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Répondre aux besoins des clients en adoptant la bonne posture

Appelé à porter plusieurs chapeaux – expert, facilitateur, coach –, le partenaire d’affaires doit régulièrement conjuguer avec les demandes opérationnelles et sa volonté de se positionner en tant qu’acteur stratégique. Comment arrive-t-il à un juste équilibre entre ces demandes et son souci de répondre aux réels besoins de ses clients et de l’organisation? Quelle posture lui permettra d’assumer pleinement son rôle?

26 novembre 2014
Karine Savaria, CRHA | Phanie Rioux | Annie Cloutier, CRHA

Partenaire expert, facilitateur ou coach : la bonne posture au bon moment
Qu’il traite une demande opérationnelle ou stratégique, le partenaire d’affaires doit d’abord s’assurer d’adopter la bonne posture au bon moment, de porter le « bon chapeau ». Au cours d’un même projet, voire d’une même rencontre, le partenaire d’affaires compétent adopte une variété de postures selon les personnes et les éléments du système client avec lesquels il doit interagir. Cette agilité nécessite une pensée critique et un bon jugement de sa part. La figure 1 illustre les différentes postures qu’il peut adopter.

Comment choisir la bonne posture d’intervention? Deux axes permettent au partenaire d’affaires de clarifier la posture à adopter, soit les zones de responsabilités et la volonté du client à croître et à développer son autonomie.

Déterminer le champ de responsabilités
Le partenaire d’affaires doit d’abord définir dans quelle zone de responsabilités s’inscrit le besoin exprimé par son client. Il peut s’agir d’une zone :

  • dont son client est exclusivement responsable, comme l’identification des priorités d’action et des orientations de son équipe; dans ce cas, le partenaire d’affaires aura avantage à adopter une posture de facilitateur lors de ses interventions et à agir comme un gardien du processus et des objectifs à atteindre; un défi de cette posture est d’apprendre à lâcher prise, dans la mesure où il n'a pas d’emprise sur le plan décisionnel;
     
  • appartenant exclusivement au partenaire d’affaires, telle l’application de certaines politiques internes; dans cette situation, le partenaire d’affaires devra plutôt adopter une posture d’expert, en mettant à profit son expérience pour proposer une solution répondant aux besoins de son client; un défi de cette posture est de se montrer suffisamment ferme et convaincant, puisqu’il est alors responsable des résultats; la confiance en soi peut être d’une très grande utilité dans ces cas;
     
  • dont les responsabilités sont partagées entre les deux, par exemple assurer un environnement de travail sain ou doter un poste; le partenaire d’affaires doit adopter une posture hybride en se servant de son expertise pour conseiller et tenter d’influencer son client; il ne doit toutefois pas être trop directif et s’en tenir à ce qui est attendu de lui par son client; outrepasser les limites de sa zone de responsabilités peut le « brûler » auprès de son client.

Valider la volonté de croissance et d’autonomie du client
Un second paramètre à considérer est la volonté de son client à croître ou à développer son autonomie pendant la démarche. Si le client ne manifeste pas une telle volonté, il est inutile pour le partenaire d’affaires de chercher indûment à le faire cheminer. Il gagnera alors à adopter une posture plus prescriptive sur les sujets relevant de sa zone exclusive de responsabilités et à tracer la voie, tout en étant conscient que son client demeurera en quelque sorte dépendant de lui au terme de l’intervention. Dans les zones à responsabilités partagées, le partenaire d’affaires pourra tantôt apporter son expertise, tantôt opter pour une posture de facilitateur.

Si le client manifeste une volonté de développement, le partenaire d’affaires aura tout intérêt à se positionner comme coach auprès de lui en adoptant un mode d’accompagnement responsabilisant. Un certain nombre de conditions doivent être réunies pour adopter une telle posture.

À titre indicatif, voici quelques questions que le partenaire d’affaires peut se poser afin de clarifier l’adoption possible de la posture de coach :

  • Ma relation avec mon client est bonne, existe-t-il un lien de confiance entre nous deux?
  • Suis-je la bonne personne pour faire cheminer mon client dans cette situation, ai-je les compétences nécessaires?
  • Quelles sont les compétences actuelles du client, d’où part-il et où souhaite-t-il aller? Ses attentes sont-elles réalistes?
  • Le contexte est-il favorable, est-ce que je dispose d’un temps suffisant pour faire émerger des prises de conscience chez mon client? Y a-t-il une valeur ajoutée à favoriser l’autonomie du client dans cette zone?

