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Technologies, stratégie et modèles novateurs : les clés pour aller plus loin!

Comment le professionnel peut-il mieux exercer son rôle stratégique au sein de l’organisation pour se démarquer de la concurrence et s’adapter aux changements continuels auxquels toute entreprise doit faire face aujourd’hui?

26 août 2016
Bernadette Petitpas, CRHA

Nous connaissons une ère de changements accélérés qui, à certains égards, ressemble à une nouvelle révolution économique. Dans un tel contexte, le gestionnaire avisé doit déterminer comment faire en sorte que la stratégie ne soit pas un rituel dépassé, mais une source d’agilité. Il doit également se demander si la technologie est un obstacle à la gestion des talents ou plutôt un moteur à cet égard et trouver des moyens d’organiser l’entreprise et le travail sans pour autant les compliquer.

Dans un monde hyper-connecté et instantané, le professionnel RH ne peut se permettre d’aller simplement là où le vent le pousse. Il lui faut déterminer les pistes de réflexion qui permettront à la fonction ressources humaines de tirer parti du connu comme de l’inconnu pour mieux jouer son rôle stratégique au sein de l’organisation.

Divers modèles d’organisation ont émergé au fil du temps. Le plus récent décrit, par Frédéric Laloux, est l’entreprise « sarcelle » (teal organization), qui comporte trois caractéristiques principales.

  1. L’entreprise mise sur l’autonomie et sur la capacité des employés de faire ce qui doit être fait et d’assurer la coordination nécessaire. Le pouvoir est partagé au sein de l’organisation plutôt que centralisée entre les mains d’un petit groupe.
  2. Les individus sont invités à être pleinement eux-mêmes plutôt que d’utiliser seulement leurs qualités et qualifications professionnelles, ce qui facilite l’expression de la créativité autant que la passion et permet à chacun de disposer d’une plus grande énergie.
  3. La stratégie se fait évolutive et souple. Elle est basée sur les attentes de l’environnement d’affaires et la raison d’être de l’entreprise, fait plus de place aux critères non financiers. Elle se déploie en mode agile (itératif, incrémental et adaptatif). Elle génère pourtant des résultats financiers qui sont supérieurs à ceux de la concurrence.

Stratégie : rituel dépassé ou source d’agilité?

Lorsque la stratégie consiste à regrouper des plans d’action annuels provenant des unités administratives et fonctions, on perd la capacité d’exploiter ce qui distingue l’organisation (mission, vision, valeurs, etc.) et la possibilité de tirer parti des synergies découlant d’une vision d’ensemble. Si la stratégie consiste plutôt à décider ce que deviendra l’organisation dans trois à cinq ans avec des révisions tous les dix-huit mois, les lourdeurs et la rigidité du processus freinent le temps de réaction aux menaces et permettent difficilement de saisir les opportunités au vol. Par ailleurs, une approche purement opportuniste de la stratégie, en raison du manque d’orientations communes, est de nature à en limiter l’efficacité, parce que les efforts et ressources sont dilués, et nuit à l’agilité puisque des oppositions peuvent exister entre les orientations successives adoptées. Ces approches seraient donc dépassées.

Alors, comment faire d’une stratégie une source d’agilité? Il faut tout d’abord construire la boussole définissant le « pourquoi » des décisions. Ce peut être la mission ou la vision de l’entreprise, ses valeurs, une aspiration partagée par les employés. Puis, on doit choisir un maximum de quatre orientations, qui ne sont pas des objectifs concrets, ceux-ci venant après. Ce seront les « quoi ». Ensuite seulement viennent les « comment », qui englobent à la fois les objectifs à proprement parler et le processus qui sera suivi pour en assurer l’élaboration et la réalisation.

À propos du processus, et pour mettre à contribution l’ensemble des compétences présentes au sein de l’organisation, pourquoi ne pas faciliter la participation à divers niveaux de l’entreprise, et renforcer l’esprit de communauté, de réseau, de collaboration qui est dans l’air du temps? Et comme partenaire d’affaires de la haute direction, s’appuyer à la fois sur la créativité et la passion ainsi que sur la contribution des mégadonnées (Big Data) relatives à l’entreprise qui permettront de déceler des tendances et des leviers? Ensuite, c’est un mélange d’opérationnalisation, de veille et d’ajustements en mode agile qui assurera l’atteinte des objectifs.

La technologie : obstacle ou moteur en matière de gestion des talents?

