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Neurotypiques et neuroatypiques : la neurodiversité en formation

La pénurie de main-d’œuvre est sur toutes les lèvres ces jours-ci. Pourtant, seulement 23,8 % des 15 à 64 ans ayant une incapacité de type développemental sont actifs professionnellement (Réseau national d’expertise en trouble du spectre de l’autisme, 2018).

25 juin 2019
Cindy Lamontagne<br/>Solène Métayer

Bref, bien que les données sur les individus ayant une incapacité liée spécifiquement au développement cérébral ne soient pas disponibles, il est logique d’en conclure que l’inclusion de la neurodiversité en emploi est une solution gagnante pour les entreprises. Nous étudierons ici la façon dont cette inclusion influence les pratiques en gestion des ressources humaines.

Le saviez-vous?

Seulement 23,8 % des 15 à 64 ans ayant une incapacité de type développemental sont actifs professionnellement.

Neurodiversité

La neurodiversité est un terme générique regroupant notamment l’autisme, le TDAH, la douance, la dyslexie, la dyscalculie, le syndrome de Gilles de la Tourette, mais également la neurotypicalité (autrement dit, les individus n’ayant pas de condition neurologique les distinguant de la norme). C’est l’idée que, comme dans tout autre environnement stable, les êtres humains sont différents et complémentaires, en l’occurrence par le biais de leurs cerveaux. Par conséquent, afin de préserver l’équilibre, la seule présence de la norme n’est pas souhaitable, ce qui signifie qu’il est préférable de créer un environnement où chacun peut vivre sa différence et en faire bénéficier autrui.

La neurodiversité inclut :

  • l'autisme
  • le TDAH
  • la douance
  • la dyslexie
  • la dyscalculie
  • le syndrome de Gilles de la Tourette
  • la neurotypicalité (aucune de ces conditions)

Utilité

Les neuroatypiques constituent un bassin considérable de travailleurs. Cela dit, les mesures adaptatives qui leur sont souvent nécessaires pour se maintenir sur le marché du travail, si elles étaient généralisées, elles pourraient avoir des avantages certains sur l’ensemble de la population active. Pensons par exemple à l’horaire flexible, la clarté des instructions, le télétravail, les bureaux fermés ou encore l’ajout de pauses.

Adapter les pratiques RH en fonction de l’inclusion en emploi de la diversité en général et de la neurodiversité en particulier permettrait incidemment à des travailleurs compétents d’accéder au marché du travail et d’y demeurer sans y laisser leur santé, qu’ils soient neuroatypiques ou non. Une adaptation généralisée des pratiques RH aurait également trois autres avantages non négligeables, soit : préserver la vie privée des travailleurs neuroatypiques qui ne souhaitent pas révéler leur diagnostic, faciliter le fonctionnement en milieu professionnel de ceux ignorant leur condition ou étant en recherche de diagnostic, limiter les possibilités de porter des jugements négatifs grâce à l’invisibilité des différences.

Effets

L’inclusion de la neurodiversité appelle forcément un changement de culture, à savoir : passer d’une culture de performance à une culture davantage centrée sur l’humain. Placer l’humain au cœur de nos préoccupations n’est pas une recommandation nouvelle. Elle s’inscrit notamment dans les concepts de marque employeur ou encore de bonheur au travail. En revanche, les neuroatypiques ont ceci de particulier que leurs besoins sont impératifs et non accessoires, comme ce pourrait être le cas pour un neurotypique.

Formation

Le développement des compétences étant au cœur de la vie professionnelle, la gestion de la formation est l’illustration idéale de la façon dont l’inclusion de la neurodiversité peut affecter les pratiques RH.

