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Tour de piste : la diversité et l’inclusion en ressources humaines

Vous n’êtes pas sans savoir que la population canadienne se diversifie d’année en année. Déjà plurielle et hétérogène, elle présente maintenant la plus forte proportion de personnes nées à l’étranger (plus d’une personne sur cinq) parmi les pays du G8 (Statistique Canada, 2016).

Dans cet article, nous traiterons de l’incidence que peut avoir la formation sur la diversité et l’inclusion dans les organisations.

25 juin 2019
Benjamin Gauthier, CRHA

Au-delà des quatre groupes cibles de la Loi sur l’équité en matière d’emploi (femmes, autochtones, personnes en situation de handicap, minorités visibles), pensons aux autres types de diversité, qu’on oublie souvent : l’orientation sexuelle, les croyances religieuses, l’identité de genre, la neurodiversité, etc. Devant ces changements démographiques importants, mais également face au changement de paradigme dans les milieux de travail, autrefois très masculinisés et blancs, comment s’adaptent les organisations pour répondre aux besoins de cette nouvelle main-d’œuvre?

La formation et ses avantages sur la diversité et l’inclusion

Bien que la recherche en soit toujours à ses balbutiements sur cette question, il n’en demeure pas moins que la formation est toujours un bon moyen de sensibiliser et d’informer les employés sur un sujet en particulier. De cette façon, si l’objectif est bel et bien de faire croître la diversité dans une organisation ou de favoriser une culture inclusive, il y a fort à parier qu’une formation n’est jamais superflue. L’automne dernier, nous avons mené une enquête à l’Ordre des CRHA afin de déterminer l’incidence de la formation sur les membres de l’Ordre. Nous nous interrogions à savoir si le fait de suivre une formation sur la diversité et sur l’inclusion lors des études universitaires ou en cours de carrière se traduisait par une hausse de la diversité dans les milieux de travail. Bien que nos résultats fussent décevants d’un point de vue statistique (nous n’avons pas pu établir une corrélation claire et directe entre la formation et la diversité dans les organisations), nous restons convaincus que la formation peut jouer un rôle crucial dans la diversification des effectifs d’une organisation. Comme l’illustre la figure ci-bas, nous constatons tout de même une sensibilité lorsque les gens suivent un cours universitaire en diversité et en inclusion. De prime abord, lorsque nous étudions cette figure, nous remarquons que les organisations qui ont un taux de diversité plus élevé comptent plus de gens qui ont suivi un cours sur la diversité et l’inclusion.

Maintenant, la question qui se pose est la suivante : est-ce que c’est parce que ces gens travaillent dans des organisations qui sont de fait plus diversifiées qu’ils sont plus formés, ou est-ce le fait que ces gens soient formés qui amène une diversification des visages au sein de l’organisation? L’œuf ou la poule? Évidemment, de la recherche supplémentaire à ce sujet permettrait de répondre à ces questionnements et de prendre en compte d’autres variables médiatrices telles que la région où se situe l’organisation (métropole, ville, village), la taille de l’organisation (nombre d’employés, budget), le secteur d’activité, le type d’organisation (privée, publique, OBNL), etc.

Plus loin dans notre étude, nous avons constaté une lacune sur le plan des cours en diversité et inclusion offerts à la population étudiante finissante en ressources humaines et en relations industrielles. Effectivement, lors d’un recensement fait par l’Ordre des CRHA en 2018, seuls sept des 577 cours offerts par les 11 programmes universitaires de premier cycle en ressources humaines ou en relations industrielles au Québec ont le mot diversité dans le titre du cours. Cela représente un maigre 1,2 % du total de ces cours. À ce sujet, nous partageons les préoccupations des chercheurs américains Johnson et Rivera qui dénoncent le fait que les professionnels en ressources humaines ne sont pas davantage exposés à des cours universitaires portant sur la diversité.