Partenaire d’affaires : se positionner au-delà de l’opérationnel
On attribue souvent au partenaire d’affaires un rôle-conseil touchant à la fois l’opérationnel et le stratégique. Pour ne pas tomber dans le piège du tunnel opérationnel et ainsi assumer pleinement son rôle, il peut adopter quelques lignes de conduite clés.

Connaître la stratégie pour intervenir sur le stratégique
Une intervention stratégique requiert la présence de trois éléments, soit : 1) être directement en lien avec un objectif d’affaires, 2) supporter les besoins d’affaires dans une perspective long terme et 3) mettre en œuvre un ensemble de solutions tactiques (perspective globale).

Pour arriver à traiter de problématiques stratégiques, encore faut-il que le partenaire d’affaires ait la crédibilité qui lui donne la légitimité d’intervenir sur ces sujets. Pour ce faire, il est essentiel qu’il connaisse et comprenne les enjeux et les orientations de l’entreprise, ainsi que leur déclinaison et leur implication dans les directions qu’il accompagne. En questionnant le client sur les objectifs de performance à atteindre et en l’amenant à rattacher sa demande aux orientations, le partenaire d’affaires peut arriver à démontrer la contribution stratégique de son intervention et avoir un impact éventuel sur les décisions d’affaires.

À titre d’exemple, le partenaire d’affaires bien informé des orientations organisationnelles qui reçoit une demande de dotation d’un poste vacant sera notamment en mesure de recadrer la demande du client en arrimant le profil de compétences à des besoins futurs ou en lui proposant une solution autre que le remplacement du poste vacant, et ce, en adoptant une posture dite hybride.

Enfin, plus le partenaire d’affaires connaîtra les spécificités de l’activité de son client, plus il sera à même de le comprendre et de faire des liens entre la stratégie et sa demande. Il peut être proactif dans ses interactions avec ses clients pour faciliter sa compréhension de la direction. Ainsi, il peut demander d’assister à des réunions en tant qu’observateur ou se placer dans une posture de facilitateur, s’imprégnant ainsi du vocabulaire et des problématiques exposées, en plus de se familiariser avec le mode de fonctionnement de l’équipe.

Circonscrire les demandes relevant de son champ de compétences
Qui ne demande rien, n’a rien… Les gestionnaires étant débordés, il n’est pas rare qu’ils formulent au partenaire d’affaires des demandes de nature opérationnelle relevant de leur champ de compétences exclusif. Par exemple, un client demandant au partenaire d’affaires de rencontrer un employé pour un suivi de performance tente de se libérer d’un champ d’activité relevant normalement de sa compétence et pour lequel le partenaire d’affaires devrait plutôt adopter une posture de coach. Répondre positivement à ces besoins en se positionnant comme expert peut avoir des conséquences catastrophiques quant à la nature des demandes futures du client. En évitant de faire de l’ingérence dans le champ de compétences exclusif de son client, le partenaire d’affaires construit sa crédibilité et contribue à définir la nature des demandes dans lesquelles il peut intervenir et, ainsi, à maximiser son impact.

Démontrer son expertise et oser sortir de sa zone de confort
Afin de passer de l’opérationnel au stratégique, le partenaire d’affaires doit démontrer au client ses compétences de contenu. Il doit montrer qu’il sait de quoi il parle et oser sortir de sa zone de confort en acceptant des mandats offrant des défis et de la visibilité tout en étant réalisables.

En faisant des liens avec d’autres services de l’organisation et en discutant des initiatives prises ailleurs et qui peuvent toucher son client, le partenaire d’affaires contribue à montrer sa compréhension de la situation et à présenter ce qu’il sait faire. Faire parvenir à son client des articles en lien avec le besoin d’affaires exprimé, poser des questions permettant d’ouvrir de nouvelles perspectives sont d’autres actions pouvant être des pistes intéressantes à explorer. Attention à ne pas trop en faire, la survalorisation est un piège à éviter pour construire la relation de confiance avec son client.

Être orienté vers les résultats
C’est connu, plus on monte dans la hiérarchie, plus les gestionnaires sont orientés vers les résultats. Pour l’ensemble des projets sur lesquels il travaille, le partenaire
d’affaires doit respecter ses engagements, clarifier les cibles à atteindre et les indicateurs de succès dès le début d’une intervention, montrer les résultats tangibles provenant de ses actions et mettre l’emphase sur les résultats d’affaires, c’est-à-dire refaire le lien avec les orientations stratégiques poursuivies.

