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Et si les ententes de dernière chance et les tests aléatoires étaient des solutions positives?

Devant une personne en milieu de travail affectée par une dépendance, chaque partie est tentée de prendre une position ferme et campée : l’employé et son représentant se retirent de la discussion et de la recherche de solutions, tandis que le gestionnaire RH ne voit que deux avenues, soit un retour au travail sans récidive, soit le départ de l’employé.
22 mai 2018
Véronique Morin, CRIA

Il est permis de penser que ces réactions rapides et presque spontanées découlent la plupart du temps de la crainte de voir s’amorcer un processus lourd et parsemé d’embûches.

Les outils connus

Quand survient une problématique de dépendance en milieu de travail, l’organisation cherche à encadrer la personne employée : gestion de l’invalidité et justification de celle-ci, processus administratif ou disciplinaire avec identification d’attentes et sinon, sanction ou entente de dernière chance ou de réintégration.

Dans un contexte de dépendance, les rechutes sont fréquentes et cette réalité est connue de toutes les parties. Malgré cela, on se sent obligé de s’engager dans ce parcours du combattant en espérant le mieux, c’est-à-dire que tout rentre dans l’ordre par magie, ou en craignant d’être forcé à nouveau d’asseoir ensemble les parties afin de trouver les causes et de rappeler les responsabilités et les engagements de chacun. À défaut, on devrait mettre fin au contrat d’emploi.

Les conditions de travail en vigueur, tout en tenant compte des accommodements pour la personne employée, chercheront le plus souvent à inclure des mesures et des contraintes : rapports et preuves de suivis médicaux, tests aléatoires, contre-expertises, etc. Et alors que les tribunaux nous rappellent fréquemment que le respect du droit à la vie privée se révèle particulièrement sensible dans le cas d’une personne vivant avec une dépendance (et donc, affectée d’un « handicap » au sens des chartes des droits et libertés de la personne), nous devons nous assurer qu’elle consent aux modalités et conditions visant à lui permettre de retourner au travail.

De plus, une organisation voulant utiliser des tests de dépistage aléatoires doit fournir plusieurs justifications, selon les circonstances : poste de travail à risques, survenance d’un accident, comportement révélateur, etc. Pas toujours une solution et au surplus, souvent a posteriori.

La force de la collaboration pour répondre aux intérêts convergents des parties

Sans tomber dans la plus complète utopie, il est permis d’affirmer que chaque partie a intérêt à ce qu’une démarche de réinsertion au travail fonctionne dans des délais raisonnables. Pour favoriser et établir l’esprit de collaboration essentiel à cette réussite avec le moins de heurts possible, les parties doivent identifier leurs besoins et leurs intérêts ouvertement afin de mettre en évidence les points communs. Dès ce moment, les solutions apparaissent et peuvent être mises en place.

Le gestionnaire RH peut alors souhaiter retrouver rapidement le comportement, le rendement et l’assiduité attendus de la personne employée et obtenir une réduction de ses coûts d’assurances collectives ou en cotisations SST, tout en évitant les pertes d’énergie et de temps en discussions et démarches diverses et souvent répétitives.

De son côté, la personne employée revient au travail, contribue aux activités de l’organisation et occupe un emploi rémunérateur, après s’être reprise en mains sans avoir été contrainte à de longues et fastidieuses démarches requises par l’employeur, telles que contre-expertises, mesures administratives ou autres sanctions.

Ainsi, le défi est d’axer les échanges et les recherches de solutions sur la collaboration. Généralement, la personne employée devrait préférer mettre fin à sa souffrance et retrouver sa capacité de travailler et un quotidien paisible, à moins de circonstances où la santé psychologique est en cause.

La contrepartie du soutien et du maintien en emploi de l’employeur est la collaboration de la personne employée dans l’acceptation et l’utilisation des moyens lui permettant de regagner sa capacité de travailler et son estime personnelle. Pour y parvenir, celle-ci ne doit pas considérer ces moyens comme coercitifs, même s’ils sont souvent exigés par l’employeur, mais comme essentiels au traitement dont l’objectif est de se libérer de la dépendance : thérapie, cure de désintoxication, suivis médicaux, expertises, bilans de santé et tests de dépistage aléatoires.

Dans une perspective de collaboration, avec la volonté et dans l’objectif de recouvrer ses capacités, la personne employée pourrait plus aisément accepter ces intrusions dans sa vie privée. Non pas pour céder à son employeur par crainte de sanctions ou de congédiement, mais pour se donner toutes les chances de rétablir son intégrité physique et psychologique, et ce, dans toutes les sphères de sa vie.

Pour mettre en place un tel processus gagnant pour tous, l’implication positive et constante ainsi que l’ouverture de chaque partie sont essentielles. Le gestionnaire RH doit pouvoir compter sur le partenariat de la personne salariée et de son représentant et sur celui des professionnels de la santé conseillant l’employeur ou traitant la personne salariée.

En effet, la relation de confiance est au cœur du processus et de son succès. Au fil des rencontres, les interlocuteurs (gestionnaire RH, professionnel du bureau de santé, employé et son représentant) pourront développer cette relation de confiance, constater par eux-mêmes les répercussions positives pour chacun et ainsi acquérir la conviction que cette démarche de collaboration est valable dans le présent cas et le sera également lors d’éventuelles récidives.

À propos de l’auteur:

Véronique Morin, CRIA est avocate en droit du travail et en droit administratif chez Lavery. Elle est également médiatrice accréditée du Barreau du Québec et de l’IMAQ. Elle œuvre comme conseil et comme procureure auprès d’organismes publics et privés dans des dossiers de relations du travail et sur diverses questions relatives aux droits et libertés fondamentales de la personne, au harcèlement psychologique et aux droits de gérance de l’employeur.


Véronique Morin, CRIA Avocate et médiatrice accréditée Lavery
Dès son admission au Barreau du Québec en 1986, Véronique Morin, CRIA a commencé sa pratique en droit commercial et en droit civil, plus particulièrement dans le domaine du litige où elle a acquis une expérience utile en droit du travail et en révision judiciaire devant les cours de justice. Depuis 1996, elle exerce au sein du cabinet Lavery à Montréal dans les domaines du droit du travail, du droit de la santé et du droit administratif. Au cours des dernières années, elle a représenté des organismes publics, parapublics et privés, notamment en matière de congédiement de cadres, devant les instances administratives et les cours de justice. Elle s'intéresse également à diverses questions relatives au harcèlement psychologique et aux libertés fondamentales. Elle agit régulièrement à titre de conférencière et publie des articles juridiques en matière de gestion des ressources humaines et de relations du travail. Elle est membre du comité du Barreau du Québec en droit du travail ainsi que de l'exécutif de la Section nationale du droit du travail et de l'emploi de l'Association du Barreau canadien.