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Tendances RH 2020 : quatre priorités pour les RH à l'international

Quatre tendances RH semblent se démarquer à travers le globe. Que ce soit sur le plan stratégique, normatif ou opérationnel, tous les niveaux de la fonction RH seront engagés par ces quatre tendances de la prochaine décennie. Soyez prêts à vous transformer avec votre organisation. Voyez les avantages et inconvénients de ces tendances.

23 janvier 2020
Raja Abid, Ph.D.

Flexibles, diversifiés, intergénérationnels et en guerre pour une main-d’œuvre compétente et dynamique, les milieux de travail sont en constante mutation. Les tendances RH 2020 sont le reflet de ces défis et regroupent des stratégies, des politiques et des pratiques alignées sur les transformations actuelles qui marquent les entreprises.

Tendance 1 : Analytique RH

Plus des deux tiers des responsables RH sont d’accord avec l’idée que leurs services vivent une transformation numérique et s’orientent davantage vers une approche basée sur les données (KPMG International, 2018). Intelligence artificielle, mégadonnées et réalité augmentée ne sont que des exemples de ces technologies au service des RH.

Dans une ère où les entreprises se font concurrence pour attirer et fidéliser les meilleurs talents, l’analytique RH devient incontournable pour améliorer la prévision et la prise de décision et pour optimiser les processus en place. Les solutions analytiques permettent de s’intéresser de plus près aux informations relatives aux employés en vue de mieux comprendre les indicateurs de performance RH, notamment les statistiques concernant le roulement de personnel et leurs motifs, les performances et l’efficacité globale des stratégies RH. Les informations recueillies sont, en fin de compte, utilisées pour assurer une meilleure expérience employé et pour moderniser plusieurs activités de la fonction RH. Sylvie Brisson, directrice des ressources humaines du groupe Club Med, souligne que l’analytique RH permet au groupe de « comprendre le profil des employés qui réussissent et qui restent dans l’organisation pour ainsi faire un meilleur travail de recrutement et de fidélisation des meilleurs talents » (KPMG International, 2018).

Outre le coût des investissements en outils d’analytique RH, d’autres défis sont à considérer. Premièrement, le professionnel RH risque de se perdre dans un océan de données et de frôler la paralysie analytique. Il faut donc être en mesure d’identifier les données pertinentes pour chaque décision à prendre, les interpréter et les mettre à profit pour prédire, expliquer et développer des stratégies alternatives. Deuxièmement, sécuriser les données de nature délicate des employés et des candidats est impératif. Grâce au Règlement général sur la protection des données, les entreprises européennes ont déjà adopté un mode de stockage des données qui protège la vie privée des collaborateurs. L’urgence de ces mesures est notamment reflétée par les incidents de la dernière année, qui a été marquée par les vols de données personnelles vécus par plusieurs entreprises nord-américaines, notamment Capital One et Mouvement Desjardins.

84 % des milléniaux n’excluent pas la possibilité d’effectuer du travail numérique à la tâche (The Deloitte Global Millennial Survey 2019).

Tendance 2 : La gestion internationale des talents

Les entreprises évoluent dans un monde de plus en plus connecté, où les flux de produits, de services et de talents s’intensifient. Les opportunités qu’offrent les marchés émergents sont devenues incontournables pour la croissance de ces entreprises et les services RH sont tenus de développer l’agilité, la mobilité et l’adaptabilité des ressources humaines.

Atteindre les talents à l’échelle mondiale représente donc un premier défi pour les professionnels RH. Dans un article publié en 2017, Pamela Lirio, professeure en gestion internationale des ressources humaines à l’Université de Montréal et experte des médias sociaux, met de l’avant le concept du « worldsourcing 2.0 », qui fait référence au repérage des meilleurs employés sur de vastes étendues géographiques. « Les médias sociaux et les plateformes de réseautage professionnel offrent dans ce sens des possibilités infinies et doivent être utilisés à bon escient, explique-t-elle. Lenovo et Deloitte, exemples parmi d’autres multinationales, ont utilisé des techniques de micro recrutement et des approches axées sur le jeu en ligne sur Sina Weibo (l’équivalent de Twitter en Chine) afin d’attirer de jeunes talents chinois. » Il est primordial de maîtriser ces outils, de comprendre leurs spécificités régionales et de savoir s’y positionner à travers des politiques bien pensées pour attirer les meilleurs employés.

Le deuxième défi consiste à miser sur la mobilité interne, qui met à profit les talents déjà en place pour les déployer à l’échelle globale de l’entreprise. Selon l’étude Leading the Social Enterprise: Reinvent with a Human Focus de Deloitte (2019), 57 % des répondants pensent qu’il est plus facile pour un employé de trouver un nouveau poste en dehors qu’à l’intérieur de l’organisation. Ce type de mobilité est un moyen de retenir les employés et de les inviter à se renouveler. Pour y parvenir, les services RH doivent non seulement démocratiser la mobilité et l’étendre à différents postes et employés, mais aussi faire intervenir les gestionnaires et les cadres opérationnels pour former un marché de talents internes agiles. Clustree, une jeune entreprise française spécialisée dans l’intelligence artificielle, offre une solution de gestion des talents dédiée à la mobilité interne. Bénédicte de Raphélis Soissan, fondatrice de Clustree, avance lors d’une entrevue télévisée en 2016 : « En s’inspirant de 25 millions de parcours de professionnels dans le monde, Clustree cherche à casser les silos et les processus de clonage qui sont en place dans les grandes entreprises ». Puis elle ajoute : « Avant d’aller recruter à l’extérieur, regardez à l’interne si vous n’avez pas déjà les potentiels qui peuvent correspondre au poste offert. » Dorénavant perçue comme une progression naturelle et motivante de la carrière, la mobilité entre les postes, les projets et les géographies se base sur les compétences transversales et permet de développer les talents sans les cloisonner.

