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Actualité 2018 : les tendances en recrutement

Trouver une aiguille dans une botte de foin : c’est grosso modo l’objectif du sourcing, une technique de recrutement qui continuera de se raffiner en 2018.
1 janvier 2018
Martine Roux

Cette chasse de têtes des temps modernes, qui consiste à trouver les meilleurs candidats pour un poste – qu’ils soient à pourvoir ou non – au moyen des nouvelles technologies, exige de plus en plus de doigté et d’agilité, résume Sébastien Savard, CRHA, président de Sourcinc.

Le sourcing 2.0

Autrement dit, pour repérer et convaincre un candidat potentiel avant qu’il ne passe à un autre appel, il faut maîtriser les outils technologiques et s’en servir de façon ciblée. « Plus les outils sont spécialisés, plus le message d’approche sera personnalisé, ce qui hausse le taux de réponse », dit-il. Par exemple, les réseaux sociaux – et pas seulement LinkedIn – ainsi que le web en général permettent de recueillir beaucoup d’informations sur un candidat. Mais pour dresser un « portrait à 360 degrés », on peut compléter avec des outils basés sur l’intelligence artificielle comme Connectifier, ajoute Sébastien Savard.

« La portion recherche du recrutement est probablement celle où les probabilités d’y avoir le plus d’avancées technologiques en 2018 sont les plus fortes. Ensuite, le gros défi consiste à engager une conversation avec le candidat. Et ça, ça ne se fait pas à partir d’une machine! »

En 2018, une approche proactive comme le sourcing est incontournable dans un marché de l’emploi marqué par une pénurie de candidats spécialisés, ajoute Samuel Bouchard, CRHA, conseiller en recherche de talents senior chez ISR inc., une firme de recrutement en technologies de l’information. « Les outils qui font appel à l’intelligence artificielle ou aux mégadonnées (big data) sont une précieuse aide à l’embauche, notamment parce qu’ils nous fournissent une information objective sur un candidat. Plusieurs en sont encore à l’étape du développement. Je suis en train d’en explorer quelques-uns qui semblent prometteurs, mais il faudra voir comment ils évolueront en 2018. »

L’intelligence artificielle et les mégadonnées

Au Québec, constatent les experts, l’utilisation d’outils ayant recours à l’intelligence artificielle ou aux mégadonnées à des fins de recrutement est loin d’être aussi répandue que chez nos voisins américains. N’empêche, ces technologies gagnent des adeptes chez nous, une tendance qui devrait se poursuivre en 2018.

Grâce aux données fournies par son partenaire SPB, la firme montréalaise D-Teck a notamment développé des algorithmes alliant intelligence artificielle et psychométrie afin de prédire le rendement au travail. Ces tests de prédictivité, que le candidat complète en environ trois heures, lui attribuent un score « pratiquement 100 % fiable », explique la psychologue organisationnelle Isabelle Tremblay, directrice produit chez D-Teck.

« L’idée est de reproduire le jugement d’un psychologue organisationnel avec des algorithmes mathématiques. En un clic, le recruteur peut voir l’analyse de potentiel de la personne et obtient une vision éclairée de ses compétences. » Ces tests mesurent les compétences transversales de neuf familles de postes professionnels, précise-t-elle : gestion de projets, direction d’équipes, etc. En 2018, D-Teck y ajoutera également des variables liées à l’organisation et à ses valeurs.

Cependant, peu d’entreprises québécoises utilisent les mégadonnées dans leur processus de recrutement, selon Sébastien Savard. « La majorité de nos clients en sont encore à l’étape de se demander s’ils implantent ou non un ATS [pour Applicant Tracking System, un robot qui filtre et sélectionne les candidatures]. Avant de parler de big data, il faut déjà apprendre à utiliser le data tout court! Ce sera un gros pas en avant… »

Aux États-Unis, Google développe actuellement des solutions de recrutement en ligne misant sur l’intelligence artificielle, souligne Isabelle Tremblay, notamment pour l’affichage de postes et la présélection des candidats. Ce n’est qu’une question de temps avant que de tels outils d’intelligence artificielle appliqués aux RH ne déboulent ici, croit-elle.

