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Réinventer les réunions, pourquoi pas?

Qui n’a jamais souhaité s’éclipser d’une réunion qui traîne en longueur? Que tous ceux qui souffrent de ces rencontres qui demandent une grande dépense d’énergie pour pas grand résultat au final se rassurent : des réunions d’un nouveau style sont en pleine émergence...

7 juillet 2014
Myriam Jezequel

Qu’est-ce que la réunionite aigüe?


La réunionite sévit en milieu de travail quand une réunion en entraîne une autre, puis une autre qui s’enchaînent avec peu de résultats probants et, surtout, l’impression de perdre son temps en discussions. Le prétexte de se réunir pour discuter de tout et de rien, surtout de rien, en est souvent la cause. Mais ce n’est pas l’unique cause : une préparation floue, des objectifs nébuleux, une animation en quête d’animateur, un suivi toujours à suivre seraient parmi les principaux facteurs qui contribuent à l’inefficacité des réunions.

Rencontres informelles, séances formelles, déjeuners d’affaires, événements de l’entreprise... l’abus de réunions peut surcharger les agendas. Signe indubitable de réunionite: beaucoup souhaitent les fuir sous un prétexte quelconque. Jugées inutiles, interminables ou inévitables, ces trop nombreuses réunions tendent à miner le moral des troupes. Selon une étude publiée par Doodle, un spécialiste de la planification de rendez-vous, chaque employé assisterait, en moyenne, à près de six réunions par semaine. Bonne nouvelle: il est possible de revitaliser les réunions pour restaurer une belle énergie et les rendre aussi agréables que fructueuses.

Tous sur la même longueur d’onde!
Qu’une réunion ait lieu en personne, en conférence téléphonique, sous forme de remue-méninges ou de bilan, qu’on la nomme conférence ou séminaire, une règle vaut pour toutes : elles doivent avoir un objectif bien défini. Est-ce un problème à régler? Une décision à prendre? Un suivi à effectuer? L’important est d’être sur la même longueur d’onde.

Didier Noyé, auteur de Réunionite : guide de survie, constate que, trop souvent, les réunions perdent en efficacité, car elles sont invertébrées (sans réelle structure), avec une tendance maniaco-procédurière (la procédure primant sur le fond) et un côté trop volcanique (ambiance minée par des différends feutrés ou manifestes). Pour l’auteur, des réunions plus efficaces passent par un choix sélectif : des réunions restreintes au strict nécessaire, des participants choisis pour leur contribution et réunis pour un laps de temps déterminé. Pour cela, il faut pouvoir compter sur un animateur qui veille à ce que la réunion ne parte pas dans toutes les directions et ne se perde pas en digressions. À l’image d’un pilote, cet animateur a la responsabilité de conduire la réunion à bonne destination en se souciant autant de la préparation que de l’encadrement. À l’arrivée, chacun gagne à savoir ce qui est ressorti de la réunion.

Une formule express: la réunion debout!
Si rien n’y fait, pourquoi ne pas essayer la réunion debout? Cette formule express de réunion consiste à faire le point quotidiennement sur un projet en cours, chrono en main (ou presque). Forcément, quand la réunion ne dure que dix ou quinze minutes, mieux vaut arriver à l’heure... Et, de fait, quand on est debout, sans table ni chaise pour s’appuyer, l’incitation est grande d’aller à l’essentiel. Nul doute qu’avec ce type de réunions quotidiennes (daily stand-up meetings), parfois organisées dans un couloir, à heure fixe ou sur le pouce, on n’a pas tendance à s’éterniser. Tel est l’objectif, gagner du temps en demeurant focalisé sur le projet commun. Réunis en cercle, les participants prennent la parole à tour de rôle pour exposer brièvement leur situation, diffuser une information ou signaler une difficulté ou un obstacle appelant une décision rapide. Principaux bénéfices : encourager la participation de tous, cibler et partager les informations pertinentes. Autre bénéfice pas si secondaire? Ces réunions quotidiennes, aussi brèves qu’efficaces, consolident l’esprit d’équipe et la cohésion du projet, en permettant à chacun de synchroniser ses efforts. Ces réunions feraient de plus en plus d’adeptes, au-delà des jeunes entreprises Internet qui les ont adoptées dans le cadre d’une approche de développement agile de logiciels.

Autre variante: la méthode agile et la réunion Scrum
En pleine expansion, la réunion Scrum rassemble une équipe affectée à un projet commun. Le terme anglais, emprunté au vocabulaire du rugby, signifie « mêlée » pour souligner l’esprit d’effort collectif. Cette réunion donne la priorité à un projet (partiel) pour lequel l’équipe se donne un temps record de réalisation (sprint). En général, un sprint dure une à quatre semaines. Il peut y avoir plusieurs sprints et réunions correspondant aux différentes phases du projet en construction. L’équipe se réunit d’abord pour planifier ce qui sera développé pendant le prochain sprint (réunion de planification) et le décompose en petites étapes. Très régulièrement, elle se réunit pour discuter du succès de l’étape en cours et décider de la prochaine. À la fin du sprint, elle se réunit (réunion de revue de travail et réunion de rétrospective) pour faire le bilan de ce qui a bien ou mal fonctionné.

Voilà pourquoi la réunion Scrum fait partie des méthodes dites agiles (aussi appelées développement adaptatif) pour la gestion de projets. Leur objectif est d’éviter les erreurs de prévision. Plutôt que de le définir en entier dès le début, l’équipe ajuste le projet en cours de réalisation, selon les besoins de la clientèle ou des utilisateurs, l’adapte sans cesse à l’évolution et à la réalité du marché. Concrètement, comment cela se passe-t-il? Quotidiennement, chacun répond à trois questions : Qu’ai-je fait hier? Que dois-je faire aujourd’hui? Quelles sont les difficultés rencontrées? Un tableau à trois colonnes (à faire – en cours – réalisé) rend visible la progression du travail collectif. Principaux bénéfices : une rapidité (et une certaine pression) d’exécution, une méthode collaborative et l’ajustement permanent du produit pour optimiser sa valeur ajoutée auprès des clients.

Le style labo créatif à la façon idées mijotées
Loin de la rapidité des réunions Scrum, la réunion de style labo créatif ressemble plutôt à une longue, voire très longue séance de créativité. Ces réunions peuvent durer 48 heures pendant lesquelles l’activité cérébrale est sollicitée dans ses deux hémisphères. Expérimentés dans les Bell Labs, l’entité de recherche d’Alcatel-Lucent, ces véritables laboratoires d’idées créatives visent à susciter autant la réflexion que l’imagination des participants. Affalés sur des poufs, surélevés sur des tabourets ou à plusieurs dans un fauteuil, les participants baignent dans une atmosphère des plus décontractées. L’important est d’explorer des idées créatives, même farfelues, de laisser surgir de nouvelles idées incluant une prise de risque. La diversité des participants fait la force du groupe. C’est ainsi que, dans ce type de réunions, peuvent se mêler des professionnels reconnus pour leur expertise en communication, design, marketing, graphisme, distribution... Selon une étude, les chercheurs innoveraient mieux s’ils bénéficient d’objectifs et de subventions à long terme plutôt qu’à court terme.

Alors, sprint d’équipe ou horizon lointain? Une chose est sûre, ces réunions nouveau genre n’ont rien des réunions traditionnelles!

Myriam Jézéquel, journaliste indépendante

Source : Effectif, volume 17, numéro 3, juin/juillet/août 2014.


Sources de cet article :


Myriam Jezequel Écrivaine, chroniqueuse et chercheuse