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Comment gérer l’absence pour raisons médicales?

Jocelyn Gingras*, CRHA, est responsable de la gestion des dossiers de santé et sécurité du travail de son entreprise. Hier, un employé lui a remis un billet médical indiquant qu’il doit arrêter de travailler pendant trois mois pour dépression majeure. Jocelyn avise donc le supérieur immédiat de l’absence pour raisons médicales de l’employé. Le supérieur aimerait connaître le diagnostic du médecin et savoir comment faciliter son retour au travail. Jocelyn se demande comment concilier le droit de l’employeur de connaître les renseignements utiles à sa gestion et le droit de l’employé à sa vie privée… Comment interviendriez-vous auprès du gestionnaire?

Karine Pelletier, CRHA<br />Christian Millet, CRIA

L'ÉCLAIRAGE DÉONTOLOGIQUE

Suivi médical : le bien de l’employé d’abord…

Chaque année, les employeurs doivent composer avec les absences pour raisons médicales. Plusieurs questions se posent concernant l’accès aux documents médicaux par l’employeur. Dans le cas présent, Jocelyn peut-il divulguer le diagnostic au supérieur de l’employé?

Il faut se rappeler que diverses lois protègent le droit fondamental à la vie privée, ce qui inclut la non-divulgation du diagnostic. Seules les personnes ayant absolument besoin de l’information dans l’exercice de leur fonction peuvent y avoir accès. De plus, les règles du Code de déontologie des membres de l’Ordre sont claires : Jocelyn ne peut donner accès au dossier médical de son employé au gestionnaire. En effet, l’article 6(6) du Code prévoit que le CRHA ou CRIA doit tenir compte de la confidentialité des dossiers et des renseignements de nature confidentielle des personnes qu’il a sous son autorité ou sa supervision, et qui sont portés à sa connaissance dans l’exercice de sa profession.

Précisons aussi que Jocelyn est tenu, en tant que membre de l’Ordre, de garder le secret sur les renseignements qui lui sont confiés en tant que professionnel.

Qu’en est-il maintenant des règles déontologiques qui guideront Jocelyn pour informer le supérieur sur le suivi médical de son employé?

Mentionnons d’abord que Jocelyn doit exercer pleinement son rôle-conseil. Chaque cas étant particulier, la détermination du suivi approprié à faire avec l’employé ne peut faire l’objet de lignes directrices uniques. La marche à suivre varie en fonction de la situation (ex. : personnalité de l’employé, culture de l’entreprise, etc.). Mais une chose est sûre, les recommandations de Jocelyn au gestionnaire doivent tenir compte de la protection de la santé mentale et physique de l’employé. Suivant la nature des relations entre l’employé et son gestionnaire, c’est Jocelyn plutôt que le supérieur qui pourrait être chargé d’effectuer le suivi médical de l’employé.

Dans ce cas, comme le prescrit son Code de déontologie et comme l’exige une telle situation, Jocelyn doit agir avec modération, en évitant de multiplier les appels téléphoniques, par exemple. Il doit aussi chercher à établir une relation de confiance avec l’employé, en respectant notamment les sentiments de ce dernier. Finalement, il doit s’abstenir d’intervenir dans les affaires personnelles de l’employé. Pour ce faire, il lui faudra identifier les renseignements qu’il peut lui demander. Par exemple, lors du retour au travail de l’employé, il peut s’enquérir de ses limites afin de déterminer les tâches à lui confier, mais il ne peut pas lui demander tous les détails sur son état de santé.

À retenir

  • Respecter la confidentialité des dossiers et le secret professionnel
  • Exercer pleinement son rôle-conseil
  • Tenir compte de la santé mentale et physique des employés
  • Établir une relation de confiance mutuelle
  • Agir avec modération
  • S’abstenir d’intervenir dans les affaires personnelles de l’employé

L'ÉCLAIRAGE D'UN PROFESSIONNEL

Évaluer la ligne de conduite appropriée

Il faut comprendre que les dossiers de santé psychologique sont complexes et uniques à chaque individu et à chaque situation. En effet, il est souvent très difficile de séparer les aspects professionnels et personnels. L’employé connaît-il un conflit au travail qui se reflète sur sa famille ou éprouve-t-il des problèmes familiaux qui affectent sa performance au travail? En tant que responsable de la santé et de la sécurité du travail, Jocelyn doit donc décider de la ligne de conduite qui va servir au mieux les intérêts de l’entreprise, du gestionnaire et de l’employé. Sa responsabilité pourrait inclure les communications avec l’employé, mais seulement avec un avis favorable du médecin traitant. Il est donc essentiel que Jocelyn obtienne la permission d’entrer en communication avec le médecin de l’employé lors de la remise du billet médical.

En admettant que l’employé n’ait pas déclaré sa dépression majeure à la CSST comme maladie reliée au travail, c’est au médecin traitant ou, à la rigueur, à celui de l’entreprise ou de la compagnie d’assurances de juger si l’employé est apte au travail et si sa réintégration est souhaitable et bénéfique. À partir de cette constatation, avec l’approbation pleine et entière de l’employé, Jocelyn devrait entrer en communication avec le médecin traitant afin d’établir un plan d’action qui sera adapté à la condition du travailleur. Jocelyn pourra être responsable d’appliquer ce plan selon les règles de l’entreprise ou il devra impliquer le supérieur de l’employé et même la compagnie d’assurance collective, selon le cas.

La réintégration progressive au travail a souvent été une voie privilégiée pour redonner une raison d’être à la personne affectée par une dépression majeure. Cependant, si la source principale de la dépression est le travail, il est sans doute préférable de comprendre les facteurs reliés au travail de concert avec le médecin traitant. Ce dernier pourra alors évaluer avec Jocelyn comment ramener l’employé au travail sans mettre sa convalescence à risque. Le rôle de Jocelyn deviendra donc critique en ce qui concerne l’attitude du gestionnaire à l’égard de l’employé, les interrogations des autres employés et le rendement auquel l’entreprise est en droit de s’attendre. Comme dans le cas d’autres lésions professionnelles (lésions musculo-squelettiques par exemple), il sera peut-être indiqué d’adapter les conditions de travail afin de prévenir une rechute.

Si la raison invoquée par l’employé comme motif de sa dépression est de nature personnelle, la réintégration au travail pourra être entreprise selon une approche plus conventionnelle de soutien, incluant des rencontres régulières avec le gestionnaire, l’établissement d’objectifs atteignables et la validation de la réinsertion de l’employé dans l’équipe de travail.


Karine Pelletier, CRHA
Christian Millet, CRIA