En France, la plateforme Yatedo, sorte de Google du recrutement, est un bon exemple d’un outil qui met l’intelligence artificielle au service des ressources humaines. Pour aider le recruteur à trouver la perle rare, ses algorithmes scannent l’ensemble du web (réseaux sociaux, blogues, articles de presse, sites Internet, etc.) et analysent l’information publique sur les personnes, qui sera ensuite structurée en guide pratique.

La création de communautés

La création et l’entretien de bassins de candidats potentiels constituent une autre tendance du recrutement en 2018. Chez nnumann, firme lavalloise de recrutement et de consultation en ingénierie, c’est d’ailleurs l’une des six stratégies mises de l’avant pour susciter « une expérience candidat extraordinaire », affirme Simon Clément, CRHA, directeur, Culture et talents.

Ce spécialiste entretient régulièrement des relations avec des candidats non retenus pour un poste, mais possédant néanmoins un profil d’intérêt. « L’être humain n’est pas toujours placé au centre des processus. Par exemple, si quelqu’un postule à un poste, mais n’est pas sélectionné, sa candidature tombe ensuite dans l’oubli. Pourtant, cette personne pourrait être à la bonne place six mois plus tard dans un autre poste. On oublie souvent qu’une organisation se bâtit sur sa communauté! »

Concrètement, Simon Clément se fait un devoir de contacter tous les candidats n’ayant pas été retenus pour le poste affiché par un client pour leur expliquer les raisons. « Ils l’apprécient énormément et se souviennent de moi par la suite, dit-il. J’ai placé quelques candidats ainsi plus d’un an après qu’ils aient postulé à un autre poste. »

Cette culture de « pipelines de talents », comme l’appelle Sébastien Savard, est selon lui un incontournable du recrutement en 2018. « Le paradigme a changé. Je ne cherche plus un candidat parmi les 100 personnes qui ont postulé à un poste : je regarde plutôt le million de personnes à Montréal qui pourraient avoir le profil. La technologie et les outils de communication nous permettent aujourd’hui de développer des pipelines de talents. Pour moi, le futur du sourcing tourne autour de la création de communautés de talents afin de trouver et de convertir des candidats passifs en candidats intéressés. »

Samuel Bouchard est également de cet avis. « Entretenir une communauté sur les réseaux sociaux ou par courriel avec des candidats potentiels crée une certaine familiarité, ce qui fait augmenter le taux de réponse. Il faut s’assurer de travailler son message de façon attrayante, de maintenir régulièrement la conversation. »

Le contact humain

« On parle beaucoup de la marque employeur, mais concrètement, plusieurs recruteurs traitent encore les candidats comme des numéros », constate Simon Clément.

Pour cette raison, nnumann a mis au point six stratégies d’approche ou de recrutement orientées vers les gens; Simon Clément l’appelle « son Big 6 ». Parmi celles-ci, la ludification. « On a introduit le jeu dans le processus de recrutement : un candidat potentiel qui complète une des 12 missions reçoit un badge, par exemple. S’il les complète toutes, on lui donne 10 000 $. C’est le fun et ça marche, car on suscite l’intérêt des candidats, qui nous recommandent à d’autres personnes. »

Autre exemple « d’humanisation » : l’analytique RH en début de processus de recrutement, ajoute Simon Clément. « Pour avoir la bonne personne au bon poste, il faut miser autant sur le savoir-être que sur le savoir-faire et le savoir tout court. D’entrée de jeu, on a recours aux tests psychométriques afin de valider la personnalité et les motivations du candidat. C’est souvent ce qui fait la différence dans l’embauche. »

Vers l’automatisation des processus?

Selon la psychologue organisationnelle Isabelle Tremblay, l’année 2018 sera aussi marquée par l’avancée de l’intelligence artificielle et du machine learning ainsi que par l’automatisation des processus. Dans quelques années, plusieurs tâches aujourd’hui accomplies par les gestionnaires RH – la présélection des candidats, par exemple – seront d’ailleurs accomplies par des robots.

Les spécialistes du recrutement pourront ainsi se consacrer aux tâches à valeur ajoutée, croit cette experte. « Je compare toujours l’intelligence artificielle à Internet il y a 20 ans : on ne sait pas où ça va nous mener, mais c’est clairement un outil qui transformera notre travail, notamment en nous aidant à accomplir les tâches administratives. »


Martine Roux 37e AVENUE

Source : Revue RH, volume 21, numéro 1, janvier/février/mars 2018