Historiquement, explique le président et chef de la direction de TC Transcontinental, François Olivier, l’industrie des médias s’est développée autour de trois plateformes : la télévision, la radio et l’imprimé. L’arrivée d’Internet a tout changé. Les clients veulent maintenant des produits multiplateformes. Nous devons en tenir compte si nous voulons demeurer concurrentiel et conserver notre place. »
En réponse à la transformation de l’industrie et des attentes des consommateurs, TC Transcontinental a d’ailleurs entrepris de revoir ses positions. Après avoir été présente pendant des décennies dans tous les secteurs de l’imprimé, l’entreprise a notamment concentré ses activités d’impression dans des créneaux complémentaires aux nouvelles technologies. Une stratégie qui a permis de consolider la base financière de l’entreprise et de soutenir le développement de la division média, véritable véhicule de croissance du groupe.
Dans une entreprise habituée à occuper la chaise de l’acheteur, ce changement de stratégie n’est toutefois pas passé inaperçu. « Depuis la fondation de l’entreprise, nous n’avions jamais vraiment vendu d’actifs. Nous étions des acheteurs et les mauvaises nouvelles étaient pour les autres, résume François Olivier. Quand, pour la première fois en 2009, nous avons commencé à rationaliser nos activités et à nous départir de certains actifs, cela a été un choc pour tout le monde. Nous avons en quelque sorte perdu notre innocence. »
Une transformation de l’intérieurPour accuser le coup et maintenir la mobilisation des troupes, l’entreprise a misé sur la communication et la transparence. Un choix que le président se félicite d’avoir fait même si, de son propre aveu, le chemin a parfois été difficile. « Aller voir des gens qui ont travaillé pour nous pendant vingt ans pour leur dire que nous avions décidé de passer à autre chose a été très dur, mais nous l’avons fait. Nous avons expliqué pourquoi nous avions pris cette décision non seulement à ceux qui partaient, mais aussi à ceux qui restaient, pour qu’ils comprennent bien où nous espérions aller maintenant. »
Du point de vue de Katya Laviolette, CRIA, chef de la direction des ressources humaines de la Société, la transformation amorcée à ce moment a été fondamentale pour l’organisation. « On ne peut pas, d’un point de vue stratégique et d’affaires, choisir un modèle multiplateformes et continuer de travailler en vase clos. Jusqu’à ce moment, l’entreprise avait surtout grandi par acquisitions et les divisions roulaient de façon indépendante l’une de l’autre. Après, ce n’était plus possible. Si nous voulions réellement livrer des produits multiplateformes, tout le monde allait devoir travailler ensemble. »
La collaboration, toile de fond de la transformationRésultat, depuis trois ans, la collaboration est au cœur des processus d’affaires de l’entreprise. Les frontières entre les services sont plus diffuses et la compréhension des différents secteurs d’activité est recherchée. Un choix qui se reflète non seulement dans les structures, mais aussi dans les compétences et comportements attendus du personnel et des gestionnaires en place. L’organisation mise maintenant sur un leadership de partage, où l’on reconnaît l’expertise particulière de chacun et la plus-value du travail d’équipe, plutôt que sur un leadership directif et hiérarchique. Les compétences valorisées, longtemps liées à la performance manufacturière et à la qualité des contenus médias uniquement, se sont aussi élargies pour intégrer les notions de technologies de l’information et de la communication ainsi que d'innovation. Rien de plus logique, si l’on prend en considération le fait qu’au cours de la même période, l’entreprise a vu mille spécialistes Internet joindre ses rangs.
Des programmes cohérents
Quoique logiques en apparence, les changements effectués posent tout de même des défis importants. « Faire en sorte que des gens, aux profils très différents, acceptent de s’asseoir autour d’une même table, de travailler ensemble et en viennent même à y trouver un avantage n’est pas évident au premier abord, admet François Olivier. Il faut du temps et une bonne dose de détermination et de stratégie. »
De l’avis du président, le service des ressources humaines a joué un rôle crucial. C’est que, si la richesse de la collaboration repose sur la différence, des bases communes sont tout de même requises pour assurer la cohésion. La philosophie RH de TC Transcontinental s’efforce de nourrir ces deux aspects. « Nous croyons que, pour se développer, les gens doivent à la fois sentir qu’ils disposent d’une certaine latitude et souscrire à des valeurs communes, qui donnent un sens à ce que nous faisons et à la manière dont nous travaillons », explique Katya Laviolette.
Question de favoriser l’adhésion, les valeurs de l’entreprise ont été revues. Un processus qui s’est échelonné sur un an et qui a mis à contribution l’ensemble du personnel. Au terme de la démarche, l’innovation – héritage de la tradition d’entrepreneuriat de l’entreprise – a notamment été mise de l’avant. Elle est aussi à la base du Challenge de l’innovation, l’un des plus importants programmes de mobilisation de l’organisation.
