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Pour contrer la pénurie de main-d’œuvre : pourquoi pas les personnes handicapées?

Il n’y a pas si longtemps, la présence des personnes handicapées en emploi était plutôt marginale. Les temps changent cependant, et il y en a de plus en plus sur le marché du travail.

7 novembre 2011
Michèle Côté et Émilie Boyle, CRHA

Les données de l’Enquête sur la participation et les limitations d’activités (EPLA) démontrent en effet une augmentation du taux d’emploi des Québécois ayant une incapacité. En 2006, le taux d’emploi atteignait 40 % chez les personnes de 15 à 64 ans qui ont une incapacité, comparativement à 35 % en 2001.

Les personnes handicapées aspirent de plus en plus à pratiquer des professions telles que l’architecture, la médecine, la psychologie ou encore des métiers tels que le travail en usine ou en entrepôt. Nombreuses sont les histoires de réussite, qui permettent de découvrir les multiples talents et compétences de ce bassin de main-d’œuvre encore trop peu utilisé par les employeurs.

Une main-d’œuvre qualifiée et diversifiée
Fortes d’un niveau de scolarité de plus en plus élevé, les personnes handicapées sont tout aussi qualifiées que l’ensemble de la population sans incapacité. En effet, l’EPLA démontre une diminution du nombre de personnes sans diplôme d’études secondaires et un accroissement de personnes diplômées, notamment de niveau universitaire. Bien qu’elles se soient autrefois concentrées dans des champs d’études à caractère administratif, elles se dirigent aujourd’hui vers des secteurs de plus en plus diversifiés, tel celui des métiers spécialisés. En 2001, 4,1 % des personnes ayant des incapacités détenaient un diplôme d’une école de métiers, alors qu’en 2006, le pourcentage s’élevait à 14 %. C’est tout un bond qui contribue à défaire l’image de la personne en fauteuil roulant, « condamnée » à travailler derrière un bureau.

Contrairement à la croyance populaire, moins de la moitié des travailleurs handicapés se considèrent limités dans le genre ou la quantité de travail qu’ils peuvent faire et rapportent, en raison de leur état, avoir besoin de certains services, aides ou aménagements pour être capables de travailler. Les principales modifications requises pour favoriser le maintien en emploi des personnes avec des incapacités portent principalement sur la flexibilité des horaires et la réduction du temps de travail (23 %). De plus, il n’est pas rare que le besoin d’adaptation se limite à l’achat d’une chaise spéciale ou d’un soutien dorsal (17 %).

Bien que la situation des personnes handicapées au regard de l’emploi se soit améliorée, un constat s’impose : l’écart entre le taux d’emploi des personnes ayant une incapacité et celui des personnes sans incapacité persiste. Selon les données du recensement de 2006, 40 % des personnes handicapées de 15 à 64 ans occupent un emploi, ce qui est nettement moins que la proportion observée chez les personnes sans incapacité du même âge, qui s’élève à 73 %. C’est pourquoi le gouvernement s’est doté, en 2008, de la Stratégie nationale pour l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées qui a pour objectif de réduire de 50 %, d’ici 2018, l’écart entre le taux d’emploi des personnes handicapées et celui des personnes sans incapacité. À titre d’exemple, et en fonction des données de 2006, il faudrait majorer de 15 % le taux d’emploi des personnes ayant une incapacité pour que l’objectif de la Stratégie soit atteint. Le succès passe incontestablement par la mobilisation de tous les acteurs du marché du travail.

Opter pour la diversité
En introduction de son livre blanc, Deloitte Canada (juillet 2010) énonce que : « Faire de la diversité une priorité dans les organisations canadiennes est un impératif, non seulement parce que c’est la chose à faire, mais aussi parce que c’est une condition essentielle pour assurer la prospérité future de nos affaires et de notre économie. » On y précise que : « S’il est vrai que nous avons fait des progrès en matière d’inclusion des deux sexes et des différentes races, les personnes handicapées demeurent très mal représentées dans nos milieux de travail. »

Même si l’embauche de personnes handicapées pouvait être perçue autrefois comme un défi, elle représente maintenant une avenue fort intéressante pour combler les besoins de main-d’œuvre qui deviennent de plus en plus criants. Plusieurs conseillers en ressources humaines optent donc pour la diversité dans les processus de recrutement de personnel. C’est le cas chez TD Assurance. En fait, de plus en plus d’entreprises sont soucieuses de leur engagement social et se disent déterminées à créer un milieu de travail diversifié, où tout employé se sent intégré, avec des perspectives égales de carrière.

D’ailleurs, dans un contexte de pénurie de la main-d’œuvre, les professionnels de la gestion des ressources humaines jouent un rôle clé dans la recherche des talents pour leur organisation. Afin de trouver les meilleurs candidats, il est essentiel d’avoir accès au plus grand bassin possible. À ce titre, un employeur qui adopte des pratiques d’embauche favorisant un milieu inclusif s’ouvre à une plus grande quantité de candidats et peut ainsi choisir parmi les meilleurs talents.

