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Comment gérer les risques liés à la reprise des activités post-pandémie ?

Les nombreuses entreprises qui ont ralenti ou suspendu leurs activités à cause de la pandémie planifient maintenant la reprise des activités. Mais elles doivent le faire dans un contexte incertain. « Leur seule certitude, c’est l’incertitude », résume Joanne Desjardins, CRHA, associée fondatrice d’Arsenal conseils.

26 juin 2020

La surprise causée par la propagation rapide de la COVID-19 a rappelé aux gestionnaires l’importance de prendre en compte les risques inhérents à l’exploitation de toute entreprise. Voici quelques conseils pour permettre aux professionnels RH d’aider leur entreprise à gérer les risques, particulièrement dans la perspective d’une reprise des activités.

Identifier les risques

Qu’est-ce qu’un risque exactement Joanne Desjardins le définit comme « tout événement comportant un degré d’incertitude qui pourrait avoir un impact sur la capacité d’une organisation à atteindre ses objectifs et à réaliser sa mission ».

La gestion des risques est une démarche holistique qui vise à éclairer les décisions stratégiques par la prise en compte des risques. Cette démarche débute par l’identification des risques. On peut les classifier en quatre grandes catégories :

  • Stratégiques : cette catégorie regroupe les risques en lien avec la vision et la mission de l’organisation :
    • Désalignement de la stratégie de reprise des activités avec la mission de l’organisation;
    • Perte de confiance des clients, par exemple à la suite d’une couverture médiatique négative ou d’échanges dans les médias sociaux concernant la contamination d’employés de l’entreprise;
  • Opérationnels et organisationnels : cette catégorie regroupe les risques en lien avec les activités et découlant de l’utilisation efficiente des ressources humaines, matérielles, technologiques :
    • Manque de disponibilité ou absence des employés pour cause de la contamination, de refus ou d’un proche malade;
    • Démobilisation du personnel avec le télétravail;
    • Incapacité technologique à soutenir le télétravail demandé aux employés, ou à le faire dans des conditions assurant la sécurité des données;
    • Risques psychosociaux : stress, anxiété, déprime;
  • Financiers : cette catégorie regroupe les risques en lien avec l’utilisation des ressources financières :
    • Perte de ventes, de contrats ou de clients entraînant une baisse des revenus;
    • Manque de liquidités menaçant la pérennité de l’entreprise;
  • Conformité : cette catégorie regroupe les risques en lien avec le respect des lois, règlements, ententes, politiques encadrant les activités de l’organisation :
    • Non-respect des obligations légales de l’employeur en matière de santé et de sécurité ou des mesures de santé publique encadrant le déconfinement;
    • Inexécution des obligations contractuelles.

Évaluer les risques

Une fois les risques identifiés, on les évalue en fonction de deux critères :

  1. leur probabilité, selon la perception que l’on en a;
  2. leur gravité, selon l’impact que l’on peut anticiper.

Cette évaluation amène à prioriser les risques les plus probables, et dont l’impact serait le plus important.

Les risques n’ont pas tous des effets négatifs. Certains représentent des occasions d’affaires.

Par exemple, le Groupe Nutri, un classificateur et transformateur d’œufs de Saint-Hyacinthe, a eu la surprise de bénéficier d’une augmentation de commandes alors que les consommateurs achetaient une grande quantité d’œufs pendant les premières semaines de confinement.

Chez Medicart, qui exploite notamment les cliniques Epiderma, la suspension des activités rendue nécessaire par la pandémie a été l’occasion d’une réflexion stratégique en profondeur. « Nous avons saisi l’occasion pour refaire notre plan d’affaires et nous tourner davantage vers la télémédecine et la formation à distance », témoigne Julie Bédard, présidente de Medicart.

Planifier la réponse aux risques

Une entreprise peut adopter quatre attitudes distinctes face à un risque : l’éviter, le transférer, l’atténuer ou l’accepter.

Éviter le risque

C’est ce qu’on fait certains grands détaillants hors de Montréal dans la semaine du 4 mai 2020, alors qu’on leur permettait d’ouvrir leur commerce si une porte donnait vers l’extérieur. Certains détaillants ont préféré s’abstenir, pour éviter des risques de contagion ou des risques pour leur réputation.

Le transférer

Devant l’urgence d’accélérer leur transformation numérique pour continuer leurs activités à distance, plusieurs entreprises se sont tournées vers des fournisseurs spécialisés, qui sont plus en mesure de contrôler les risques liés à l’utilisation plus intensive des technologies.

L’atténuer

L’adoption de protocoles de santé et de sécurité est une façon d’atténuer le risque de contagion pour une entreprise qui rouvre ses établissements.

L’accepter

Les entreprises acceptent souvent certains risques qui ne peuvent pas être complètement évités, transférés, ni atténués et dont la probabilité ou la gravité sont faibles.

L’attitude face aux risques dépend largement de l’« appétit pour le risque » ancré dans la culture de l’organisation. Certaines entreprises – souvent les plus entrepreneuriales – sont audacieuses, alors que d’autres, au contraire, ont une aversion au risque.

Réunir des conditions gagnantes

Les conditions suivantes permettent d’améliorer la gestion du risque :

Un leadership affirmé

« L’engagement des dirigeants de l’entreprise est nécessaire pour garder les ressources mobilisées », témoigne Julie Bédard, de Medicart.

Une communication transparente

« On doit communiquer fréquemment avec les employés pour qu’ils comprennent pourquoi l’entreprise prend telle ou telle mesure de sécurité », explique Sébastien Mercier, vice-président aux ressources humaines du Groupe Nutri. Cette communication favorise l’adhésion des employés aux nouvelles pratiques.

Le partage de la vision et des responsabilités face aux risques

« La gestion des risques est l’affaire de tous dans l’entreprise, pas seulement celle d’un comité du conseil d’administration, explique Joanne Desjardins. En temps de crise, il est essentiel que la haute direction ait une vision commune face aux risques, pour pouvoir la partager avec le reste de l’organisation. » En cas de désaccord, elle suggère de revenir à des éléments fédérateurs, notamment la vision, la mission et les valeurs de l’entreprise, afin de favoriser un consensus dans l’approche face aux risques.

Le déploiement de mesures préventives

Il est important d’instaurer des mesures préventives pour mieux gérer les risques afin d’en réduire les effets défavorables et de tirer profit des opportunités. « Pour que nos employés aient confiance dans notre processus de retour au travail, nous avons élaboré un protocole de 11 pages afin de sécuriser l’environnement de travail de nos cliniques », explique Julie Bédard, de Medicart.

Un suivi régulier de l’évolution des risques

La gestion des risques est un processus continu. Les risques doivent être réévalués fréquemment, surtout en période d’incertitude. L’information est le nerf de la guerre afin d’assurer un suivi efficace de l’évolution des risques.

Dans ce contexte, les questions suivantes s’imposent :

  • Y a-t-il de nouveaux risques?
  • Y a-t-il des risques qui se sont réalisés?
  • Est-ce que les mesures de contrôles identifiées sont toujours appropriées?

Source : Revue RH, volume 23, numéro 2, avril/mai/juin 2020.