Les avancées technologiques permettent de regrouper les données provenant de tous les systèmes contenant des informations sur les activités de l’entreprise et sur les employés. Il s’agit ici des traditionnels logiciels de suivi du recrutement en passant par les systèmes d’information de gestion des ressources humaines et même ceux qui recueillent de l’information sur la localisation exacte des employés pour maximiser leur efficacité. Les chefs de la direction s’attendent à ce que les professionnels RH soient de réels partenaires d’affaires, sachant manier les technologies et en extraire les données étayant leurs recommandations, opérationnelles autant que stratégiques. A priori, ces mégadonnées, lorsqu’elles existent, présentent beaucoup de potentiel si on identifie les bons indicateurs, ceux dont le suivi permettra de saisir ou de créer les opportunités, d’anticiper pour mieux gérer les menaces. À défaut de procéder ainsi, on aura beaucoup de chiffres et de tableaux, mais peu de sens.

En ce qui a trait à la technologie comme outil de gestion des talents largement diffusé, dont les logiciels et applications mobiles, certaines personnes utilisent les interfaces plus aisément que d’autres, selon leurs références et habitudes générationnelles ou culturelles. La ludification des tests de recrutement et des formations, par exemple, ne convient pas à tous les publics. On a donc différents marchés internes, tant comme clients que comme utilisateurs et employés, que la technologie permettra de mieux servir. L’intégration des données concernant la clientèle et ses attentes mènera à la détermination des actions porteuses et créatrices de valeur. Par exemple, quelles sont les connaissances, compétences, comportements et habiletés qui appuieront le mieux l’atteinte des objectifs à court, moyen et long termes? Les points communs et ceux qui sont spécifiques à un secteur d’affaires, une fonction interne ou un niveau de gestion? Est-on capable d’en faire un inventaire et que dit ce dernier sur les actions à mener?

L’organisation de l’entreprise et du travail : comment ne pas la compliquer quand tout est complexe?

Dans les organisations au sens large comme dans les équipes, on cherche la perle rare, LE modèle, les outils de reddition de comptes, la bonne structure de gouvernance, les définitions variant suivant les cultures. Chacun a ses systèmes et processus, ses habitudes et comportements, voire ses règles et stratégies. Ces précisions et spécificités visant souvent à répondre à un besoin à court terme entraînent une obsolescence accélérée des technologies utilisées, des compétences et profils, ou tout simplement de leur adéquation avec l’environnement. En résultent de multiples changements. Trop souvent, on essaie d’adapter les processus aux besoins des nouveaux systèmes technologiques, ce qui complexifie la satisfaction des besoins d’affaires. Aussi, l’être humain étant éminemment créatif, plusieurs inventent des façons compliquées de ne pas faire face ou de ne pas intégrer le changement… mine de rien.

Tout cela parce qu’il faut choisir de faire ça OU ça. Le « ou » peut être inclusif, ce qui permet entre autres de mitiger la complexité résultant de l’ambiguïté, de faire les liens qui permettent d’établir des synergies. Par exemple, à combien de résultats différents cet outil, ce formulaire, ce processus peut-il contribuer? Si je change tel élément, outre le processus précis dans lequel il s’inscrit, quels sont les autres services et activités qui seront affectés et le résultat global sera-t-il positif? Autres exemples : voudra-t-on atteindre la rentabilité ce trimestre OU investir dans l’innovation? Voudra-t-on insister sur l’image de marque auprès des clients OU sur celle à titre d’employeur? Un « ou » inclusif mènera à la recherche de la meilleure conciliation, des meilleures synergies possibles et de ce fait, advenant un changement probable, il sera moins difficile d’ajuster le tir pour continuer à réussir.

En résumé, pour atteindre un maximum de résultats en faisant preuve d’agilité, le gestionnaire avisé misera sur quelques mots clés :

  • pour : voici là où l’on va, le sens et les valeurs qui sous-tendent les stratégies;
  • avec : une fluidité dans les échanges, les partages, les équipes, selon les besoins, qu’il s’agisse des gens ou des données;
  • et : plus d’une compétence, des objectifs qui intègrent plusieurs aspects, la recherche de solutions, une vision intégrée qui s’inscrit dans la durée.

C’est ce qui permettra à l’organisation de se démarquer de la concurrence et de s’adapter aux changements continuels auxquels toute entreprise est confrontée de nos jours.


Pour aller plus loin


Author
Bernadette Petitpas, CRHA Co-fondatrice Krôma Conseil et coaching

Source : Revue RH, volume 19, numéro 3, juin/juillet/août 2016