Élaboration de l’activité de formation

Par exemple, un élément à prendre en compte est l’anxiété, fréquente chez les neuroatypiques face à la nouveauté. Transmettre à l’avance des détails pratiques, tels que le lieu, l’horaire détaillé, le niveau d’interaction requis ou encore la nécessité ou non d’apporter son repas s’avère donc gagnant dans ce contexte, de même qu’indiquer clairement le chemin vers la salle de formation ou vers les commodités lors de la formation elle-même. De telles précisions permettent de rassurer, laissant l’énergie disponible pour se concentrer sur le contenu de la formation.

Une cohérence complète entre les buts de la formation, ses objectifs et son contenu est en outre requise pour qu’un lien direct entre la théorie et la mise en pratique de la formation puisse être effectué. En effet, si ce lien n’est pas concret, le travailleur neuroatypique perdra souvent tout intérêt et oubliera rapidement ses nouveaux acquis. De même, il est judicieux de mettre l’accent sur des exemples réels, que ce soit par le biais d’études de cas, de mises en situation ou de récits (storytelling); en somme, d’ancrer la formation dans le quotidien du travailleur.

Plusieurs neuroatypiques ont besoin d’expérimenter par eux-mêmes pour bien comprendre une notion. Par conséquent, évaluer s’ils ont bien retenu les notions apprises lors d’une formation immédiatement après celle-ci n’est pas nécessairement représentatif de l’effet de cette formation, ce qui signifie qu’il est judicieux d’évaluer les acquis à intervalles réguliers après l’activité de formation.

Organisation de la formation

Évidemment, une attention particulière doit être portée au format de l’activité de formation en tant que telle. Ainsi, comme le rythme, tant en présentiel qu’en ligne, peut être difficile à soutenir sur de longues périodes, il est préférable d’envisager un morcellement de la formation si elle doit durer une journée ou plus. Si cela est impossible, il faudra penser à inclure plus de pauses que lors des formations habituelles afin de laisser le temps aux jambes et aux cerveaux de se dégourdir, et ce, dans le but de maintenir l’attention plus longtemps. Le nombre de participants influence aussi le format préconisé : les formations individuelles ou en petits groupes sont généralement préférables.

Lors de la formation, la méthodologie utilisée pour transmettre les connaissances doit être pensée de manière à favoriser l’engagement cérébral du travailleur neuroatypique. Généralement, celui-ci a une préférence pour le concret et évite les activités en équipe. Par conséquent, les exercices pratiques, les exposés interactifs, les études de cas, la formation à distance et flexible dans le temps, les simulations, les logiciels interactifs, le compagnonnage ainsi que l’entraînement à la tâche sont toutes des techniques à privilégier.

Il serait également nécessaire d’offrir la possibilité d’avoir l’entièreté de la formation par écrit et disponible en tout temps, que ce soit à titre de rappel ou encore de confirmation des éléments appris lors de la formation. Par ailleurs, afin de renforcer l’expérience de formation, une personne-ressource devrait être accessible pour toute question suivant la mise en pratique des acquis.

Mise en garde

Les neuroatypiques sont aussi distincts les uns des autres que les neurotypiques, notamment en matière d’apprentissage. Il n’existe pas de formule idéale toute prête, même si certaines caractéristiques sont plus communes que d’autres. La première étape lors de l’organisation d’une formation est donc toujours de valider les besoins et les préférences de chacun. Faire preuve d’ouverture et de confiance est le meilleur moyen d’ouvrir la discussion afin que les activités de formation soient plus efficaces et plus agréables, ce qui favorisera en fin de compte l’intégration des compétences.

Conclusion

Inclure la neurodiversité, c’est considérer que chacun est différent de son voisin. Bien plus que d’inclure des catégories de personnes, il s’agit donc ici d’inclure des humains. C’est pourquoi nous croyons que les mesures adaptatives doivent être accessibles à tous et non sur la base d’une situation de handicap. C’est de cette façon que l’organisation deviendra un lieu d’épanouissement pour tout un chacun.

 

Références bibliographiques :


Cindy Lamontagne
Solène Métayer

Source :

Revue RH, volume 22, numéro 3, juillet/août/septembre 2019.