Au-delà de ces quelques actions, l’étape de la prise de besoin est également cruciale pour faciliter le positionnement stratégique d’une problématique. La demande du client est souvent formulée autour d’une solution qu’il envisage à son problème. Par ses questions, le partenaire d’affaires doit aller au-delà de la solution proposée par son client pour l’amener à clarifier son besoin et le résultat attendu. Il n’est donc pas rare que le partenaire d’affaires doive recadrer la demande exprimée. Par exemple, une demande de formation sur la gestion des priorités pourrait, après un recadrage stratégique, résulter en une révision des processus projets et en une intervention transversale visant l’efficacité du travail en mode matriciel.

Conclusion
Le partenaire d’affaires peut être appelé à adopter différentes postures dans le cadre d’un même projet, selon sa lecture des paramètres. Afin d’être en mesure d’agir en tant qu’acteur stratégique, il doit être orienté vers les résultats, démontrer sa compréhension des enjeux et clarifier ses zones de responsabilités et celles du client ainsi que les zones de responsabilités partagées. Il doit ensuite agir conséquemment en rappelant les règles du jeu au client, si nécessaire. En fonction du contexte, il peut et doit être flexible dans ce partage de responsabilités. Enfin, un partenaire d’affaires avisé s’assurera de définir la posture attendue dans un contrat clair dès le début de l’intervention, et ce, dans l’optique de préserver sa crédibilité et la confiance du client.

Annie Cloutier, CRHA, MBA, associée principale, Harieka Groupe Conseil
Phanie Rioux, Ph. D., Psy., associée principale, Harieka Groupe Conseil
Karine Savaria, Ph. D., Psy., consultante en développement organisationnel, Harieka Groupe Conseil

Source : Effectif, volume 17, numéro 5, novembre/décembre 2014.


Bibliographie

Barnes, B.K. et B. Scott (2012). “The influential internal consultant”, Industrial and commercial training, 44 (7), 408-415.

Brockbank, W. et D. Ulrich (2003). Competencies for the New HR, Arlington, VA : Society For Human Resource Management.

Douglas, C., D. Kiel et J. McLendon (2010). “Advisers’ Roles - Choosing a Consulting Role: Principles and Dynamics of Matching Role to Situation”, dans Jan Ubels, Nao-Aku Acquaye-Baddoo et Alan Fowler (dir.). Capacity development in practice (1re édition, chapitre 4, p. 57-64). Netherlands : EarthScan.

Robinson, D. G. et J. C. Robinson (2008). Performance Consulting, a practical guide for HR and learning professionals (2e édition), San Francisco, Californie : Berrett-Koehler Publishers.


Karine Savaria, CRHA Consultante en développement organisationnel Harieka Groupe Conseil
Karine Savaria, Ph. D., psychologue organisationnelle, CRHA (cand.), est consultante en développement organisationnel chez Harieka Groupe Conseil. Elle est membre de l’Ordre des psychologues du Québec et formatrice agréée par Emploi Québec. Depuis une dizaine d’années, elle aide les gestionnaires et leurs équipes à relever les défis stratégiques auxquels ils sont confrontés.

Phanie Rioux Consultante Harieka Groupe Conseil

Author
Annie Cloutier, CRHA Associée principale Harieka Groupe Conseil inc.
Associée principale au sein de la firme Harieka Groupe Conseil, Annie Cloutier, CRHA, MBA en développement organisationnel, possède plus de vingt ans d'expérience, tant à titre de consultante qu’au sein d’entreprises d’envergure où elle a évolué dans des postes conseils et stratégiques pendant plus de dix ans. Ayant réalisé de nombreux mandats dans des secteurs variés, elle a développé de fortes compétences dans le développement des talents et des équipes de travail, dans la gestion du changement et dans l’organisation et l’efficacité organisationnelle. Mme Cloutier agit également en tant que conseillère auprès de hauts dirigeants afin de les soutenir dans le développement de leur vision et de leur plan stratégique. On la reconnait pour ses talents de facilitatrice et d’animatrice ainsi que pour sa capacité à saisir rapidement les enjeux et nuances d’environnements différents et complexes.