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De bons indicateurs de performance… et mieux mesurer!

Il y a bien longtemps qu’on mesure la performance en matière de santé et de sécurité du travail. Beaucoup d’organisations ont des outils pour ce faire. Mais contribuent-ils vraiment à améliorer la situation ou sont-ils seulement des outils statistiques qui donnent de l’information sur les événements passés? Dans la grande majorité des cas, les entreprises utilisent la fréquence des accidents avec perte de temps, le nombre de jours perdus et les coûts de cotisation. Certaines ont ajouté le nombre d’événements exigeant une visite médicale ou une assignation temporaire.

17 avril 2015
Josée Saint-Laurent, CRHA et Louise Neveu, CRHA

Ce n’est pas en considérant mois après mois la fréquence et la gravité des accidents, sans avoir un plan de match pour les prévenir, qu’on arrivera à améliorer les choses. C’est un peu comme si on conduisait une voiture en regardant seulement dans le rétroviseur. Comment savoir où l’on va si la seule information disponible est celle du passé et qu’on n’a aucune idée de la direction à suivre? En analysant bien les risques, on sera mieux en mesure de savoir où agir pour obtenir des résultats.

Agir sur l’avenir
Avec l’informatisation, on dispose maintenant d’une multitude de données et d’outils statistiques plus élaborés. Mais on constate souvent que les résultats ne sont pas au rendez-vous... faute d’indicateurs de performance bien identifiés, visant à :

  • mesurer l’évolution dans le temps;
  • observer l’avancement vers l’atteinte d’un objectif;
  • comparer les divers secteurs de l’organisation ou différentes organisations entre elles.

Pour ce faire, l’entreprise doit se doter d’objectifs clairs, bien définis, fruits d’une réflexion stratégique et imputables à tous les niveaux organisationnels en fonction de leurs responsabilités et de l’autorité qui leur est dévolue. Elle sera alors en mesure de demander la mise en place de plans d’action pertinents, visant à réduire les risques présents dans les divers secteurs d’activité; tous n’agiront pas sur les mêmes situations, mais chacun aura des mesures à prendre et des comptes à rendre. C’est ici que la mise en place d’outils de mesure devient essentielle.

Suivi, suivi et encore suivi
Incidemment, il ne sert à rien d’avoir des indicateurs si on n’en fait pas le suivi. Il ne faut pas seulement mettre les mesures à jour, mais aussi analyser les indicateurs afin qu’ils puissent orienter les décisions à prendre et les actions à poser et servir d’outils de motivation à agir.

Obtenir l’engagement
Quand on connaît l’objectif visé et qu’on a le pouvoir d’agir, alors les choses changent. Les gens se sentent concernés. Imaginons un superviseur à qui l’on demande de réduire le nombre de jours perdus dans son service – comme à tous les autres secteurs de l’organisation –, mais qui ne dispose d’aucune analyse des causes des événements ou des possibles points communs entre eux... Que doit-il faire? En ciblant spécifiquement les risques dans son service, le superviseur pourra agir et on pourra mesurer les résultats en termes non seulement de quantité, mais aussi de qualité.

Mais comment vérifiera-t-on sa performance? Si on lui demande de mesurer quelque chose, mais que personne n’analyse le résultat ou que celui-ci ne sert à rien, pourquoi s’en occuperait-il? Pour qu’ils aient de l’impact, il faut que les résultats soient étudiés, discutés, remis en question. Alors le responsable fera les efforts nécessaires pour faire avancer les choses. Il sera motivant et valorisant de travailler sur des projets de santé et de sécurité et la maxime « La santé et la sécurité sont notre priorité » prendra tout son sens.

Attribuer l’indicateur à la bonne personne
Il arrive souvent que l’on veuille mesurer un résultat sans que les personnes responsables aient les leviers pour réaliser l’objectif. Ainsi, l’indicateur ne fournira pas une information exacte et pertinente. Par exemple, si on veut mesurer le nombre de personnes formées, mais que le coordonnateur en santé et sécurité qui doit répondre de cet indicateur n’a pas la possibilité de s’assurer de la présence des participants des divers services, alors l’indicateur n’est pas attribué à la bonne personne. Il serait plus pertinent que cet indicateur soit piloté par les services qui devront rendre des comptes à ce sujet. Ils seront ainsi plus motivés à faire en sorte que leurs employés soient présents aux diverses formations.

