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Formation : la vie après la mort de l’exposé magistral

La conception d'activités destinées à former les employés n'est pas réservée uniquement aux spécialistes en développement des compétences.
1 décembre 2017
Annie Boilard, CRHA, Distinction Fellow | Geneviève Dionne, CRHA

Lorsque la conception et l’animation d’activités de formation ne fait pas partie des tâches fréquentes, elle peut s’avérer un défi et une source de stress. Dans une telle situation, la tendance peut être d’utiliser une formule « gagnante », grâce à laquelle on se sent en maîtrise puisqu’on la pratique depuis l’école primaire : l’exposé magistral.

Or, ce dernier n’a malheureusement pas la cote. Trop souvent mal employé, il ne génère pas sa pleine valeur et, de plus, donne mauvaise réputation aux activités de formation (d’où l’expression « Death by PowerPoint » McMillan, 2012).

Le praticien RH, outre se former à d’autres formules pédagogiques que l’exposé magistral, peut tout d’abord se poser quelques questions essentielles lorsqu’il amorce l’élaboration de son atelier. Ces questions lui permettront de faire des choix pédagogiques plus variés, tout en respectant ses forces et ses limites lorsque viendra le temps d’animer son activité.

Qu’est-ce qui influence le choix d’une formule pédagogique?

Plusieurs éléments viennent teinter le choix définitif de la formule pédagogique à utiliser lors d’une activité (Chamberland et al. 1995). On a généralement une bonne idée du contenu que l’on souhaite aborder, ce qui est d’autant plus vrai lorsqu’on a une expertise en la matière, par exemple dans le cas d’une formation destinée aux gestionnaires sur un thème RH.

Bien entendu, il y a l’objectif à atteindre. Une erreur qu’on fait souvent à cette étape est de confondre l’objectif de l’organisation ou du projet et l’objectif d’apprentissage. Ce dernier est rédigé pour l’apprenant. Voici un exemple d’objectif de projet transformé en objectif d’apprentissage :

« L’objectif de cette formation est d’informer les gestionnaires des outils et ressources disponibles pour prévenir le harcèlement. »

Versus :

« Au terme de cette formation, vous serez en mesure d’utiliser les outils et les ressources disponibles dans l’intranet pour mettre en place un programme de prévention du harcèlement au sein de votre équipe de travail. »

Une fois le contenu et l’objectif d’apprentissage bien campés, il faut prendre en considération les caractéristiques des apprenants. Le groupe sera-t-il homogène ou hétérogène? Les gens qui s’y retrouveront travaillent-ils avec un ordinateur? À l’extérieur avec des outils? Seuls? En équipe?

Aussi, il ne faut pas oublier les contraintes environnementales. À quel endroit se déroulera la formation? La salle peut-elle être aménagée librement? Quels sont les équipements disponibles?

Enfin, se connaître en tant que formateur est bien sûr non négligeable. En formation, comme dans bien des domaines, on a tendance à enseigner en fonction de comment on préfère nous-mêmes être formés. Il est donc primordial de s’interroger sur ses préférences personnelles et d’en dresser une liste, car il y a fort à parier qu’on se sentira plus enclin à choisir ces formules pédagogiques au détriment d’autres qui sont peut-être moins naturelles pour soi, mais mieux adaptées aux apprenants, aux contraintes environnementales, aux objectifs à atteindre ou au contenu de la formation.

Concevoir un atelier en classe, d'une durée d'une heure, peut exiger jusqu'à 22 heures de travail en amont.

(How Long Does it Take to Create Learning? Chapman Alliance, 2010).

Dans quel contexte s’exercera la compétence?

