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Transformer sa pratique : mission possible et surtout exaltante!

Quelques années après avoir terminé ses études, se retrouver à occuper des postes convoités dans de grandes entreprises québécoises, et surtout y exceller. Puis, rêver de transformer sa pratique et décider de se lancer en affaires. C’est l’histoire de deux jeunes entrepreneurs RH qui ont élaboré un cocktail de cinq ingrédients qui leur a permis de rapidement transformer leur façon de pratiquer leur profession.
22 octobre 2018
Chantal Lamoureux, CRHA

Mathieu Beaufort, CRHA, et David Devin, CRHA, ont lancé leur entreprise, 1MPACT Partenaires d’affaires, il y a moins d’un an. Cette entreprise, ils en ont rêvé. Ils ont investi de nombreux efforts de préparation et se sont lancés, saisissant les opportunités qui se présentaient à eux. Comment vit-on une telle transformation dans sa pratique professionnelle? Qu’est-ce que ça prend pour se lancer ainsi et réussir à se sentir bien dans cette nouvelle réalité? Nos deux collègues ont accepté de partager la recette de leur cocktail exclusif de transformation pour passer de professionnel en entreprise à professionnel entrepreneur, les 5 C : confiance, complicité, conseils, choix, et une bonne dose de connaissance de soi.

Tout part de la confiance

Quand on leur demande quel a été l’élément déclencheur pour transformer la façon dont ils pratiquent leur profession, les deux nous répondent qu’ils souhaitaient faire une différence auprès des gestionnaires. Alors que David travaillait à soutenir la transformation RH d’une grande entreprise, il a réalisé qu’il était dommage que ses gestionnaires puissent bénéficier de tant de services RH alors que tout cela n’était pas accessible aux gestionnaires des plus petites entreprises. Mathieu, qui avait été administrateur au CA d’un OBNL pendant six ans, dont cinq en tant que président, savait que cette expérience lui avait permis de prendre confiance en sa débrouillardise et en sa capacité d’influence. Suffisamment pour accepter de se lancer dans cette aventure professionnelle.

Pour se transformer d’employé à entrepreneur, il est essentiel de se faire confiance, mais encore faut-il que les clients nous accordent leur confiance... Alors qu’on voit plus souvent des professionnels plus expérimentés se lancer en affaires, Mathieu et David admettent qu’ils ont craint que les clients ne leur fassent pas confiance d’emblée en raison de leur jeune âge. Mais ils ont vite réalisé que ce n’était pas du tout le cas! Puisqu’ils ont eu assez confiance en eux-mêmes et en leur propre expertise, ils ont vite trouvé comment influencer leurs clients. Et c’est différent de comment ils le faisaient en entreprise. Ils ont dû mettre davantage l’accent sur leur sens des affaires.

En tant que professionnel RH, il est essentiel d’être constamment à l’affût des impacts financiers de nos interventions. Mathieu et David disent qu’ils en étaient conscients lorsqu’ils exerçaient en entreprise, mais jamais autant qu’ils le sont présentement en travaillant avec des entrepreneurs. Et cela vient teinter considérablement les conseils et les propositions de service qu’ils font à leurs clients. « Avant de proposer une démarche de diagnostic organisationnel qui comporte plusieurs rencontres de travail, tu y penses et tu essaies de voir comment optimiser le temps investi, autant par nous que par nos clients. Et ce, sans compromettre la qualité des services offerts », dit Mathieu.

Quand complicité rime avec efficacité

Mathieu et David ne sont pas avares d’éloges l’un envers l’autre. Quand on les rencontre, on sent rapidement que c’est beaucoup plus que de la confiance : c’est de la complicité. Ils nous racontent bien candidement comment ils discutent de toutes les décisions ensemble. Et c’est très précieux pour eux. Ils savent pertinemment qu’ils ont des forces différentes et complémentaires. Ils abordent les questions avec des perspectives différentes et cela les aide considérablement à s’adapter. Car cette capacité est davantage sollicitée dans leur nouvelle posture d’entrepreneurs. « Nous pouvons voir trois clients tout à fait différents dans une même journée. Ça demande une grande capacité d’adaptation et de savoir que je peux compter sur mon partenaire pour trouver rapidement les solutions les plus adéquates pour chacun de nos clients. Ça fait toute la différence. »

Mais cette grande complicité entre les deux partenaires peut aussi apporter son lot de difficultés. « Pour certains mandats, nous devons choisir des collaborateurs, et ce n’est pas chose facile. Nous avons une vision très forte de comment nous voulons traiter nos clients et nous voulons la retrouver chez les gens avec qui nous travaillons. »

La force des conseils de leurs accompagnateurs

Mathieu et David ne sont pas seuls dans cette aventure professionnelle. Ils ont la très grande chance d’être entourés de personnes généreuses qui leur prodiguent des conseils, qui les aident à voir clair. « D’anciens hauts dirigeants de grandes entreprises, dont certains CRHA Distinction Fellow très chevronnés, nous entourent. Parce qu’ils en ont vu d’autres, ils savent nous aider, par exemple à développer notre patience. Le développement des affaires prend du temps et du doigté. Il peut arriver que plusieurs rencontres soient nécessaires avec un client potentiel pour en arriver à conclure une entente. » C’est une des choses qui les a beaucoup étonnés au départ. Mais quand ils jettent un regard sur les huit derniers mois depuis qu’ils sont dans les affaires, ils constatent que tout s’est passé assez vite finalement!