60 % des dirigeants mondiaux estiment qu’en 2020, les meilleurs talents vont vouloir travailler pour des entreprises dont les valeurs sociales sont fortes et en harmonie avec leurs valeurs personnelles (PwC, 2016).

Tendance 3 : Le travail flexible

Le travail flexible est un mode d’activité plébiscité aussi bien par les employés que par les employeurs. Horaires flexibles, télétravail périodique, poste entièrement à distance ou congés à durée indéterminée sont offerts par les entreprises pour répondre au besoin de flexibilité de temps et de localisation des employés. Le travail flexible inclut aussi des formes alternatives de travail (travail numérique à la tâche, travail de production participative, travail autonome), utilisées pour répondre au défi de pénurie de main-d’œuvre en donnant accès à un bassin de talents plus large, parfois situé au-delà des frontières géographiques. L’étude The Deloitte Global Millennial Survey 2019 révèle que 84 % des milléniaux n’excluent pas la possibilité d’effectuer du travail numérique à la tâche. Les services RH doivent donc intégrer ces formes alternatives comme une source stratégique de talents et non pas comme une simple solution de rechange temporaire.

Même si certaines grandes entreprises ont récemment diminué l’ampleur de leurs programmes de télétravail (notamment IBM, Yahoo et Best Buy), cette tendance est là pour de bon. L’expansion récente de Selina, plateforme d’espaces de travail partagé, de logement et d’échange entre les travailleurs nomades, reflète l’engouement pour davantage de flexibilité. Présente dans 13 pays et 54 localisations, cette chaîne d’hôtels permet aux entreprises d’offrir la possibilité à leurs employés de travailler jusqu’à deux mois par année dans ses établissements. Le Royaume-Uni a pour sa part introduit cette possibilité pour tous les employés (et pas seulement les parents et les proches aidants) de faire une requête de travail flexible après 26 semaines de travail au sein d’une même entreprise.

Deux principaux défis émanent de cette tendance. D’un côté, apprendre à gérer des équipes virtuelles et diversifiées est devenu capital pour les gestionnaires qui doivent en faire un collectif intégré et performant. D’un autre côté, c’est le défi des conditions de travail de cette main-d’œuvre flexible qui se pose. Équité, justice et inclusion sont la clé pour assurer un engagement de ces travailleurs et développer les compétences critiques pour l’organisation. Le piège à éviter est de créer des inégalités et de ne pas offrir le support nécessaire aux employés qui effectuent ce type de travail flexible.

Tendance 4 : La gestion socialement responsable des RH 

Cette approche combine deux particularités des RH contemporaines : l’orientation employés des entreprises et la recherche de sens par les employés.

D’une part, se concentrer sur les employés, valoriser leurs champs d'intérêt et combler leurs besoins est la priorité de plusieurs entreprises qui réussissent à garder leurs ressources humaines motivées et engagées. De l’autre, les nouvelles générations (milléniaux et génération Z) ont un désir de confiance et d’authenticité dans l’image de l’entreprise pour laquelle ils travaillent et dont ils évaluent l’effet social. Un sondage effectué par PricewaterhouseCoopers en 2016 révèle que 60 % des dirigeants mondiaux estiment qu’en 2020, les meilleurs talents vont vouloir travailler pour des entreprises dont les valeurs sociales sont fortes et en harmonie avec leurs valeurs personnelles.

L’éthique et l’intégrité sont maintenant centrales pour développer une marque employeur qui répond à la recherche de sens par les employés. Les entreprises doivent donc adopter un positionnement socialement responsable sur le long terme dont la première cible est les employés, ambassadeurs les plus crédibles pour véhiculer l’image de l’entreprise.

Orientée vers le bien-être des employés et leurs champs d’intérêt, la gestion socialement responsable des RH inclut un nombre de pratiques telles que la participation et la communication, l’égalité des chances, le partage des bénéfices et les pratiques de conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Outre les gains à l’extérieur de l’organisation (réputation, marque employeur et visibilité), les retombées sont aussi internes et incluent le sentiment d’appartenance et d’engagement, ainsi que l’incitation à l’innovation et à la collaboration. À l’international, le positionnement socialement responsable peut profiter aux entreprises multinationales en leur permettant d’éviter différents scandales reliés aux pratiques d’emploi le long de leurs chaînes de valeur mondiales.

Ces tendances se reflèteront certainement sur le profil du professionnel RH de demain. Orientation employés, spécialisation et nouvelles compétences analytiques feront sans doute partie des impératifs RH imposés par cette nouvelle décennie.

Références bibliographiques


Author
Raja Abid, Ph.D. conseillère Équité, diversité et inclusion Normandin Beaudry

Source : Revue RH, volume 22, numéro Hors-série