Savoir collaborer
Il existe trois modes de communication au sein des entreprises : la collaboration, la négociation et la coercition.
Les individus et groupes qui ont des intérêts communs sont en mode de collaboration. Ils partagent toutes les informations dont ils disposent : rationnelles ou affectives.
Les individus et groupes qui ont des intérêts communs et divergents sont en mode de négociation. Ils ne partagent qu’une partie de leurs informations rationnelles et aucune information affective. Les tables de négociation patronale-syndicale en sont un bon exemple.
Les individus et les groupes qui n’ont que des intérêts divergents sont en mode de coercition. Non seulement ils ne partagent pas leurs informations, mais ils font de la désinformation.
Par ailleurs, une entreprise peut être en état de survie, de maintien ou de développement. L’expérience démontre que :
- la culture de collaboration facilite le développement des organisations et des personnes qui les composent;
- la culture de négociation garde les organisations et leur personnel en état de maintien;
- la culture de coercition limite les entreprises à l’état de survie.
Cet article porte essentiellement sur le développement de la culture de collaboration entre les différentes directions de l’entreprise.
Vouloir collaborer
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la collaboration est plus exigeante que les deux autres modes de communication, mais son efficience s’avère nettement supérieure et plus durable. Collaborer est d’abord un choix que tous les membres de l’organisation doivent faire et requiert un effort que chacun doit être prêt à fournir.
De plus, ce choix nécessite un ensemble de compétences personnelles, groupales et organisationnelles. La collaboration repose sur un postulat issu du développement de la psychosociologie : chaque personne, groupe ou organisation a un potentiel qu’il est possible de développer. Vouloir collaborer doit nécessairement faire partie de la culture de l'entreprise.
Pouvoir collaborer
L’ère du travail en vase clos est périmée. Chaque direction ne peut faire cavalier seul dans la réalisation du plan stratégique de l’entreprise : il y a interdépendance entre tous les services. Les organisations fonctionnent désormais en un ensemble de réseaux en interactions permanentes, à l’instar des hyperliens du web. Les actions d’un acteur ou d’un groupe d’acteurs ont nécessairement un impact sur celles des autres.
La logique du développement organisationnel spécifie que les unités opérationnelles sont au service de la clientèle et que les unités fonctionnelles (ressources humaines, technologies de l’information, finances, etc.) soutiennent les unités opérationnelles. La réalisation du plan stratégique devient donc une responsabilité inter-directions.
Les différentes directions jouent chacune un rôle dans la création de cette coresponsabilité.
- Communiquer les objectifs, enjeux et priorités de leur plan stratégique, incluant l’échéancier. Habituellement, chaque direction est responsable de certains objectifs du plan stratégique global, tout en ayant ses propres priorités de développement.
- Partager les attentes de contribution entre chaque direction. Par exemple, la direction des finances demandera aux autres services de lui fournir les informations dont elle a besoin pour préparer le budget de l’entreprise ou les TIC devront inventorier les besoins informatiques de tous les services pour concevoir leur plan de soutien à l’entreprise.
- Clarifier les attentes comportementales. Ici, il est question de communication interpersonnelle. Ces attentes entre collègues peuvent porter sur les attitudes facilitant une meilleure relation interpersonnelle, par exemple le délai de réponse à un message téléphonique ou à un courriel.
- Établir un calendrier organisationnel. Il est demandé à chaque direction d’inventorier ses jours J. Par exemple, le budget doit être prêt le 31 mars, l’inventaire des stocks le 1er juin, les négociations patronales-syndicales le 30 septembre. Ces jours J font parfois l’objet d’une négociation globale, pour éviter de surcharger une même période. Pour une coordination optimale et le respect de ses échéances, chaque direction réserve du temps sur son agenda. Cette façon de faire s’inspire des principes comptables : dépenses fixes et variables. Les directions réservent à l’avance un pourcentage de leur temps pour parvenir à leur jour J, et le reste du temps devient variable.
- Recenser la fréquence et la durée des rencontres pour interagir en fonction des contributions de chacun. Il s’agit d’établir une cartographie de l’ensemble des réunions qui ont lieu dans l’entreprise, en précisant leur ordre du jour; cette cartographie est l’équivalent du système de plomberie d’un édifice. Il faut relier correctement tous les tuyaux pour assurer une circulation fluide des informations. Ainsi, à la fin de chaque rencontre, on pourrait utiliser un code précisant le type de circulation nécessaire à chaque information : (↓) faire descendre, (↑) faire remonter, (→←) garder entre nous, (←→) informer les autres départements, (↓↑) faire descendre et remonter la rétroaction.
- Recourir aux services d’un agent de liaison. La taille des entreprises est parfois tellement grande qu’il devient souvent utile de créer un poste d’agent de liaison. Cette personne s’assure que tous les liens se font entre les directions ainsi qu’aux différents niveaux : dirigeants, gestionnaires et employés.
La gestion par anticipation
Les entreprises fonctionnent par périodes : automne, hiver, printemps, été. En d’autres termes, toutes les activités en cours durant une période déterminée doivent apporter une valeur ajoutée à la réalisation du plan stratégique.
En lien avec la culture de collaboration et d’interaction, voici certaines règles de fonctionnement. Dès qu’un individu détient une information, il développe le réflexe de se demander qui pourrait en avoir besoin et la lui transmet. Il en va de même avec toutes les décisions. Avant de prendre une décision, et surtout de la mettre en œuvre, chaque membre ou chaque équipe s’interroge sur l’impact qu’elle aura sur les autres directions.
Ce ne sont que quelques exemples de réflexes collectifs qui peuvent être implantés. C’est ainsi qu’une entreprise passe de la gestion par interruption permanente à la gestion par anticipation et qu’elle développe progressivement sa propre culture de collaboration.
Michel Maletto, CRHA, président, Maletto et Associés inc.
Source : Effectif, volume 18, numéro 4, septembre/octobre 2015.