Quoi mesurer?
Une des erreurs fréquentes est de vouloir tout mesurer. On se retrouve alors avec des montagnes de données que personne ne consulte. Sont-elles toutes nécessaires? Pas forcément. Mais plusieurs sont essentielles. Il faut alors penser à qui et à quoi ces données doivent servir. Il faut adapter les indicateurs aux personnes visées.

Par exemple, le président d’une compagnie voudra savoir si les plans de réduction des risques avancent dans les différents sites de son organisation. Il utilisera deux ou trois indicateurs pour suivre l’avancement et en discuter avec les directeurs généraux. Il se retournera vers ses directeurs de service pour connaître l’état de la situation et ainsi jusqu’aux superviseurs. Le plan d’action ne sera bien entendu pas le même pour tous. Il sera adapté aux risques présents dans chaque milieu de travail afin que tout le monde puisse mettre en place des moyens de réduction des risques dans son secteur. Il ne sert à rien de vouloir que tous fassent la même chose si le risque n’est pas présent partout. À quoi sert de demander à tous de faire des fiches de cadenassage s’ils n’ont pas d’équipements à cadenasser dans leur service?

Prenons l’exemple d’un indicateur du nombre de rencontres de sécurité mensuelles tenues chaque mois par secteur. Il indique si les superviseurs ont organisé ces rencontres mensuelles. Cependant, cet indicateur n’est pas vraiment efficace. Pourquoi? Si la participation à ces rencontres est volontaire, on n’est pas assuré que tous les employés y ont assisté, même s’ils sont payés pour y aller. Dans un cas vécu, l’entreprise avait ajouté cet indicateur à l’évaluation annuelle des superviseurs. Dans les faits, les résultats semblaient très bons; les superviseurs organisaient les rencontres où ils devaient présenter de nouvelles façons de faire, parler de prévention dans l’usine, etc. Cependant, après plusieurs mois, on s’est aperçu que plusieurs travailleurs n’étaient pas au courant des nouvelles directives pourtant présentées durant les rencontres. Le responsable SST a alors décidé de faire une tournée des rencontres sur tous les quarts de travail, dans tous les services. À sa stupéfaction, dans certains quarts de travail, aucun employé ne s’est présenté à la rencontre. Le taux de participation était à zéro! Mais le superviseur avait organisé sa rencontre et donc atteint l’objectif. L’indicateur portait sur une action à effectuer, mais il ne donnait pas l’information voulue, soit le taux de participation. Si l’indicateur porte plutôt sur le taux de participation, la direction est alors en mesure de prendre une décision éclairée sur le changement à apporter pour s’assurer que l’information soit efficacement communiquée.

Les mêmes indicateurs pour tous?
Il est essentiel de bien choisir ses indicateurs – et non ceux d’autres entreprises –, afin de pouvoir agir sur les éléments les plus importants et pertinents dans l’organisation en fonction non seulement de ses propres risques, mais également de sa maturité en matière de santé et de sécurité. Une entreprise débutante en matière de prévention ne peut pas penser avoir les mêmes indicateurs que celle dont la culture de prévention est très développée. Il serait préférable de concevoir des plans de prévention réalistes et réalisables et, par conséquent, de choisir des indicateurs qui y seront rattachés et qui feront évoluer l’organisation. Plusieurs entreprises ont essayé de définir des indicateurs d’observation des comportements avant de mettre en place les moyens de base en prévention. Cette approche trop proactive, pas adaptée à la maturité organisationnelle en SST, a généré des frustrations et une dégradation des relations du travail. Un travailleur ne peut pas comprendre qu’on lui demande de suivre des consignes alors qu’il est exposé à un risque important tous les jours et sans que l’employeur semble vouloir le réduire.

D’autre part, si des plans d’action visent les éléments prioritaires pour une réduction des risques et que des indicateurs de performance en mesurent l’efficacité, alors une plus grande collaboration se développe dans l’organisation. Les gens sont motivés et la confiance mutuelle est améliorée. Voilà l’objectif de la mesure!

Josée Saint-Laurent, CRHA, M. Sc., présidente, Momentum santé et sécurité inc.
Louise Neveu, CRHA, directrice des services de management, Momentum santé et sécurité inc.

Source : Effectif, volume 18, numéro 2, avril/mai 2015.


Josée Saint-Laurent, CRHA et Louise Neveu, CRHA