Un apport inspirant…
Chez TD Assurance, on a pu observer concrètement comment l’embauche de personnes handicapées a métamorphosé une équipe et a eu un réel impact positif sur l’entreprise.

Avec un parcours de vie souvent différent de la majorité, les personnes handicapées apportent un bagage d’expériences qui peut, lorsqu’il est transposé dans une organisation, générer des idées et des façons de faire novatrices. De plus, une personne handicapée doit souvent faire face, dans ses activités quotidiennes, à un environnement qui n’a pas été conçu pour répondre à ses besoins. Elle doit donc constamment s’y adapter. Or, étant donné le rythme effréné des changements auxquels les entreprises font face, la polyvalence et la capacité d’adaptation du personnel sont des compétences de plus en plus recherchées sur le marché du travail.

Finalement, les équipes ayant l’opportunité de travailler avec des personnes handicapées sont souvent inspirées par le parcours et la détermination de celles-ci pour surmonter les obstacles du marché du travail. Ces personnes sont appelées à devenir des modèles positifs et inspirants pour tout le personnel qui les côtoie.

Comment adapter les pratiques?
Mettre en place une démarche de diversité va plus loin que le simple recrutement de personnes ayant des incapacités. Toute entreprise qui souhaite diversifier son bassin de main-d’œuvre doit d’abord intégrer cette démarche à son système de valeurs organisationnelles.

Ensuite, il faut penser aux obstacles environnementaux et technologiques que pourrait rencontrer le nouvel employé et mettre en place des solutions adaptées à ses besoins. Il faut également garder à l’esprit que chaque personne handicapée est différente, avec des besoins qui lui sont propres, et que son intégration au travail ne nécessite bien souvent que très peu de mesures d’adaptation, parfois même aucune. Plusieurs organismes de services peuvent aider les employeurs à arrimer le bon poste avec la bonne personne, tout en les conseillant sur l’intégration de la personne retenue.

Les professionnels de la gestion des ressources humaines sont souvent porteurs de l’évolution des processus d’embauche et d’accueil des nouveaux employés. À ce titre, ils doivent se questionner sur le bien-fondé de chaque étape du processus de recrutement afin de s’assurer que des candidats compétents pour le poste à pourvoir ne seront pas pénalisés en raison de leurs incapacités.

  • Les exigences requises dans l’affichage du poste à pourvoir reflètent-elles vraiment les besoins de l’entreprise? Comportent-elles des éléments discriminatoires ou sont-elles formulées de manière à restreindre une partie de la population susceptible de détenir les compétences recherchées pour le poste?
  • Y a-t-il lieu d’adapter les outils de sélection afin de tenir compte des incapacités de certains candidats? Par exemple, s’assurer que les formulaires à remplir sont en gros caractères pour qu’une personne malvoyante puisse y répondre de façon autonome?
  • Le programme d’accueil du nouvel employé est-il suffisamment complet pour favoriser l’intégration de la personne handicapée à sa nouvelle équipe de travail?

Au-delà de ce questionnement, il est important de se rappeler que la personne elle-même est la mieux placée pour exprimer ses besoins particuliers en ce qui concerne les mesures d’adaptation nécessaires à son intégration et à son maintien en emploi. Il importe donc d’inclure dans le processus un moment pour en discuter avec elle.

Obtenir l’appui de la direction
Comme toute démarche entraînant un changement de culture organisationnelle, l’appui de la haute direction est essentiel. Que ce soit pour donner l’aval à des changements de politiques de recrutement ou pour donner de la visibilité à des activités de sensibilisation sur la diversité, le soutien des hauts dirigeants aura pour effet d’inciter l’ensemble des employés à emboîter le pas.

Également, il peut être utile d’aller chercher des appuis à l’extérieur de l’entreprise. Le soutien des organismes spécialisés dans l’intégration des personnes handicapées et la richesse des échanges avec des professionnels du Réseau des entreprises pour l’intégration des personnes handicapées, qui mise sur des activités de partage et sur l’élaboration de bonnes pratiques de recrutement et de maintien en emploi des personnes handicapées, sont sans contredit des éléments facilitant le travail des conseillers en ressources humaines.

Bref, même si la démarche pour créer un milieu de travail inclusif implique temps et efforts, en plus d’un engagement sincère de la direction et de l’équipe des ressources humaines, ceux qui s’y investissent constateront que cet engagement génère des retombées positives au sein des entreprises.

Michèle Côté, conseillère à la formation, Direction du partenariat et de l’innovation, Office des personnes handicapées du Québec, et Émilie Boyle, CRHA, conseillère en gestion des ressources humaines, TD Assurance

Source : Effectif, volume 14, numéro 4, septembre/octobre 2011.


Michèle Côté et Émilie Boyle, CRHA