Ainsi, chaque année depuis 2010, un appel à tous est lancé parmi les employés afin d’identifier des innovations à réaliser pour développer TC Transcontinental. Regroupés en équipes multidisciplinaires et multiservices, les membres du personnel peuvent proposer de nouveaux produits à développer, de nouvelles façons de faire ou l’exploration de nouveaux marchés. L’approche a connu un succès instantané. La première année, 1800 personnes ont répondu à l’invitation et mille autres continuent d’y prendre part chaque année. « J’ai su que nous avions gagné, affirme le président, quand une personne qui travaillait pour l’entreprise depuis moins d’un mois m’a dit qu’elle s’était déjà inscrite au Challenge et qu’elle avait une idée à soumettre. Si quelqu’un qui travaillait avec nous depuis aussi peu de temps était déjà mobilisé, nous tenions forcément quelque chose d’intéressant. »
Un certain nombre d’idées mises de l’avant par les employés sont retenues par le comité d’évaluation formé de huit personnes, dont quatre de l’extérieur afin d’assurer l’objectivité du processus. Un budget de deux millions de dollars est consacré annuellement à leur réalisation. De nouveaux produits, imaginés par les employés en 2010, sont d’ailleurs aujourd’hui offerts aux clients et remportent un important succès.
En fait, le programme offre plusieurs avantages, dont celui d’encourager la collaboration et de mettre les employés au premier plan du développement des produits. « Quand des gens d’univers différents sont jumelés pour discuter d’un projet ou d’une idée, il est plus facile par la suite pour eux de travailler ensemble au quotidien, explique Katya Laviolette. Ils connaissent mieux les forces de chacun. Ils développent le réflexe de se consulter et hésitent moins à prendre le téléphone quand ils ont des questions. »
Des gestionnaires agents de développementPar-delà la collaboration et pour favoriser la latitude de chaque gestionnaire à l’égard de son équipe, la direction des ressources humaines a aussi fait en sorte que les valeurs de l’organisation s’incarnent dans le processus d’évaluation du rendement. On a assigné une cote à chacune des valeurs et les employés, comme les gestionnaires, sont évalués là-dessus. Formés sur les valeurs de l’entreprise par les spécialistes des ressources humaines, les gestionnaires ont ensuite été chargés de transmettre ce savoir à leurs employés.
Le rôle des gestionnaires ne se limite cependant pas à ce simple partage des connaissances. Ils assument aussi d’importantes responsabilités à l’égard du
développement des membres de leur équipe. À titre d’exemple, dans certaines entités d’affaires, chacun des employés dits « à fort potentiel » est invité à participer à une séance annuelle de travail de type camp d'entraînement ; il en ressort avec un plan de développement individualisé auquel le gestionnaire s'est engagé à contribuer.
Après deux jours d’échanges et de réflexions, l’employé et son patron effectuent une présentation conjointe devant tout le monde au cours de laquelle ils déterminent des objectifs clairs et prennent des engagements précis. Une activité qui vient « cimenter l’engagement du gestionnaire », au dire de François Olivier.
Pour soutenir le développement toute l’année durant, TC Transcontinental a aussi modifié son programme de rémunération des gestionnaires. Depuis deux ans, 5 % du boni accordé aux gestionnaires sont en effet liés au développement des talents. L’évaluation est faite à l’échelle du service tout entier, si bien que tous les gestionnaires doivent avoir rempli leurs engagements pour que le boni soit accordé. En d’autres termes, explique la chef de la direction des ressources humaines de la Société, « le manquement d’un seul gestionnaire suffit pour que le boni ne soit pas versé aux autres membres de l’équipe de gestion. Le message envoyé est clair : la gestion des talents est importante et l’on doit s’en préoccuper ».
La pression des pairs aidant, des progrès fulgurants ont été notés, à un point tel que le comité de direction a choisi de maintenir les mêmes exigences cette année.Selon Katya Laviolette, cette décision, comme d’autres, illustre à quel point le service des ressources humaines est au cœur de la vie de l’entreprise. « Comme spécialiste des ressources humaines, si je veux exercer mon influence, je dois être capable de traduire les enjeux d’affaires en enjeux de ressources humaines. Ce qui est formidable chez TC Transcontinental, c’est que nous passons beaucoup de temps en comité de direction à en discuter. C’est extrêmement enrichissant et ça facilite les choses, surtout en période de transformation importante, où nous devons nous-mêmes apprendre à réfléchir et travailler autrement. »
TC Transcontinental en chiffres
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9500 employés :
Chiffre d’affaires de 2,1 milliards en 2012 :
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Guylaine Boucher, journaliste indépendante
Source : Effectif, volume 16, numéro 2, avril/mai 2013.