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Mentorat : pour une relation mentorale fructueuse?

Janvier est le mois du mentorat, mais pour les professionnels RH, le mentorat est une démarche qui prend plus qu’un mois, qui est plus qu’une résolution du Nouvel An. C’est un jumelage qui se déploie dans le temps pour développer les compétences autant de la relève que des mentors eux-mêmes. Toutefois, comme pour les résolutions du Nouvel An, il y a des conditions pour que cette démarche s’inscrive dans la durée avec succès.
18 février 2019
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow

Les relations mentorales créées dans le cadre d’un programme formel de men torat sont en quelque sorte des « mariages arrangés » entre deux parte naires qui ne se con naissaient pas nécessairement avant leur jumelage. Les probabilités que cette union temporaire ne soit pas satisfaisante pour l’une ou l’autre des parties, ou pour les deux, sont relativement élevées. Des études récentes nous indiquent qu’entre 20 et 40 pour cent des relations mentorales avortent avant leur fin prévue ou sont simplement dysfonctionnelles. Il est toutefois possible de prévenir ou, à tout le moins, de réduire les déceptions en s’assurant que certaines conditions soient réunies avant et pendant la relation.

Programme basé sur le volontariat

S’il est important que les mentors et les mentorés comprennent les objectifs et les avantages d’un programme formel de mentorat, celui-ci peut réussir que si les mentors et les mentorés y participent volontairement, même si de toute évidence la direction de l’organisation l’appuie. En conséquence, même si le programme est encadré, il ne devrait pas être trop structuré ou rigide, et ce, afin de permettre aux relations s’épanouir par elles-mêmes.

Jumelage approprié

Il n’existe pas de formule pour garantir le succès d’un jumelage entre un mentor et un mentoré. À la base, le mentor devrait avoir quelque chose à transmettre qui correspond aux intérêts et aux besoins de développement du mentoré. Idéalement, le mentoré devrait choisir son mentor, mais dans bien des cas, le coordonnateur du programme de mentorat peut aussi favoriser la création de dyades en identifiant les éléments de compatibilité visibles entre les partenaires.

Les mentors et les mentorés sont formés

Une condition essentielle du succès des relations mentorales est la préparation préalable des mentors et des mentorés. Une formation initiale à propos de leurs rôles respectifs, des objectifs de la relation mentorale, de son évolution et de ses limites, des habiletés interrelationnelles utiles ainsi que du cadre éthique font partie des sujets importants abordés lors d’une telle forma tion. Les études de l’expert David Clutterbuck démontrent que les dyades qui n’ont pas reçu de formation ont un taux de succès probable d’environ 33 %. Lorsque seulement les mentors sont formés, le pourcentage grimpe à 65 %, alors que si les mentors et les mentorés sont préparés, on peut atteindre un taux de succès de 90 %.

La formation peut se faire en personne, mais également sous forme de webinaire ou de contenus formatés en ligne.

Taux de succès des dyades :

  • sans formation : 33 %
  • mentor formé : 65 %
  • mentor et mentoré formés : 90 %

Le mentoré guide la relation

Contrairement à certaines croyances, c’est le mentoré, et non le mentor, qui doit prendre l’ini tiative dans une relation mentorale. En effet, le mentoré doit guider le mentor afin que celui-ci l’aide le mieux possible dans ses besoins de développement. C’est seulement en étant proactif que le mentoré peut retirer ce qu’il souhaite de ses rencontres avec son mentor.

C’est donc le mentoré qui a l’obligation de planifier et d’organiser les rencontres. Il est aussi important pour le mentoré de déterminer les sujets qu’il souhaite aborder avec son mentor et de les lui communiquer autant que possible avant chaque rencontre.

Le mentoré a aussi intérêt à se mettre en mode d'apprentissage en n'ayant pas peur de communiquer ses besoins, ses préoccupations et ses désirs. Finalement, le mentoré doit rechercher des rétroactions de son mentor et les recevoir dans une perspective de développement personnel et professionnel.

Bref, les mentors se sentiront plus utiles si leur mentoré prend la responsabilité de son propre développement et passe à l’action sans attendre.

Assiduité et discipline

La plupart des programmes prévoient une durée pour la relation mentorale tout en suggérant un certain nombre de rencontres au cours de cette période. Les dyades qui injectent un bon dynamisme dans leur relation en se rencontrant toutes les trois ou quatre semaines durant 60 à 90 minutes obtiennent le plus haut taux de satisfaction. De plus, ces dyades ont rapporté avoir eu la discipline nécessaire pour structurer leurs rencontres de manière à en retirer le maximum chaque fois, particulièrement en consacrant les dernières minutes de la rencontre à faire le point sur les apprentissages effectués.

De l’importance des objectifs

Une relation mentorale dénuée d’objectifs clairs risque de devenir un bateau à la dérive et d’échouer. Les objectifs du mentoré forment la toile de fond pour démarrer la relation, étant entendu qu’ils peuvent évoluer en cours de route en fonction des apprentissages du mentoré et de l’apport du mentor. Il importe donc de prendre tout le temps nécessaire lors des premières rencontres pour en discuter. En effet, le fait de discuter des objectifs et la façon dont le mentoré est arrivé à les formuler est souvent aussi important que les objectifs eux-mêmes. En plus d’être précis, les objectifs devraient être réalistes et intégrables dans un plan d’action dans lequel le mentor sentira qu’il peut jouer pleinement son rôle d’accompagnant, que ce soit à court ou à moyen terme. Seule une bonne discussion à ce sujet permettra d’y arriver.

Un mentor possédant de bonnes habiletés de communication

Si la confiance et le respect sont nécessaires pour le développement d’une relation mentorale fructueuse, le mentor doit aussi posséder de très bonnes habiletés de communication, la première étant l’écoute. Un bon mentor devrait écouter 80 % du temps et passer le 20 % du temps qui reste à poser des questions ouvertes, à reformuler et à donner de la rétroaction, en résistant toujours à la tentation d’offrir des solutions ou des conseils sous l’impulsion du moment.

Conclusion

Toutes les relations mentorales ne sont pas égales, mais nous savons que les avantages générés par des relations mentorales qui sont entreprises en intégrant les sept conditions décrites plus haut ont plus de chances de produire des retombées satisfaisantes pour les mentors et les mentorés et indirectement, pour l’organisation qui parraine le programme de mentorat.

 

Références bibliographiques

  • CLUTTERBUCK, David (2011). Why Mentoring Programmes and Relationships Fail. Clutterbuck Associates.
  • ELLER, Lucille Sancero, Elise L. Lev et Amy Feurer. (2014, mai). « Key Components of an Effective Mentoring Relationship: a Qualitative Study ». Nurse Education Today, vol. 34, no 5, pages 815-820.
  • KOHN, Stephen E. et Vincent D. O’Connell (2015). 9 Powerful Practices of Really Great Mentors. How to Inspire and Motivate Anyone. New York, Open Road Media, 240 pages.
  • SCANDURA, Terri (2017, 19 septembre). « Mentoring – A Review of the Science and the State of the Art » [Billet de blogue].

Author
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow Conseiller en mentorat Yvon Chouinard

Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow, est conseiller en mentorat. Il œuvre activement comme bénévole à Mentorat Québec au sein de son comité Veille et Recherche. Il est en particulier rédacteur en chef de La Sentinelle mentorale qui est publiée en janvier lors du Mois du mentorat.


Source : Revue RH, volume 22, numéro 1, janvier/février/mars 2019.