour déterminer si un accident se produit « à l’occasion du travail » :

  • le lieu de l’événement;
  • le moment de l’événement;
  • la rémunération de l’employé lors de l’activité exercée lorsque survient l’événement;
  • lorsque l’événement ne survient ni sur les lieux ni durant les heures de travail, l’existence et le degré d’autorité ou de subordination de l’employeur;
  • la finalité de l’activité exercée au moment de l’événement, qu’elle soit incidente, accessoire ou facultative aux conditions de travail;
  • le caractère de connexité ou d’utilité relative de l’activité de l’employé en regard de l’accomplissement du travail.

À noter : il n’est pas nécessaire que tous ces critères soient réunis pour conclure qu’un événement est survenu « à l’occasion du travail ».

En principe, l’activité exercée dans le cadre d’un privilège accordé par l’employeur est un acte personnel dont l’employé doit porter la responsabilité et les risques, à moins qu’il ne démontre que l’activité exercée est connexe au travail ou utile à son employeur.

Entre autres, les éléments suivants ont été considérés pour conclure à une connexité entre des activités sportives facultatives et l’emploi :

  • le fait de participer à une activité de loisir sportive facultative, mais fortement encouragée ou financée par l’employeur;
  • dans un contexte où l’employé est captif du lieu de travail pour la période où est survenu l’accident (ex. : tournoi organisé par l’employeur, avec incitatif ou personnes en autorité qui prennent les présences), ou lorsque l’employé est rémunéré ou sous le contrôle de son employeur.

Compte tenu de ce qui précède, dans le cadre de l’organisation ou de l’implantation d’une initiative de mieux-être au travail, il devrait être clair que l’employé s’adonne à de telles activités sur une base volontaire et personnelle, idéalement, en dehors des heures de travail. De plus, bien que les employés puissent être encouragés à participer, aucune pression ne devrait être exercée sur eux, encore moins par leurs supérieurs hiérarchiques ou par la direction.

La vie privée

Puisque la résidence privée de l’employé devient son lieu de travail, le télétravail peut présenter certains enjeux liés au respect de la vie privée des employés. À titre d’exemple, il est, en principe, difficile pour un employeur d’imposer un aménagement particulier du domicile de son employé. La supervision ou la collaboration peut également présenter un défi.

Par conséquent, le télétravail devrait être encadré de manière à baliser l’expectative de vie privée des employés, délimiter les sphères professionnelles et personnelles, assurer la confidentialité des renseignements appartenant à l’employeur et prévoir le pouvoir de surveillance de celui-ci. De plus, puisque la Loi sur les normes du travail[7] s’applique indépendamment de l’endroit où l’employé fournit sa prestation de travail, les modalités suivant lesquelles les heures supplémentaires sont permises (le cas échéant) devraient être précisées, selon les circonstances.

La discrimination et les accommodements raisonnables

Les initiatives de mieux-être au travail peuvent engendrer des situations de discrimination (fondées, par exemple, sur le handicap ou l’âge) lorsqu’un groupe d’employés en particulier est ciblé. Elles peuvent également entraîner des demandes d’accommodements raisonnables. Selon les circonstances, une entreprise pourrait donc avoir à se soumettre au processus d’accommodement jusqu’à la contrainte excessive, selon les principes juridiques généralement applicables.

Conclusion

Malgré les quelques enjeux juridiques susmentionnés, les initiatives de mieux-être au travail demeurent une excellente manière de se distinguer en tant qu’employeur, de répondre aux demandes de la nouvelle génération, de même que de motiver et d’engager ses employés.

Cependant, afin de réduire les risques d’entraves, mieux vaut être conscients des enjeux juridiques potentiels et considérer les pratiques exemplaires dès la mise en œuvre de vos programmes et initiatives de mieux-être au travail.

Il faudra également surveiller l’évolution du droit en ce qui concerne notamment l’encadrement du « droit à la déconnexion » ou encore l’ajout éventuel de maladies psychologiques, telle l’anxiété, à la liste des maladies professionnelles reconnues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[8].


Élodie Brunet, CRHA Avocate en droit de l'emploi Autorité des marchés financiers

Me Élodie Brunet, CRHA et avocate, est spécialisée en droit du travail et de l'emploi chez Lavery Avocats. Elle conseille une clientèle variée principalement composée d'employeurs concernant divers aspects du droit de l'emploi et des rapports collectifs de travail. Elle agit pour le compte d'employeurs devant les tribunaux administratifs et les tribunaux civils et conseille les employeurs dans le cadre de réclamations ou de démarches tant en matière de lésions professionnelles que de santé et sécurité du travail, incluant les dossiers d'inspection par la CNESST et de plaintes pénales qui peuvent y faire suite. Elle donne régulièrement des conférences et des formations.


Source :

Source : VigieRT, novembre 2019.

1 BNQ 9700-800.
2 BNQ 9700-820.
3 CAN/CSA-21003-13/BNQ 9700-803.
4 RLRQ, c. P-39.1.
5 RLRQ c A-2.1.
6 RLRQ c CCQ-1991.
7 RLRQ c N-1.1.
8 RLRQ c A-3.001.