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Transformation d'entreprise : l’évolution de la culture organisationnelle comme facteur de succès

Opérer une transformation de la culture d’entreprise est une démarche courageuse qui doit être réalisée avec rigueur et engagement à tous les niveaux. Voici comment SSQ Groupe financier a procédé pour réaliser les premières étapes de ce processus.

1 novembre 2017
Sarah Girouard, CRHA

Une transformation organisationnelle d’importance a été réalisée en 2016 chez SSQ Groupe financier. À travers cette initiative, les employés des sept compagnies formant le Groupe ont été réunis en une seule compagnie. Bien plus que structurel, ce virage soutenait une vision inspirante : celle de devenir UNE entreprise centrée sur le client. Autrement dit, la volonté était de canaliser les efforts vers la création d’une force commune, mise au service des clients.

Pour y arriver, tous les secteurs de l’organisation étaient appelés à évoluer, voire à se transformer. Du modèle organisationnel jusqu’à l’aménagement des espaces de travail, en passant par la structure de gouvernance, la structure financière, la planification stratégique et la gestion des ressources humaines : tout devait y passer.

La grande question était toutefois de savoir si la culture organisationnelle devait elle aussi faire l’objet d’une importante refonte. Deux facteurs principaux ont finalement motivé la décision d’aller de l’avant :

  1. Une organisation, comme une personne, développe au fil du temps sa propre personnalité et s’ajuste en fonction des expériences qu’elle vit. Ainsi, si on tente de transformer une organisation sans se préoccuper de sa culture, deux résultats peuvent se produire : les comportements des employés s’ancrent dans le passé et créent un écart grandissant avec la vision stratégique; les normes informelles dans l’organisation dictent les nouveaux comportements à adopter pour s’adapter au contexte qui change sans toutefois garantir une harmonisation avec la culture requise pour soutenir la vision d’avenir. C’est pourquoi l’organisation a avantage à s’intéresser à sa culture et à la faire évoluer de façon à incarner sa vision stratégique. Plus que cela, il s’agit en fait d’une responsabilité des RH d’en faire un levier pour appuyer la transformation en cours.
  2. En plus de mobiliser les gens autour de valeurs et de principes communs, et ainsi propulser l’organisation vers la réalisation de sa vision, la culture organisationnelle constitue un outil d’attraction et de rétention. Une fois la transformation organisationnelle complétée, la culture demeure un avantage concurrentiel important qui a d’ailleurs toujours permis à SSQ de se distinguer.

Afin de définir et de propulser l’évolution de la culture organisationnelle re­quise pour soutenir sa vision stratégique, SSQ Groupe financier a choisi d’être accompagné par des experts d’Alia Conseil, qui lui ont proposé une démarche en cinq étapes.

Transformation de la culture organisationnelle chez SSQ Groupe financier :

7 compagnies réunies en une seule

2000 employés touchés par cette transformation

75 % des employés ont contribué activement au processus de transformation

ÉTAPE 1 : En premier lieu, une vingtaine d’acteurs stratégiques, dont le PDG, les membres de la haute direction, ainsi que certains gestionnaires et représentants syndicaux, ont été rencontrés individuellement afin de recueillir leurs perceptions et opinions sur l’évolution culturelle souhaitable pour l’organisation.

Puisque ces acteurs stratégiques représentaient des sources d’information, mais jouaient aussi des rôles d’influence dans l’organisation, ces entrevues ont également servi à démystifier ce qu’est la culture organisationnelle. Après tout, il faut admettre que la culture organisationnelle peut sembler un concept flou pour plusieurs.

Pour simplifier, on a conclu que la culture est le reflet des comportements, attitudes,croyances, valeurs et convictions qui sont partagés par les employés et qui contribuent à créer un environnement de travail unique. Qu’elle se vit au quotidien. Qu’elle fournit des directives non écrites et souvent non dites sur la façon de penser et d’agir dans l’organisation. Que c’est en quelque sorte par cette identité collective, cet « ADN », que l’organisation se différencie de ses concurrents, auprès de ses collaborateurs et de ses clients, et qu’elle développe sa « signature distinctive » (inspiré de : Ulrich, 2016 et Erikson & Gratton, 2007).

ÉTAPE 2 : Une fois la collecte d’information préliminaire effectuée, un diagnostic culturel a été réalisé auprès de l’ensemble des employés au moyen d’un questionnaire. Cette étape cruciale a permis de mieux comprendre la situation de départ (dite « culture actuelle ») et la situation souhaitée dans le futur (dite « culture cible »), puis de diagnostiquer l’écart entre les deux.

Afin d’assurer la rigueur du processus de diagnostic, cette étape a été basée sur un outil reconnu pour sa validité et sa simplicité, soit l’Instrument d’évaluation de la culture organisationnelle (Organizational Culture Assessment Instrument ou OCAI, Cameron & Quinn, 2006). Celui-ci permet de déterminer la position de la culture de l’organisation (actuelle et cible) sur une cartographie formée de quatre styles culturels, à savoir :

  1. une culture de collaboration et de respect, qui assure l’implication et le développement des employés;
  2. une culture d’innovation et d’adaptation, qui assure l’agilité de l’organisation;
  3. une culture axée sur le marché et la concurrence, qui assure la productivité et la focalisation sur la clientèle;
  4. une culture de hiérarchie et de contrôle, qui assure une standardisation des processus et des façons de faire.

Grâce au taux de participation de près de 75 % des 2000 employés invités à s’exprimer, les résultats ont guidé la suite de la démarche en mettant en lumière les principaux écarts entre la culture actuelle et la culture cible. Cette étape a aussi permis à chacun d’amorcer une réflexion personnelle sur la culture en dotant l’organisation des bases d’un langage commun pour aborder le sujet.