Tout est une question de choix

Selon Mathieu et David, la vie d’un entrepreneur est une vie de décisions. Au-delà de la décision initiale de se lancer en affaires, ils doivent tous les jours faire des choix qui ont des impacts importants pour leurs clients et pour eux-mêmes. Ce qui rend le tout intéressant pour eux, c’est qu’ils sont désormais encore plus imputables de leurs choix.

Ils prennent conscience du niveau de risque de leurs décisions, et plus ils en prennent, plus ils savent qu’ils sont imputables. « Lorsqu’on travaillait en entre - prise, on se mettait déjà une pression naturelle, mais désormais, on gère le tout différemment. On apprend à assumer l’imputabilité de ce qui nous appartient, mais ni plus ni moins. »

Mathieu et David réalisent comment ces défis de gestion sont importants maintenant qu’ils dirigent leur entreprise et qu’ils sont totalement maîtres de remplir leurs mandats comme ils le veulent. Ils ont réalisé que tout cela exige une bonne dose d’honnêteté envers eux-mêmes et envers leurs clients. Ils ont rapidement appris à être constamment en mode réflexion pour être en mesure de préserver leur intégrité, et ce, à tout prix. D’ailleurs, en affaires, le prix des services est une composante importante à gérer, qu’on ne gère pas lorsqu’on est employé. La question des tarifs leur a causé un lot de questionnements. Ils se sont balisés, ont été mis au défi, puis ont été en mesure de mettre en place une structure tarifaire en fonction de leur clientèle et surtout en fonction de leurs expertises. Et ils ne sont pas du tout remis en question par leurs clients. Ils en sont soulagés, car renier cette structure tarifaire aurait été comme renier leur intégrité. Comme ils se connaissent bien, ils savent ce qu’ils valent.

Les 5 C de la transformation professionnelle :

  1. Confiance
  2. Complicité
  3. Conseils
  4. Choix
  5. Connaissance de soi

La connaissance de soi, cet élément essentiel

Tout au long de notre entretien, Mathieu et David m’ont interpelée par leur capacité d’introspection. En tant que professionnels, on dit souvent que nous sommes notre principal instrument de travail. Ils ont compris cela et ils font très attention à eux-mêmes.

Ils savent d’où ils viennent. Ils ont étudié, ont pu travailler pour des entreprises bien établies, ont rencontré des gens qui leur ont fait confiance et travaillent maintenant à développer leur pratique, leur entreprise, et à se développer personnellement. Ils connaissent leurs forces et leurs limites.

Ils se sont investis pour penser leur modèle d’affaires et voir comment ils allaient s’établir. Ils savent encore plus aujourd’hui qu’il ne faut rien prendre pour acquis. Devenir entrepreneur demande une bonne dose d’agilité et d’adaptabilité. Et quelques fois, au bon moment, il faut savoir aller chercher de l’aide. Ils ne pourraient pas le faire sans cette connaissance de soi si essentielle.

Mathieu Beaufort, CRHA, et David Devin, CRHA, souhaitent que la profession RH puisse encore plus prendre sa place et assumer son leadership dans toutes les organisations, que nous devenions tous des incontournables au succès des entreprises et des gens qui les composent. Pour cela, Mathieu et David ont choisi d’accompagner des entrepreneurs d’ici et de leur apprendre à gérer humainement des humains. Et ils veulent le faire en continuant d’avoir autant de plaisir ensemble. On leur souhaite!


Author
Chantal Lamoureux, CRHA Présidente-directrice générale Institut Québécois de Planification Financière

Gestionnaire possédant plus de vingt-cinq ans d'expérience dans le domaine de la gestion des ressources humaines au sein de grandes entreprises privées et publiques, Chantal Lamoureux, CRHA est reconnue pour son dynamisme, son pragmatisme et sa capacité à créer des partenariats d’affaires réussis. Fière d’avoir réussi à créer et diriger des équipes multidisciplinaires pour concevoir, déployer, et évaluer des projets d’envergure qui ont permis d’accroître la contribution RH à l’atteinte des objectifs d’affaires, Chantal a choisi de s’impliquer activement dans le développement de sa profession, qu’elle estime essentielle, unique, complexe et encore trop souvent méconnue auprès des décideurs, des gestionnaires, des employés et du public en général.


Source : Revue RH, volume 21, numéro 4, octobre/novembre/décembre 2018