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Invalidité : pour un retour en douceur

Que faire lorsqu’un employé s’absente pour cause de problèmes psychologiques en raison d’une situation qui a suffisamment dégénéré pour compromettre le climat de travail? Comment gérer la suite lorsque cette personne doit réintégrer son milieu?

26 avril 2016
Lise Delisle, CRHA

Un bon climat de travail est aussi essentiel pour l’efficacité organisationnelle qu’une main-d’œuvre techniquement compé­tente. On dit d’ailleurs que l’employé le plus productif et le plus apprécié offre un bon équilibre entre « savoir et savoir-faire » (soit connaissance et expérience) et « savoir-être » (soit la façon dont il travaille avec les autres).

Les entreprises portent de plus en plus attention à l’aspect comportemental d’un candidat au moment de l’embauche, et avec raison. On dit souvent que les entreprises embauchent des candidats pour leurs compétences techniques, mais qu’elles doivent en congédier certains à cause d’une mauvaise attitude qui limite la synergie de l’équipe.

Malgré toutes les démarches entreprises pendant le processus de recrutement – entrevues, vérification de références, tests psychologiques et de personnalité –, il existe un pourcentage de risque et il est impossible de prévoir à 100 % la compatibilité du nouvel arrivant avec l’équipe déjà en place. Lorsque la compatibilité fait défaut, les situations problématiques peuvent dégénérer et nuire au climat de travail dans une équipe et même dans toute l’organisation.

Lorsque le départ génère un soulagement

Le quotidien au travail amène ses sources de valorisation, de sentiment de réalisation, mais aussi de stress, de malaise et de destruction. C’est quand il y a accumulation de détresse au travail, jour après jour, que les congés d’invalidité pour cause psychologique sont courants. Cela est vrai tant pour l’individu initialement apprécié de son équipe que pour celui qui avait déjà des relations difficiles avec ses collègues. Ainsi, un employé performant et bien considéré peut devenir un boulet pour le groupe lorsqu’il ne va pas bien. De même, un employé déjà perturbateur peut causer de sérieux dommages au climat de travail quand il est à bout.

Lorsque l’équipe est soulagée du départ en invalidité d’un collègue, la préparation du retour au travail de celui-ci devient très délicate, mais d’autant plus importante. Le souhait caché des collègues pourrait être que l’employé qu’ils considèrent perturbateur quitte l’entreprise ! Pour l’organisation, ce serait se priver de compétences techniques, et l’espoir est que la situation se replace au niveau relationnel.

Donc, pendant l’invalidité, le quotidien reprend le dessus et le climat de travail semble plus harmonieux. Plus l’absence se prolonge, moins on pense au retour au travail de l’employé. Jusqu’au moment où ce retour au travail redevient d’actualité. Comment gérer le tout pour réduire l’impact sur le climat organisationnel ?

Pour maximiser le succès du retour 

Idéalement, la préparation du retour au travail après une absence pour cause psychologique doit commencer… dès le départ en invalidité ! Une bonne préparation est vitale pour une réintégration réussie, autant pour le travailleur qui revient au travail que pour le gestionnaire et les membres de l’équipe. Ces actions sont réputées avoir un impact très positif sur le climat de travail. Dans cette optique, voici un ensemble de mesures à mettre en place tout au long de l’absence et lors du retour de l’employé.

Plusieurs actions doivent être déployées dès le départ de l’employé en congé d’invalidité. Elles visent l’équipe de travail et permettent de comprendre et de redresser la situation.

  • La façon dont le gestionnaire accueille la nouvelle et la communique à son équipe
    • Déception ou compréhension ?
    • Soutien ou jugement ?
  • La répartition du travail ou le remplacement de la personne en invalidité
    • Évaluation de toutes les possibilités pour réduire au maximum l’impact sur les collègues
  • L’évaluation du climat de travail qui aurait pu avoir un impact sur la personne en invalidité
    • Révision de l’organisation du travail
    • Enquête discrète auprès des collègues
    • Révision des événements passés

Certaines mesures seront prises tout au long de l’absence de l’employé. À cette étape, elles concernent tant l’employé absent que l’équipe de travail.

