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2020 : la santé psychologique doit être sur toutes les lèvres

En 2020, on parlera davantage de prendre soin de la santé psychologique des collaborateurs. Le monde entre dans la 4e révolution industrielle et subira une transformation rapide et bouleversante.

23 janvier 2020
Yarledis Coneo, CRHA <br/>Marie-Eve Champagne, CRIA

La montée des robots (intelligence artificielle, cobotique, automatisation et exosquelettes) soulagera certaines contraintes physiques et allégera le travail manuel nécessaire à la production des biens et services. Toutefois, on estime que 15 à 30 % des heures travaillées seront automatisables d’ici 2030 et qu’environ 375 millions de personnes devront se réorienter professionnellement (McKinsey & Company, 2017).

Bien que ces avancées technologiques facilitent le travail, elles amènent également leur lot de défis. Pensons à l’hyperconnectivité, qui favorise l’effritement des barrières entre vie personnelle et professionnelle, à la nécessité de s’adapter de façon accélérée, aux réorientations professionnelles « forcées » et à la peur de l’inconnu. Les risques psychosociaux restent également présents dans les organisations, influençant le stress au travail.

Le stress augmente

Les données parlent d’elles-mêmes : ces exigences ont des effets néfastes directs sur la santé psychologique. 

Au Canada :

  • Comparativement aux personnes en emploi dont la surcharge de rôles est faible, celles dont la surcharge de rôles est élevée ont été 2,6 fois plus susceptibles de consulter un professionnel de la santé mentale (Higgins, Duxbury et Johnson, 2004).
  • Les réclamations d’invalidité pour maladie mentale sont deux fois plus coûteuses que celles pour maladie physique, ce qui représente environ 30 milliards de dollars canadiens chaque année (Szeto et Dobson, 2010).
  • Les problèmes de santé mentale constituent la première cause des absences au travail parmi les maladies (Sroujian, 2003).
  • 18 % des travailleurs québécois présentent un niveau élevé de détresse psychologique (Vézina et al., 2011).
  • 400 000 travailleurs québécois ont recours à des médicaments pour réduire leur anxiété, remonter leur moral ou les aider à mieux dormir, ce qui représente toutefois seulement un tiers des travailleurs ayant des symptômes dépressifs (Vézina et al., 2011).
  • Les employés en détresse psychologique sont de 1,4 à 4 fois plus sujets à des troubles musculosquelettiques, des accidents de travail, des troubles mentaux et des maladies cardiovasculaires (Vézina et al., 2011).
  • Un Canadien sur cinq connaîtra un problème de santé mentale au cours d’une année (Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada, 2006).
  • Plus de 6,7 millions de Canadiens présentent un trouble mental ou une maladie mentale. À titre comparatif, 2,2 millions de personnes ont le diabète de type 2 (Smetanin et al., 2011).

La composition de la main-d’œuvre change 

En 2025, les milléniaux formeront 75 % de la main-d’œuvre active. Cette génération parle plus ouvertement de santé mentale comparativement aux générations précédentes et quittera sans remords une entreprise qui n’y est pas sensible.

Pour preuve, selon un sondage de Mind Share Partners (2019), la moitié des milléniaux (23 à 38 ans) et 75 % des membres de la génération Z (18 à 22 ans) ont déjà quitté un travail en partie pour préserver leur santé mentale. En comparaison, moins de 10 % des baby-boomers (55 à 73 ans) avaient quitté un travail pour les mêmes raisons au cours de leur carrière.

Le conflit travail-vie personnelle reste présent

Au cours des dernières années, les exigences de la vie personnelle et professionnelle ont augmenté et s’opposent de plus en plus (Chrétien, Létourneau et Lécine, 2013). Il est encore tôt pour avoir des données scientifiques concernant l’impact de la 4e révolution industrielle sur le conflit travail-vie personnelle. Cependant, des effets sont déjà anticipés sur la formation continue, l’employabilité (emploi vs travail autonome) et la gestion de carrière, ce qui pourrait augmenter considérablement la surcharge des rôles.

Un enjeu pour les CRHA

La santé psychologique est un enjeu pour les CRHA :

  • Parce qu’ils doivent participer à la prévention des facteurs de risques présents dans l’organisation.
  • Parce qu’ils devront gérer au quotidien les défis liés aux conséquences du stress ainsi qu’aux troubles plus graves. Ces défis comprennent notamment la gestion de la performance, la présence au travail, les accommodements, les mesures adaptatives, les conflits, le climat de travail, etc.
  • Parce qu’il faut aussi gérer les absences de longue durée ainsi que la préparation du retour au travail.