Groupes cibles de la Loi sur l’équité en matière d’emploi :

  • femmes
  • autochtones
  • minorités visibles
  • personnes atteintes d’un handicap

La formation : attention aux pièges!

Attention! Bien que nous pensions que la formation est l’une des solutions pour diversifier les organisations et pour favoriser un climat inclusif, elle ne doit pas être une fin en soi. La formation, qu’elle se fasse à l’université ou en organisation, doit toujours s’inscrire dans une stratégie globale. Trop souvent, une formation sur la diversité sera offerte et l’entreprise criera au devoir accompli. Mais plusieurs questions demeurent souvent en suspens. Qui profitera réellement de cette formation? Quel type de formation veut-on réellement offrir? En somme, la formation est l’une des solutions, mais elle n’est pas la seule.

Quelques idées innovantes autres que la formation en diversité et inclusion

Comme mentionné précédemment, la formation doit être accompagnée d’autres mesures. Voici quelques idées : une prise de position claire et formelle de la part de la haute direction en faveur de la diversité, inscription de ses actions et son engagement dans une politique et dans la stratégie globale de l’organisation, création de partenariats avec différents organismes de la communauté (une belle façon de diversifier ses bassins de recrutement), revue de l’aménagement et l’accessibilité des lieux de travail, formation d’un comité sur la diversité et l’inclusion, mise en évidence et appréciation des différences (p. ex. : fêtes religieuses autres que chrétiennes, Journée internationale des populations autochtones, Semaine de la fierté, Mois de l’histoire des Noirs, etc.).

L’avenir de la diversité et de l’inclusion

Bien qu’il y ait des lois et de la jurisprudence qui obligent les organisations à respecter les gens issus de la diversité (Charte des droits et libertés, accommodements raisonnables, Loi sur l’équité en matière d’emploi, etc.), les organisations qui se démarqueront réellement seront celles qui iront au-delà de la simple conformité à la loi. Les organisations innovantes seront celles qui auront des définitions larges de la diversité plutôt que seulement celles prévues par la loi, de même que les organisations qui miseront sur une culture inclusive et qui agiront concrètement pour la bâtir.

Diversité souvent oubliée :

  • orientation sexuelle
  • identité de genre
  • croyances religieuses
  • neurodiversité

Une des histoires à succès est le cas d’IBM. L’histoire d’IBM mérite une attention particulière, car l’argument qui revient souvent est : « Qu’est-ce que ça donne d’investir en diversité et inclusion dans mon organisation? » La vérité est que c’est souvent difficilement quantifiable, mais chez IBM, on affirme avoir remarqué une hausse de centaines de millions de dollars des revenus après avoir fait de la diversité et de l’inclusion une stratégie d’entreprise (« Diversity as Strategy », Harvard Business Review, vol. 82, n° 9). Pourquoi? Le simple fait d’avoir diversifié la main-d’œuvre a ouvert plusieurs possibilités dans de nouveaux marchés. Il est aussi intéressant de noter que la diversité et l’inclusion apportent souvent un lot d’avantages non tangibles tels que la créativité et l’innovation par la confrontation des idées. L’étude de cas d’IBM réalisée par un professeur de la Harvard Business School aura mis en lumière l’une des recettes gagnantes de la diversité : une stratégie organisationnelle intégrée à tous les niveaux, mais portée par la haute direction.

En terminant, avant toutes choses et afin d’attirer davantage de candidats issus de la diversité dans son organisation, « il faut faire en sorte que les travailleurs des groupes sous-représentés sentent que leurs candidatures sont bien accueillies, requises et recherchées », comme le dit la professeure titulaire et chercheuse Tania Saba de l’Université de Montréal (« Mais où sont passés les travailleurs “qualifiés” de la diversité? », Radio-Canada, 12 décembre 2018).

 

Références bibliographiques


Benjamin Gauthier, CRHA Conseiller, ressources humaines Air Transat

Source : Revue RH, volume 22, numéro 3, juillet/août/septembre 2019.