  • Le suivi pendant l’invalidité (respect, confidentialité, empathie, soutien)
    • Auprès de l’employé en maladie
    • Auprès des différentes instances : médecin, assureur, autre
  • La communication avec l’équipe dans un contexte de conflit
    • Ne pas renforcer le fait que l’absence de l’employé contribue à améliorer le climat de travail
    • Indiquer ses attentes envers la responsabilisation des membres de l’équipe au moment du retour au travail de leur collègue

Le retour au travail de l’employé en invalidité doit aussi être minutieusement préparé. À ce stade, les actions doivent viser tant l’employé qui revient au travail que son gestionnaire et ses collègues.

  • L’évaluation de la volonté et de la capacité de la personne en invalidité d’effectuer le travail dans le même contexte qu’avant son départ
    • Conversation authentique avec elle lorsque la date de son retour est connue et imminente
    • Expression de ses craintes et écoute active de celles des autres membres de l’équipe
  • L’évaluation des contraintes en situation d’accommodement
    • Acceptation ou refus d’un retour progressif et/ou avec limitations
  • La préparation d’un plan de retour au travail
    • Communication des attentes et du soutien offert
    • Engagement de l’employé
  • La préparation de l’équipe pour le retour au travail
    • Rappel de l’engagement du gestionnaire envers le climat de travail
    • Obtenir l’adhésion des membres de l’équipe envers son engagement
    • Expression des préoccupations et des solutions possibles

Finalement, lors du retour de l’employé, on doit faire un suivi auprès de lui ainsi que des membres de son équipe et de son gestionnaire afin de s’assurer que cela se fasse en douceur et de façon durable. Le plus tôt sera le mieux!

  • La tenue de rencontres avec l’équipe, en groupe ou séparément
    • Médiation, caucus

Il existe des situations où la volonté n’y est pas d’une part ou de l’autre. Sans y recourir de façon précoce, les mesures disciplinaires sont une avenue à considérer après avoir tenté des méthodes plus conciliantes et basées sur la responsabilisation.

Et si la situation n’était pas conciliable?

Il est possible qu’un choix doive s’imposer si deux ou plusieurs personnes ne peuvent plus travailler ensemble. Les solutions peuvent aller du changement d’horaire à la mutation dans un autre service, et même à la fin de l’emploi.

Pour éviter de dépenser beaucoup d’énergie dans des actions visant à réparer un problème qui a pris de l’ampleur, il est fortement recommandé de la déployer à la prévention de situations pouvant détériorer le climat de travail. Le coût en énergie est beaucoup moins élevé à cette étape, et le climat de travail ne s’en portera que mieux.


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Lise Delisle, CRHA Consultante RH et médiatrice en milieu de travail Consultation privée

Lise Delisle, CRHA, médiatrice agréée, est titulaire d’un baccalauréat en administration des affaires, option gestion des ressources humaines obtenu à l’école des HEC ainsi qu’à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle détient également un diplôme de 2e cycle en prévention et règlement des différends de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke. Membre en règle de l’Ordre des CRHA et de l’IMAQ (Institut de médiation et d’arbitrage du Québec), elle a travaillé pendant plus de 15 ans tant dans la grande entreprise que dans la PME à titre de conseillère et de directrice des ressources humaines dans plusieurs domaines : pharmaceutique, finance, fabrication alimentaire, restauration, service-conseil, vente au détail, distribution alimentaire, centre contact et assurances. Depuis plus de 5 ans, elle œuvre comme consultante en RH et médiation.

À travers ses expériences, madame Delisle a pu constater à quel point le climat de travail a un impact à la fois sur les objectifs de rentabilité de l’entreprise, et sur les différents besoins des individus au travail, tant financiers que de reconnaissance. Elle saisit bien la place qu’occupe le travail dans la vie d’une personne et de quelle façon il contribue à sa santé mentale.


Source : Revue RH, volume 19, numéro 2, avril/mai 2016