Il importe alors de se former afin de mieux comprendre et de mieux intervenir. Le traitement appartiendra toujours aux psychologues et aux médecins, mais ces professionnels n’occuperont jamais le rôle stratégique qu’endossent les CRHA en milieu de travail.

18 % des travailleurs québécois présentent un niveau élevé de détresse psychologique

(Vézina et al., 2011).


La participation aux programmes de promotion de la santé psychologique est de moins de 50 %

(Robroek et al., 2009).

Les CRHA peuvent agir en amont et encourager la discussion

En ergonomie, plus tôt la douleur est déclarée, plus rapidement il est possible d’agir et d’empêcher la pathologie de survenir. Le même principe s’applique avec la détresse psychologique, qui peut souvent mener aux troubles anxieux, aux troubles de l’humeur et à l’épuisement professionnel. Cependant, la stigmatisation empêche la déclaration des problématiques mentales en milieu de travail ainsi que la recherche de soutien (Nogues et Finucan, 2018). D’ailleurs, les études démontrent que la participation aux programmes de promotion de la santé psychologique est de moins de 50 % (Robroek et al., 2009).

Aucune vraie discussion n’est possible sans une déstigmatisation de ces troubles. Il est impératif de favoriser les discussions et de valoriser la recherche de soutien. Prévenir plutôt que traiter.

Tant que la discussion sur les troubles mentaux restera dans les bureaux des psychologues et des médecins, les stigmates demeureront. C’est aux CRHA de discuter de solutions concernant l’organisation, de soutenir les collaborateurs aux prises avec ces problèmes et de trouver des solutions adaptées à chacune des réalités de leur milieu de travail. Il s’agit là d’un premier pas pour amorcer un changement culturel viable et durable dans notre société et nos organisations.

C’est là notre rôle!

 

Références bibliographiques

  • McKinsey & Company (Décembre 2017). Jobs Lost, Jobs Gained. Workforce Transitions in a Time of Automation .
  • HIGGINS, Chris, Linda Duxbury et Karen Johnson (2004). Examen du conflit entre le travail et la vie personnelle et des contraintes qu’il exerce sur le système de santé canadien. Santé Canada.
  • SZETO, Andrew, et Keith Dobson (2010). « Reducing the Stigma of Mental Disorders at Work: A Review of Current Workplace Anti-Stigma Intervention Programs ». Applied and Preventive Psychology, vol. 14, nos 1-4, p. 41–56.
  • SROUJIAN, Carine (2003). « Mental Health is the Number One Cause of Disability in Canada ». The Insurance Journal, vol. 7, no 8.
  • VÉZINA, Michel, et al. (2011). Enquête québécoise sur des conditions de travail, d’emploi et de santé et de sécurité du travail (EQCOTESST). Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail .
  • Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada (2006). Aspect humain de la santé mentale et de la maladie mentale au Canada. Gouvernement du Canada .
  • Commission de la santé mentale du Canada (2013). Making the Case for Investing in Canada .
  • SMETANIN, Paul, et al. (2011). The Life and Economic Impact of Major Mental Illnesses in Canada: 2011 to 2041 . Commission de la santé mentale du Canada.
  • Mind Share Partners (2019). Mental Health at Work. 2019 Report .
  • CHRÉTIEN, Lise, Isabelle Létourneau et Marie-Ève Lécine (2013). L’harmonisation travail-vie personnelle. Des outils pour les personnes en emploi. Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail de l’Université Laval.
  • NOGUES, Sarah, et Jason Finucan (2018). Economic Evaluations of Workplace Mental Health Interventions: A Critical Review. Canadian Journal of Administrative Sciences, vol. 35, no 4, p. 551-552.
  • ROBROEK, Susan, Frank van Lenthe, Pepijn van Empelen et Alex Burdorf (2009). « Determinants of Participation in Worksite Health Promotion Programmes: A Systematic Review ». International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity, vol. 6, no 26, p. 1-12.

Yarledis Coneo, CRHA
Marie-Eve Champagne, CRIA

Source : Revue RH, volume 22, numéro Hors-série