ÉTAPE 3 : Une fois l’écart culturel constaté, il a été possible de s’intéresser aux différents véhicules de la culture. Concrètement, deux priorités ont été identifiées :

  1. La première a été d’évaluer les comportements des gestionnaires. L’hypothèse sous-jacente était que les gestionnaires jouent un rôle de premier plan pour influencer les façons de penser et d’agir au sein de l’entreprise. L’ensemble des gestionnaires a donc été invité à participer à une autoévaluation portant sur douze comportements de gestion liés aux quatre styles culturels étudiés dans le cadre du diagnostic. En plus de produire un rapport personnalisé pour chacun, il a alors été possible d’identifier des pistes de développement.
  2. Parallèlement à cet exercice, le comité de direction a déployé des efforts conséquents afin de communiquer au personnel sa vision de même que ses ambitions stratégiques. En effet, l’évolution culturelle souhaitée prend tout son sens dans l’appropriation de cette vision par l’ensemble du personnel.

ÉTAPE 4 : Afin d’amorcer le mouvement vers la culture cible, gestionnaires et employés ont été impliqués à différentes reprises. Par exemple, une enquête appréciative a été menée dans le but d’identifier les pratiques organisationnelles qui incarnaient déjà la culture cible et de déterminer des moyens pour évoluer vers celle-ci. Certains employés ont été interpellés pour jouer le rôle de « journalistes internes » et ont répertorié les leviers en lien avec la culture cible déjà présents dans l’organisation.

D’autres employés ont été sollicités pour participer à un atelier, dit «forum culturel», où ils étaient invités à réfléchir à différents moyens pour concrétiser les priorités stratégiques de l’organisation. À la suite de ce forum, ces employés devenaient des «diffuseurs culturels», incitant leurs collègues à changer un comportement dans une démarche vers la culture cible. Plus de la moitié des employés ont ainsi pris un engagement public sur l’intranet de l’organisation.

ÉTAPE 5 : La toute dernière étape a consisté à soutenir le changement afin que celui-ci se consolide de façon durable et que l’évolution culturelle se concrétise progressivement.

Notamment, un plan de gestion de changement à long terme et la poursuite de la stratégie de communication, en continu avec les employés, représentent des moyens clés qui continuent d’être mis en oeuvre pour y arriver. Il sera ainsi possible d’utiliser diverses méthodes pour évaluer les changements réalisés et récompenser les efforts déployés.

Les facteurs de succès

La démarche d’évolution culturelle entreprise chez SSQ Groupe financier a été saluée comme un projet à succès ayant permis à l’organisation de se doter d’un nouveau langage commun et d’instaurer peu à peu de nouvelles façons de penser et d’agir.

Plusieurs facteurs ont contribué à cette réussite, dont certainement le courage et le soutien de la direction, qui a cru à l’importance de supporter l’évolution culturelle, au même titre que les autres travaux entrepris dans le cadre de la transformation de l’entreprise. Leur audace aura d’ailleurs donné le ton au projet de l’évolution culturelle, lui-même orienté vers une plus grande agilité organisationnelle.

Une autre condition de succès a été de faire appel dès le début à une équipe de consultants chevronnés qui a accompagné l’organisation et a assuré rigueur et expertise tout au long de la démarche. Certaines des activités et actions proposées par ces consultants, telles que de s’appuyer sur un modèle diagnostic validé, d’entretenir une communication en continu ou d’engager les employés dans le changement en leur attribuant des rôles de journalistes ou de diffuseurs culturels, représentent des éléments forts de cette démarche.

Les prochaines étapes

La définition de la culture cible est complétée et son ancrage est maintenant amorcé de façon structurée. Une révision de fond des pratiques et politiques de gestion des ressources humaines est en cours afin d’assurer l'harmonisation et l’arrimage avec la culture requise pour relever les défis organisationnels du futur. Chaque déploiement d’une pratique révisée représentera une occasion de communiquer les comportements valorisés par l’organisation.

L’équipe RH travaille aussi sur le développement d’un tableau de bord culturel. Celui-ci permettra de mesurer l’émergence et l’évolution des comportements et attitudes souhaités par cette évolution culturelle.

En conclusion

L’évolution d’une culture organisationnelle exige patience et détermination. Le fait d’amorcer le changement en se dotant d’une démarche structurée permet de faire cheminer plus rapidement l’organisation, en stimulant les prises de conscience et en soutenant l’adoption de nouvelles façons de faire et de penser.


Références bibliographiques


Sarah Girouard, CRHA Conseillère en culture organisationnelle Ministère de la Justice du Qc

Consultante en développement organisationnel, psychologue organisationnelle, Sarah Girouard, CRHA est titulaire d’un doctorat en psychologie industrielle et organisationnelle et d’une maîtrise en gestion des ressources humaines. Dans le cadre de ses travaux de recherche, elle s'est intéressée aux facteurs motivationnels qui contribuent à l'efficacité et au bien-être psychologique des individus dans le cadre de leur carrière. Avant de se joindre à l’équipe d'Alia Conseil, elle a œuvré comme consultante dans une firme spécialisée en psychologie organisationnelle, où elle effectuait des évaluations psychométriques auprès de professionnels ou gestionnaires, afin d’identifier leurs talents et besoins de développement. Elle a aussi joué un rôle de conseillère en formation dans une grande entreprise québécoise, où elle participait à la gestion du programme d’évaluation de la performance ainsi qu’à la mise en place de solutions d’apprentissage pour les employés. Dans son rôle de consultante en développement organisationnel, elle contribue maintenant à développer le plein potentiel des individus ainsi que celui des organisations, afin qu'elles soient à la fois performantes et qu'elles constituent des environnements de travail sains pour leurs employés.


Source : Revue RH, volume 20, numéro 4, novembre/décembre 2017