ressources / revue-rh / volume-19-no-5

Titre professionnel : gare aux usurpateurs!

Une personne se prétend membre de l’Ordre, mais ne l’est pas. Quelles sont mes obligations en tant que CRHA ou CRIA?

1 novembre 2016
Andréanne LeBel

Jessica Succès*, CRHA est conseillère en ressources humaines dans une PME. Il y a quelques mois, elle a été appelée à réaliser une enquête en matière de harcèlement psychologique. Jugeant qu’elle n’a ni les connaissances ni l’expérience pour effectuer ce mandat, elle a aussitôt pensé à faire appel à un confrère, Jérôme Dostie, CRIA*, reconnu pour sa feuille de route impressionnante en la matière. Quelques semaines après le début de l’enquête, une employée l’informe toutefois que Jérôme ne serait pas membre de l’Ordre. Après vérification, Jessica constate que c’est effectivement le cas; mais elle se demande si elle doit poursuivre le mandat avec Jérôme puisqu’après tout, il a l’expérience pour le faire. *Noms fictifs

Jessica a eu un bon réflexe en décidant de ne pas effectuer seule le mandat qui lui a été confié. En agissant de la sorte, elle veille au meilleur intérêt de son client et se conforme à son obligation déontologique de ne pas accepter de mandat pour lequel elle n’a pas la compétence requise. Elle a toutefois agi trop rapidement en confiant aussitôt le mandat à un confrère qu’elle croyait membre de l’Ordre, sans d’abord obtenir l’autorisation de la direction. Selon son Code de déontologie, lorsque le bien de son client le nécessite, elle doit – mais avec l’autorisation de ce dernier – consulter une autre personne compétente ou le diriger vers l’une de ces personnes (article 36 du Code de déontologie).

  • 1973
    Année où le titre de CRIA est officiellement créé et réservé aux membres de l’Ordre
  • 2000
    Année où le titre de CRHA est officiellement créé et réservé aux membres de l’Ordre

S’il est vrai que Jérôme possède de l’expérience dans le domaine, il usurpe néanmoins le titre professionnel CRIA. Se prétendre faussement membre d’un ordre professionnel est une infraction pénale actuellement punissable d’une amende allant de 1500 $ à 20 000 $ (articles 36 (f) et 188 du Code des professions).

Cette lourde sanction s’explique par le fait que de tels agissements mettent en danger la protection du public qui croit faire affaire avec un professionnel assujetti à un Code de déontologie et à des instances disciplinaires. Le titre professionnel laisse aussi croire qu’à titre de membre de l’Ordre, Jérôme détient une assurance de sa responsabilité professionnelle en cas d'erreurs, fautes, négligences ou omissions commises dans l'exercice de ses activités, ce qui n’est pas le cas. Il donne aussi au client une fausse garantie relative à la mise à jour de ses compétences professionnelles, puisqu’il n’est pas soumis à la formation continue obligatoire ni à l’inspection de sa pratique professionnelle.

Ces quatre lettres CRIA ont donc eu un impact certain sur la décision de Jessica de confier le mandat à Jérôme. Mais du moment où elle a connaissance qu’il n’est pas membre de l’Ordre, elle se doit de le signaler à la direction en lui fournissant toutes les explications nécessaires à sa prise de décision de continuer ou non le mandat avec Jérôme (art. 38 alinéas 2 et 3 du Code de déontologie). Vu la nature sensible du mandat d’enquête en matière de harcèlement psychologique, Jessica devrait certainement, parmi ses explications, mentionner que Jérôme n’est pas tenu de respecter le secret professionnel ni de garantir la confidentialité des informations, puisqu’il n’est pas assujetti à un Code de déontologie. De la sorte, elle fera preuve de transparence envers son client et contribuera à maintenir sa relation de confiance avec la direction (article 33 du Code de déontologie).

Enfin, en tant que professionnelle, Jessica ne peut faire fi du fait que Jérôme porte le titre CRIA, car elle sait qu’il n’est pas inscrit au Tableau de l’Ordre. Son Code de déontologie stipule que de laisser une personne qui n’est pas inscrite au tableau de l’Ordre porter un titre ou s’attribuer des initiales réservés aux membres de l’Ordre ou laisser croire qu’elle est membre de l’Ordre constitue un acte dérogatoire à la dignité de la profession.

Il en va de même du fait de ne pas informer le secrétaire de l’Ordre en temps utile que Jérôme utilise un titre réservé aux CRHA et CRIA alors qu’elle sait qu’il n’est pas inscrit au tableau de l’Ordre. Jessica ne peut donc tolérer cette situation et doit en informer le secrétaire de l’Ordre (article 50 (6) du Code de déontologie). Il en va de la protection du public.


En savoir plus

  • Pour toute autre information sur la déontologie et l'éthique, consultez la section « Déontologie et éthique »

Andréanne LeBel

Source : Revue RH, volume 19, numéro 5, novembre/décembre 2016