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Lésion psychologique : Accompagner le travailleur lors de son retour

La pression peut venir de partout. Certaines personnes (employés, collègues ou supérieurs) vivent une perte de sens et d’énergie qui les empêche de continuer à performer. Savoir comment accompagner les gens à ce momentlà et au retour d’une lésion psychologique est un atout. Comme comprendre que ces difficultés peuvent devenir des alliées pour rétablir la confiance de la personne envers son travail.

1 août 2018
Mélanie Grégoire

Notre société moderne nous propose une multitude de produits, d’idées et de services pour nous éduquer, nous aider à suivre les tendances, stimuler nos sens, améliorer notre qualité de vie et nous permettre de nous accomplir. Elle vise à répondre à nos besoins, nous qui sommes en quête de bonheur et de réussite sociale. Bien souvent, nous nous identifions à notre savoir-faire, à notre savoir-être et à notre emploi pour faire rayonner notre essence et entrer en relation avec les autres. En ce sens, il va de soi que l’identité professionnelle est une façon importante de définir notre place au sein de la société.

Parallèlement, le marché du travail est en constante mutation. Nous sommes de plus en plus appelés à faire preuve de créativité pour accomplir davantage de travail avec des ressources souvent limitées pour atteindre nos objectifs. L’organisation des sphères personnelles et professionnelles devient alors une habileté à développer pour mener une vie équilibrée, partagée entre nos responsabilités et le sens que nous souhaitons accorder à ces dernières.

La conciliation de ces sphères présente son lot de difficultés, et il arrive parfois que la pression de maintenir son emploi, de vaquer à ses activités de vie quotidienne, de prendre soin des membres de sa famille, d’avoir une bonne hygiène de vie (exercice, alimentation), tout en s’accordant du temps pour les loisirs, devienne un fardeau. Les stress infligés à répétition sur notre corps peuvent alors se transformer en symptômes puis, ultimement, en problèmes de santé. La personne qui éprouve des difficultés au point où elle devient incapable de fonctionner et de répondre aux exigences décide souvent, ou se voit forcée, de se retirer temporairement du marché du travail.

Actuellement, les périodes d’invalidité sont majoritairement liées à des causes d’ordre psychologique : dépression, épuisement professionnel, trouble de l’adaptation, anxiété généralisée, etc. Pour retrouver la santé, le travailleur est invité à suivre les recommandations de son médecin, et parfois même à participer à un programme de réadaptation. Plusieurs intervenants peuvent aider à identifier les barrières et à trouver des solutions personnalisées en vue d’un reconditionnement vers la vie active (Guide de l’employeur concernant le traitement des périodes d’absence pour invalidité, Santé et Services sociaux Québec, 2008).

De son côté, le travailleur se retrouve souvent perdu devant une réalité qu’il n’a pas souhaitée. Il se sent vulnérable, dépourvu et sans repères. Sa confiance est effritée par l’inquiétude et peu à peu, l’espoir diminue. Il se demande comment il parviendra à redevenir fonctionnel et à « joindre les deux bouts ». Il se demande comment il sera accueilli par ses collègues et patrons à son retour au travail et s’il sera en mesure de suivre la cadence demandée.

Selon les difficultés vécues par le travailleur, les médecins, spécialistes, ergothérapeutes, psychologues, kinésiologues, conseillers en orientation et spécialistes des ressources humaines sont des professionnels reconnus pour optimiser les capacités fonctionnelles et favoriser le retour au travail. En effet, ces intervenants aident le travailleur à mettre des mots sur la situation vécue, à mieux comprendre et accepter sa réalité, et à établir un plan d’action personnalisé. Que ce soit pour identifier les scénarios catastrophiques, reprogrammer son cerveau à considérer de nouvelles perspectives de vie, améliorer sa concentration, sa mémoire ou sa force physique, chaque plan est conçu sur mesure en fonction du profil de personnalité et des intérêts du travailleur. Toutes les combinaisons sont possibles : un ancien sportif peut retrouver la forme avec des activités physiques adaptées, un amoureux de la lecture peut faire de l’écriture ou de l’art thérapeutique, une personne engagée socialement peut se porter à la défense des animaux par le biais d’une activité d’engagement social, etc.

Quelques symptômes de l’épuisement professionnel :

  • Fatigue chronique
  • Problèmes de mémoire
  • Insomnie
  • Anxiété
  • Dépression
  • Palpitations cardiaques
  • Problèmes gastro-intestinaux

Afin d’accompagner le travailleur vers un retour durable en emploi, les membres de la direction, les collègues et le travailleur lui-même ont tout intérêt à s’engager dans un effort de coresponsabilisation envers la démarche proposée. Pour y parvenir, voici quelques éléments clés qui permettent d’arrimer respect et bienveillance :

  • Le suivi auprès du travailleur, même pendant son invalidité, pour voir comment il évolue ou simplement pour s’intéresser à lui et s’assurer qu’il ressente une considération de la part de son employeur. La communication peut être amorcée et maintenue tant par le travailleur que par l’employeur.
  • Une rencontre préparatoire avant ou lors du premier jour du retour au travail permet d’échanger sur les attentes mutuelles, sur les changements survenus dans l’organisation depuis l’arrêt de travail et sur l’engagement réciproque à bien préparer le retour et à le rendre durable.
  • L’accueil du travailleur, sans jugement, afin de saisir les circonstances qui ont mené à l’arrêt de travail, pour autant qu’elles soient de nature professionnelle et non confidentielle. Le fait de comprendre les circonstances (facteurs médicaux et non médicaux) ayant contribué à l’arrêt de travail permet d’établir des stratégies adaptées pour la démarche de retour.
  • La compréhension et le respect des capacités, restrictions et limitations fonctionnelles afin de s’assurer de la compatibilité du poste à combler et des fonctions et responsabilités qui y sont associées.
  • L’ouverture à intégrer les modalités prescrites du retour au travail. Qu’il s’agisse de suivre un horaire allégé menant à un retour progressif au travail à temps complet, d’adapter le poste ou l’environnement de travail, ou encore de mettre en place tout autre accommodement raisonnable afin que le retour se fasse en douceur et qu’il se déroule en bonne et due forme.
  • La communication régulière, ouverte et authentique, afin de discuter des progrès, des zones de vigilance et du plan de réussite augmentera certainement les chances de succès de la démarche.
  • L’implantation et le maintien de saines pratiques de gestion, favorables à l’engagement, à la mobilisation et au sentiment de contribution et de réalisation par le biais d’une gestion participative, offrant à chacun l’occasion de prendre part à la construction de l’organisation.
  • La découverte ou la redéfinition d’un sens à ce que fait le travailleur, dans une optique plus large que l’atteinte de ses objectifs personnels, lui permettra de trouver la motivation nécessaire pour surmonter les obstacles qui se présenteront dans sa carrière.

En définitive, il faut comprendre que les embûches deviennent d’excellentes alliées du développement lorsqu’elles sont transformées en expériences constructives. Le futur peut alors être envisagé avec confiance. Ensemble, il est possible de faire la différence dans la vie des personnes qui traversent des périodes difficiles en leur offrant un accompagnement digne de la contribution qu’elles seront bientôt en mesure d’offrir à l’organisation.


Référence bibliographique

MALLETTE, Sylvie et al. (2008). Guide de l’employeur concernant le traitement des périodes d’absence pour invalidité. Santé et Services sociaux Québec.


Mélanie Grégoire BrissonLegris

Source : Revue RH, volume 21, numéro 3, juillet/août/septembre 2018