Tel que mentionné précédemment, lorsqu’on prend le temps de créer et d’animer une formation au sein d’une organisation, c’est qu’on espère que celle-ci permettra aux employés d’être plus compétents dans l’exercice de leurs tâches. En bref, on souhaite que ce qui a été appris dans la classe soit transféré dans le travail. Lorsque l’objectif de la formation a été défini, il y a lieu de s’interroger sur le contexte dans lequel les gens mobiliseront cette compétence de retour à leur poste de travail. Est-ce que la formation vise une compétence qui s’exerce le plus souvent de façon individuelle ou bien en équipe? Dans le premier cas, il importera de choisir des formules pédagogiques qui permettront à l’apprenant de mobiliser sa compétence seul. Dans le deuxième cas, la notion de coopération requise dans le travail d’équipe suppose que des exercices en petits groupes devraient être prévus au programme.

Exemples de formules à utiliser en contexte individuel : enseignement par les pairs, exposé magistral, démonstration, simulation, exercices répétitifs, entrevue, laboratoire, jeu de rôles, recherche guidée, protocole.

Exemples de formules à utiliser en contexte d’équipe : jeu, tournoi, groupe de discussion, enseignement programmé ou modulaire, apprentissage coopératif, travail en équipe, étude de cas, projet.

Quelles sont mes préférences naturelles comme formateur?

Cette question regroupe en fait trois grands éléments :

  1. Le degré de contrôle que je veux exercer sur l’apprentissage. Est-ce que je suis à 100 % en contrôle du déroulement ou est-ce que je suis à l’aise de laisser le groupe prendre des initiatives, quitte à réorganiser mon temps ou mes contenus?

    Exemples de formules à utiliser lorsque le formateur conserve un certain degré de contrôle (magistrocentrées) : jeu, projet, apprentissage coopératif, travail d’équipe, étude de cas, simulation, protocole, tournoi.

    Exemples de formules à utiliser si on veut laisser une part du contrôle aux apprenants (pédocentrées) : démonstration, recherche guidée, entrevue, jeu de rôles, enseignement modulaire ou programmé, exposé.

    Exemples de formules hybrides quant au degré de contrôle : groupe de discussion, enseignement par les pairs, laboratoire, exercices répétitifs.

  2. La façon dont j’aime organiser mon groupe. Est-ce que je préfère superviser des exercices individuels ou est-ce que j’aime faire réaliser des exercices en équipe?
  3. Mon aisance à utiliser du matériel de soutien. Au-delà du tableau ou de l’ordinateur, suis-je à l’aise d’employer différents médias tels que des cartes, des outils, des casse-têtes, un sondage en ligne ou même du matériel de jeu moins conventionnellement associé à une formation?

En résumé, voici les questions à se poser :

  • Quels sont les objectifs de mon activité?
  • Quels sont les contenus que je vais enseigner?
  • Quelles sont mes préférences comme formateur?
  • Quelles sont les caractéristiques de mes apprenants?
  • Quelles sont mes contraintes environnementales?

Références bibliographiques


Author
Annie Boilard, CRHA, Distinction Fellow Présidente Reseau Annie
Annie Boilard, MBA, M. Sc., CRHA travaille en développement des compétences depuis bientôt 20 ans. En plus d’être formatrice et facilitatrice, elle est également une gestionnaire d’entreprise et d’équipe expérimentée. Au quotidien, Mme Boilard travaille avec des équipes de dirigeants dans le cadre de planifications stratégiques ou d’accompagnements personnalisés. Elle agit également à titre de facilitatrice et de coach auprès de leaders et de professionnels pour le développement de leurs compétences comportementales. Mme Boilard intervient fréquemment comme conférencière, panéliste, experte, auteure et blogueuse. Elle publie régulièrement des articles et fait une quarantaine de conférence annuellement. Mme Boilard a été nommée « HR Professional of the Year 2017 » par HR Reporter (prix canadien remporté à Toronto) et « Meilleur talent 2016 » lors du concours du même nom à Montréal.

Geneviève Dionne, CRHA Chef, Apprentissage organisationnel et développement des compétences Ville de Laval

Source : Revue RH, volume 20, numéro Hors-série